Festival

Emma Ruth Rundle

Emma Ruth Rundle: de la Dark Folk à Antigel

Emma Ruth Rundle était à Genève le 14 février dernier dans le cadre du festival Antigel pour la promotion de son album Engine of Hell. Ce dernier album, épuré et dépouillé des textures de guitare et de l’urgence vocale qui ont fait la notoriété de l’artiste, marque une étape dans sa carrière et les émotions brutes qui résonnaient dans les murs du Casino Théâtre ce soir-là étaient chargées d’une intensité qui n’avait rien à envier au plus bruyant des groupes de rock. 

Texte d’Eloïse Vibert

La soirée a commencé avec les textures sonores anxiogènes de Jo Quail, des pièces inspirées par les énergies de la nature dont la dissonance portée par un violoncelle électrique squelettique capturait le souffle de l’auditoire. Cette première partie de soirée nous emmenait dans des paysages tantôt arides, tantôt inondés, parfois urbains où la nature avait repris ses droits et où nos peurs primaires ne pouvaient que fluctuer au rythme des loops superbement maitrisés.

Puis, après une pause d’une dizaine de minutes ponctuée par quelques mots du directeur d’Antigel, c’est au tour d’Emma Ruth Rundle de monter sur scène. Habillée d’une combinaison et d’une veste dont la moitié est noire et l’autre moitié blanche, maquillée avec des larmes pailletées, la compositrice s’assoit au piano et brise le silence: “Bonjour, mon nom est Emma et je vais vous jouer l’album Engine of Hell du début jusqu’à la fin”.

La sobriété de cette première intervention est suivie par les premières notes de Return, le premier morceau de l’album. La tension toujours palpable de la performance précédente se transforme soudainement en une mélancolie de plus en plus intense, une douleur enfermée dans un écrin d’abandon.

Les morceaux se suivent devant une audience silencieuse, soucieuse de ne pas casser la beauté de cette douleur exquise. Bloom of Oblivion nous emmène au plus profond des étapes du deuil – un thème récurrent de cette soirée – ponctué par des chuchotements, et clôturé par des cris du cœur répétant comme une libération: “I love you, see ?”.

Puis, la compositrice nous invite à vivre le souvenir capturé dans la chanson Dancing man. Citadel suit peu de temps après, accompagné par Jo Quail au violoncelle, nous offrant ainsi une respiration en mêlant l’énergie complémentaire des deux artistes.

L’interprétation d’Emma se veut théâtrale mais avec mesure et sobriété, rappelant un peu le jeu de scène de Tori Amos, où les jeux de regard servent le texte et les émotions brutes partagées dans ce moment suspendu dans le temps. L’artiste laisse parfois échapper quelques larmes, nous donnant un accès privilégié à une authenticité salvatrice.

Enfin, arrive le dernier morceau du set: In my Afterlife, qui donne le coup de grâce avec une progression d’accords qui nous emmène vers la fin de la performance en beauté. La chanson est suivie d’un rappel par lequel l’artiste clôture le concert avec des morceaux de ses albums précédent dont Marked for Death, issu de l’album du même nom.

Et puis, comme une apparition, Emma remercie le public, se lève, un peu déboussolée et disparait d’un côté de la scène nous laissant avec les tornades d’émotions qu’elle a suscité.

L’ironie de la date à laquelle ce concert a eu lieu n’échappera pas à certain. Malgré l’association un peu malheureuse en apparence entre un concert qui expie la douleur et le deuil de l’artiste et la fête des amoureux, l’authenticité de la performance et la catharsis qu’elle renfermait était un cadeau qui dépasse largement un bouquet de roses offert hors saison.

https://antigel.ch/fr 

Sabine Pakora

Trois points de suspension sur une page blanche

La veille de la première représentation de son spectacle La Freak, journal d’une femme vaudou au festival Les Créatives, Sabine Pakora participe à la table ronde sur les libertés d’expressions. En tant que femme comédienne franco-ivoirienne soumise aux clichés et préjugés, elle a dû constamment se réinventer dans sa carrière. Elle a notamment vite compris que “le monde des arts n’est pas du tout un univers de création détaché des rapports sociaux, [mais que l’]on y reproduit les rapports de domination”. Sur cinquante projets, l’artiste en a reçu seulement deux sans exotisation: prostituées, femmes de ménages, femme vaudou, voici à quels rôles on la rattachait continuellement. C’est ce qui la pousse en partie à monter son propre spectacle, synthèse de toutes les expériences vécues ces 10 dernières années.

