Carouge

Le Roi est mort, Vive le Roi!

Jusqu’au 19 janvier, le Théâtre de Carouge joue Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco. Forte d’une scénographie ébouriffante et d’une distribution talentueuse, la version du metteur en scène Cédric Dorier revisite avec panache ce grand classique du théâtre moderne.

Texte: Athéna Dubois-Pèlerin

Photo: Alan Humerose

Confortablement abrité dans son palais, un roi décadent apprend subitement qu’il ne lui reste que quelques instants à vivre. Malgré la vieillesse et la maladie, malgré ses quelques 300 ans d’existence et son royaume qu’il a laissé tomber en ruines, le roi Bérenger se débat, refuse son sort, affirme qu’il n’a pas suffisamment vécu encore, qu’il lui faut plus de temps. Mais nul ne peut négocier avec la Mort lorsqu’elle vient le chercher…

Adapter Le Roi se meurt à la scène pourrait être comparé à un travail de chimiste, tant le dosage du comique et du tragique est délicat à manœuvrer. Du rire aux larmes, il n’y a qu’un pas et peu de dramaturges parviennent à nous le démontrer aussi finement que Ionesco. On traverse sa pièce comme sur une corde raide, se sentant constamment happé tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Dans la réalisation, la nécessité de réconcilier cette dualité se traduit par un impératif somme toute assez simple: il s’agit de ne verser complètement ni dans la farce, ni dans le pathos.

Cédric Dorier relève brillamment ce défi, laissant pleinement l’occasion au public de s’amuser comme de s’émouvoir. L’absurde est savoureusement cultivé, au travers d’un jeu appuyé, de costumes bigarrés, d’une scénographie farfelue qui tourne sur elle-même comme une horloge mal réglée, et même d’un intermède musical et dansant diablement réussi. La troupe se distingue avec éclat – à peine regrettera-t-on quelques répliques trop précipitées, qui font perdre çà et là au texte une partie de son mordant. Les artistes semblent se plaire à interpréter chacun·e son allégorie, de Nathalie Goussaud, fantasque reine Marie cherchant à tirer son époux vers la Vie, à Anne-Catherine Savoy, qui campe une reine Marguerite pince-sans-rire et décidée au contraire à le préparer à la Mort, en passant par le médecin – la Science incarnée – interprété par un Raphaël Vachoux à la diction remarquable.

Mais le tragique n’est jamais oublié, et marche main dans la main avec le burlesque. Denis Lavalou fait merveille en roi condamné, pris en étau entre ses deux féroces épouses, Eros et Thanatos, la pulsion de Vie et la Mort inéluctable. On rit de sa pusillanimité – et on s’attendrit de sa vulnérabilité. Forcé de renoncer au rêve de l’immortalité et de contempler sa propre fin, Bérenger cesse d’être roi pour devenir l’Humain dans ce qu’il a de plus viscéral. Les questions qu’il pose à mi-voix sont celles que nous portons toutes et tous au fond de nous: Qu’est-ce que cela signifie de disparaître? Comment accepter de ne plus être? Que restera-t-il de moi lorsque je ne serai plus?

Le Roi se meurt est un Memento Mori jovial et acéré, une œuvre à la fois cruelle et d’une tendresse infinie. On en ressort étrangement troublé·e, mais avec un sentiment diffus de gratitude envers la vie, sa finitude et l’infini de ses possibilités.

Le Roi se meurt
Théâtre de Carouge, La Cuisine – Rue Baylon

Jusqu’au 19 janvier
www.theatredecarouge.ch

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Humour (dans le) noir 

Inspiré par les soirées NOIR lancées à Paris, Jokers Comedy propose depuis quelques temps au Caustic Comedy Club des stand-ups d’un genre un peu particulier. Avec ses Jokers Blackout, la production fait découvrir au public 4 humoristes et leurs enchaînements de sketchs tout en étant plongé dans l’obscurité totale! Un format qui a le mérite de décomplexer tant les artistes… que le public!  

Texte: Mélissa Quinodoz 

Mardi soir, la salle du Caustic Comedy Club affichait quasi complet pour sa 2e soirée dans le noir de la saison. Il faut dire que le concept a de quoi susciter la curiosité du public qui semblait plutôt impatient de voir les lumières s’éteindre. Et immédiatement, cette obscurité a su créer une atmosphère un peu particulière dans la salle, une sorte d’intimité entre les personnes présentes ce soir-là.  En silence, les spectateur·trice·s ont donc attendu l’arrivée sur scène de la première artiste et des premiers mots qui signaleraient sa présence. Rapidement, on se rend alors compte que pour les artistes l’exercice n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Certes, en étant ainsi dans le noir les humoristes s’affranchissent de l’auditoire, du trac et des regards posés sur eux. En contrepartie, les comiques ne peuvent toutefois compter que sur la réactivité du public et les rires. Il faut ainsi gérer les moments de silence un peu gênants et les flops de certaines blagues dans une situation où On réalise que l’interaction avec les spectateurs·trice·s ne peut évidemment pas être la même que lors d’un stand-up classique et que les humoristes doivent trouver un nouveau moyen d’impliquer leur public. Au fil des sketchs certain·e·s vont ainsi réagir au rire atypique d’une spectatrice alors que d’autres préféreront toucher la tête d’un homme au premier rang.  