Texte de Jeanne Moeschler

Sur scène, deux sculptures, belles, imposantes, qui reprennent leur place et éblouissent le public. Des habits colorés sur des cintres, un miroir de loge artistique, une chaise et des micros. Sabine Pakora se meut dans l’espace et les rôles, racontant parfois des histoires qui lui sont arrivées, imitant parfois des personnes dont les commentaires éminemment racistes l’ont marquée. On voyage ainsi entre la Côte d’Ivoire, la France et la Suisse et les stéréotypes qui ont accompagné Sabine, de son enfance à l’âge adulte.

La force de cette pièce réside dans la sincérité des propos et la richesse des images utilisées. Par ses mots, la comédienne nous transporte d’une pièce “chatoyante” où la télévision “crépite comme un bon feu” à une église où c’est dans un costume de Mickey bien trop serré (il est du 42, elle en fait du 52) qu’elle doit apporter un gâteau à l’enfant roi du jour, sous les yeux effarés des invité·e·s.

À la télévision, Sabine n’a jamais vu de personne qui lui ressemble. On vit dans un monde où les fées sont blondes et minces, et pas noires et grosses. Elle grandit sans modèle dans un monde avec un filtre blanc. Être noir, c’est comme être “trois points de suspension sur une page blanche”, trois petits points dérisoires dans un “un océan de blancheur immaculée”, alors que toutes les couleurs devraient pouvoir y nager.

La comédienne change également de peau en se mettant dans celles d’hommes ou femmes blanches, du réalisateur au professeur d’université. Ces personnes-là, considérées comme la norme, sont rarement stéréotypées. C’est une vraie reprise de pouvoir de le faire, car leurs propos racistes, souvent banalisés, sont mis en lumière frontalement. Ça surprend, ça étonne et on se dit: mais non, ils·elles ont quand même pas dit ça? Et pourtant si. On ne sait si on doit rire ou être stupéfaite en entendant ces histoires, à la fois très drôles mais révélatrices d’un racisme profondément ancré dans la société. Au final, on fait les deux, un rire dépité nous échappe – comment un tel rapport de domination est-il encore possible aujourd’hui?

À la fin, les applaudissements sont bruyants et la comédienne annonce, émue, que c’est la première représentation de son spectacle hors de Paris. En souhaitant que celui-ci transmette son message drôle, émouvant et politique au plus grand nombre de personnes, nous quittons la salle, accompagnées par le goût de colorier une bonne fois pour toute cette vilaine page blanche.

Melissa Kassab

Les Créatives – Douceur et puissance à La Gravière

Hier, la première soirée du festival Les Créatives en collaboration avec La Gravière a eu lieu. La Genevoise Melissa Kassab et la Londonienne Gretel Hänlyn ont joué de leur guitare pour le plus grand plaisir du public. Une soirée aux sonorités contrastées qui nous a transportées dans deux univers bien propres à chacune.

Texte de Catherine Rohrbach

Il est 20h30, sur la scène de La Gravière, la chanteuse Melissa Kassab arrive avec sa guitare, son seul accompagnement. Avec sa voix et ses arpèges, elle nous transporte dans son univers. Un univers doux, bienveillant et attachant où seuls deux accords suffisent pour faire une belle chanson. Si on décèle une certaine timidité, qui est peut-être dûe au fait qu’elle joue à la maison, il n’y a aucun doute qu’elle appartient bien à la scène. Elle est naturelle et authentique, tout autant que son folk. Ses textes, ses quelques reprises (c’est plus facile d’être soi-même quand on chante quelqu’un d’autre, dit-elle) et ses anecdotes nous donne un aperçu de qui elle est, sans masque.

En deuxième partie de soirée, c’est Gretel Hänlyn qu’on découvre. Accompagnée de son groupe, celle-ci nous emmène dans un tout autre monde. Hänlyn, qui jouait en Suisse pour la première fois, pourrait sans problème prétendre appartenir à la scène grunge et alternative du Seatle des années 90 et pourtant, elle est anglaise et n’était pas encore née quand Kurt Cobain nous quittait. Ses notes sont brutes, sa voix est profonde, le tout est d’une puissance qui se marie bien avec la scène de la Gravière.

Gretel Hänlyn

Tout comme avec Kassab, la performance de Gretel Hänlyn est bien à l’image de sa personnalité. Sombre et gothique aux premiers abords, une certaine légèreté se laisse entrevoir au fil des chansons, avec notamment un nouveau titre, une ode à son chat, qui prend des sonorités pop punk.

À la fin des concerts, la présence de Melissa Kassab et Gretel Hänlyn sur une même affiche semble logique. La douceur de Kassab et la puissance de Hänlyn ont en commun leur authenticité. Elles n’ont pas peur d’être elles-même sur scène. Il n’y avait pas de prétention et aucun faux semblant à la Gravière hier soir.

Le festival continue!

Les créatives

Les Créatives, quand le politique rencontre l’artistique

Le festival Les Créatives a donné son coup d’envoi aujourd’hui.  Et quel coup d’envoi. Rien de moins qu’une conférence avec Gloria Steinem. Avec de nombreux spectacles, concerts, tables rondes et autres événements axés sur le genre et l’égalité, les treize prochains jours s’apprêtent à être culturellement féministes.

Texte de Catherine Rohrbach

C’est à la Salle de la Madeleine que le premier événement de la 18e édition du festival Les Créatives a eu lieu. Une conversation avec Gloria Steinem – ou plutôt un petit moment de “révolution féministe transcontinental”, selon cette dernière. Après un discours d’introduction de Madame la conseillère d’Etat Nathalie Fontanet rappelant l’importance d’une lutte constante pour les droits de la femme dans une société où ceux-ci ne sont jamais acquis, nous avons eu le droit à un instant de réflexion avec une icône du mouvement. La conversation, menée par Célia Héron, cheffe de la rubrique société du Temps, nous ramène à des questions encore trop d’actualité: le droit à l’avortement, l’intersectionalité entre genre, race et classe sociale, l’importance du mouvement #MeToo, etc. 

Si Gloria Steinem est une figure emblématique du mouvement féministe, Les Créatives en sont une en devenir. Le festival prône en effet la visibilisation et l’inclusion des femmes et des minorités de genre dans les domaines culturels et artistique et cherche à faire le lien entre création artistique et réflexion féministe. Ainsi, des tables rondes et conférences sont organisées aux côtés des spectacles et des concerts. Quoi de mieux que de se questionner sur une société plus égalitaire tout en profitant de créations artistiques pluridisciplinaires émancipées du patriarcat.

L’équipe de la rédaction de L’Agenda sera présente lors du festival – du 15 au 27 novembre, rappelons-le – pour vous offrir un bon plein d’articles, alors ne partez pas trop loin.

Sine Nomine

Festival Sine Nomine

À Lausanne, la ville qui l’a vu naitre il y a quarante ans, et même bien au-delà, on ne présente plus le Quatuor Sine Nomine, ensemble qui, pour mieux servir la diversité des œuvres, des compositeurs et des époques qu’il interprète, a choisi de se présenter… sans nom. Du 30 septembre au 2 octobre prochain, il convie des artistes romand·e·s au rayonnement international à le rejoindre à l’Église de la Chiesaz à l’occasion de la 11e édition de son festival.

Vous les avez entendus cette année mais ne vous rappelez plus à quelle occasion? Mais si: dans une une création mondiale avec le clarinettiste Pascal Moragues à l’Octogone de Pully en mars… interprétant Les sept dernières paroles du Christ de Haydn à Romainmôtiers en avril… ou alors en juin, au Château de Lucens dans des oeuvres du 19e siècle avec Dan Poenaru au piano? Et pour les Genevois·es, ce fut peut-être au Festival Puplinge Classique, aux côtés de l’Orchestre des Jeunes de la Suisse Romande dont ils ont la direction artistique.

Reste encore une part belle à venir pour cette riche 2022, cela dit! En effet, pour la 11e édition de son festival, le quatuor a élu domicile à Saint-Légier. La semaine prochaine sera donc une bonne occasion de témoigner de leur talent, tant de musiciens que de programmateurs:

C’est autour des oeuvres de Brahms et de Fauré que les quatre membres du quatuor ont imaginé leur fête. Les concerts ont été pensés en miroir, afin de laisser percevoir les similitudes des compositeurs, leur “même sens de l’épure”, tel que le note le quatuor, aussi bien que le contraste entre la puissante flamboyance du premier et la délicatesse claire-obscure du second.