Du point de vue du public l’expérience Jokers Blackout est également particulière. Dans le noir on rigole plus fort, on ne se soucie pas de savoir si la blague a fait rire le voisin ou du politiquement correct. Sketchs après sketchs on a ainsi pu entendre certain·e·s partir dans des fous rires incontrôlables alors que d’autres se montraient beaucoup plus réservé·e·s. À ce sujet, il est d’ailleurs surprenant de voir les libertés que peut prendre un public lorsqu’il est plongé dans le noir. Décomplexé·e·s, quelques spectateur·trice·s n’ont pas hésité à interpeller les artistes et ont parfois tenté, avec plus ou moins de succès, de faire eux aussi un trait d’humour. Plus provocante, une spectatrice est même allée jusqu’à reprendre Kevin Eyer sur son niveau de français. Une attitude pas toujours agréable qu’on peine à imaginer dans une salle éclairée mais à laquelle l’humoriste a su parfaitement réagir.  

Au terme de ce spectacle d’environ 1h, ne restait finalement plus qu’une chose à faire, découvrir les 4 artistes de la soirée et associer, enfin, visages et voix. Un moment d’autant plus sympathique que durant toute la prestation on essaie forcément de deviner à quoi ces artistes peuvent bien ressembler. Aussi, on regrettera que la seule femme humoriste de la soirée ne se soit pas donné la peine de rester jusqu’à la fin du spectacle pour se présenter*. Malgré tout, c’est avec plaisir que nous avons découvert ses collègues qui ont pu eux aussi voir pour la première fois ce public mystère qui leur faisait face et les personnes avec lesquelles ils ont interagi.  

Au final, cette expérience humoristique s’est révélée plutôt plaisante. L’événement reste original et mérite qu’on y assiste au moins une fois. Pour les curieux·ses, le prochain rendez-vous dans le noir est ainsi fixé au mardi 21 janvier 2020 au Caustic Comedy Club. L’occasion de voir, ou plutôt d’entendre, de jeunes humoristes tout en faisant des économies d’énergie. Une soirée bonne pour le moral mais également pour la planète donc à découvrir très vite.  

Jokers! Blackout
Caustic Comedy Club, Carouge (GE)
Prochain spectacle le mardi 21 janvier 2020 à 19h30
Toutes les informations sur www.causticcomedyclub.com 

 

*note a posteriori: Le Caustic Comedy Club nous a informé que Cinzia Cattaneo (qui pour des raisons de programmation remplaçait une autre humoriste ce soir-là) serait restée avec plaisir mais jouait dans un autre spectacle aux 4 Coins à 20h. Elle a donc dû faire son set la première afin de pouvoir filer sur l’autre scène.

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Carouge au carrefour de l’art

L’espace d’un week-end, la jolie ville de Carouge devient l’hôte de vos envies culturelles, honorant ainsi sa riche tradition artistique et artisanale. Comme de coutume depuis la création de l’association ArtCarouge en 2005, sept galeries et le Musée de Carouge ouvrent leurs portes pour  faire découvrir au public leurs nouvelles expositions et créations d’art contemporain. 

Texte: Marie Pichard 

Cette année, il faudra se rendre du côté de la place de Sardaigne pour assister à l’évènement phare du week-end, signé Christian Gonzenbach. À mi-chemin entre sculpture et machine, son installation nommée « Appareil reproducteur » permettra au visiteur curieux de repartir avec sa propre œuvre d’art; une manière de questionner les notions de propriété intellectuelle et de gratuité. 

Quelques pas plus loin, la galerie d’Annick Zufferey située à la place des Charmettes ravira les amateurs de bijoux contemporains. On pourra y admirer le travail d’Akiko Kurihara, artiste japonaise basée à Milan, dont les créations minimalistes s’inspirent de découvertes du quotidien, non sans humour et poésie. 

 

La suite de la promenade vous mènera peut-être à la galerie Aubert Jansem, pour une plongée dans l’univers atypique de Gene Mann, peintre autodidacte reconnaissable dans les rues de Carouge à sa chevelure de feu. Vous vous laisserez emporter par ses œuvres puissantes empreintes d’humanisme, lors du vernissage de sa nouvelle exposition intitulée « Archéologie du Silence ». 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme dernier aperçu de cette balade automnale, les amoureux de design seront accueillis par la NOV Gallery, rue Joseph-Girard. Véritable vitrine d’artistes émergents – tant designers que photographes – tout droit sortis de la HEAD et de l’ECAL, NOV vous invite à explorer le concept d’artefact dans le cadre d’une série imaginée pour la Milan Design Week d’avril dernier.

 

 

 

 

 

 

 

 

ArtCarouge, les 3 et 4 novembre de 11h à 17h
Plus d’informations sur : www.artcarouge.ch

 

 

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