La réalisation de ces expériences sensorielles de chambre, dont l’axe central du quatuor à cordes est élargi à d’autres formations, est ainsi confiée à des artistes réputé·e·s: Hiroko Sakagami et Philippe Dinkel pour les oeuvres avec piano, et Thomas Demenga, Nicolas Pache et Marc-Antoine Bonanomi dont les cordes viendront se joindre à celles du Quatuor Sine Nomine. Citons aussi la mezzo-soprano Marie-Claude Chappuis qui, le dimanche 2 octobre, donnera sa voix à un arrangment des Vier ernste Gesänge de Brahms, puis le cycle de neuf mélodies sur des poèmes de Paul Verlaine de Fauré!

Pour voir le programme dans son entier: https://festivalsinenomine.ch/

Tourne-Films Festival

Tourne-Films Festival: le petit qui devient grand

Créé par des jeunes lausannois∙es d’origine et d’adoption, le Tourne-Films Festival Lausanne revient pour une 4e année. Après la comédie musicale, le band movie et Ennio Morricone, c’est le biopic qui sera au centre de cette édition. Entre concerts et projections, tout en passant par un programme de médiation et une compétition officielle, le TFFL se prépare à monter d’un cran et prendre un nouveau statut.

Texte de Simon Coderey

Depuis maintenant quatre ans, le cinéma et la musique possèdent une nouvelle maison pour cohabiter. Après une première année à Malley, c’est à la villa de Mon Repos que le festival a pris ses quartiers. Toujours début septembre, le TFFL vient clôturer en beauté une saison estivale soutenue dans la capitale vaudoise. Après une édition réussie en 2021, et ceci malgré les restrictions sanitaires, le TFFL revient grandi et mature. Il a repensé le terrain et a doublé son espace en prenant l’entièreté du pourtour de la villa de Mon Repos. La musique et le cinéma, bien que frères et sœurs au TFFL, font maintenant chambre à part. Du côté des gradins naturels, la musique viendra commencer les festivités tous les soirs. Joueront des musicien∙ne∙s de la région, avec notamment les Lausannois Crux Sledge ou la productrice, compositrice et interprète d’électronica La Colère. La française Wendy Martinez, avec sa pop rétro, fera écho à Barbara, dont le biopic de Mathieu Amalric sera projeté en seconde partie de la soirée du vendredi. Puis du côté de la villa, l’équipe du festival a décidé de collaborer avec RoadMovie, un cinéma itinérant qui fait vivre le 7e art depuis des années en Suisse romande.
Tourne-Films Festival

Photos: Audrey Manfredi

La programmation de films se focalise donc sur le biopic avec un twist. Les deux co-présidents expliquent que le TFFL propose des long-métrages “sortant des sentiers battus et jouant aux niveaux formel ou narratif avec les limites du genre du film biographique”. Cette rétrospective commencera le mercredi à la salle Paderewski du Casino de Montbenon avec le I’m not there de Todd Haynes qui retrace la vie d’un artiste, très semblable à Bob Dylan, interprété par six acteurs et une actrice. Ce sera ensuite à Mon Repos que la programmation se poursuivra avec le Barbara de et avec Mathieu Amalric mettant en scène une réalisation d’un biopic sur la chanteuse. Les limites entre raconter la vie d’un∙e artiste et la créer de toute pièce seront questionnées avec le film Eden racontant l’histoire d’un DJ fictif dans le contexte bien réel de la french touch. Puis deux grands noms de la musique seront également mis avec avant avec l’interprétation de Ray Charles par Jamie Foxx ou encore le The Doors d’Oliver Stone. Des films de patrimoine à voir ou à revoir.

En parallèle, une double compétition officielle vous fera découvrir des court-métrages musicaux et internationaux ainsi qu’une sélection de clips 100% suisses montrant la volonté du TFFL de promouvoir cette forme créative si connue et pourtant oubliée des événements cinématographiques. Le jeudi et le vendredi vous pourrez ainsi découvrir ces œuvres sur grand écran et voter pour votre coup de cœur via le prix du public. 

Le Tourne-Films Festival ce sont aussi des ateliers pour les plus jeunes et des conférences le samedi et le dimanche. Pour les plus grand∙e∙s, les soirées du jeudi, vendredi et samedi se poursuivront à la Cave du Bleu Lézard pour des afters qui vous feront danser jusqu’au bout de la nuit.

Tourne-Films Festival

Photos: Audrey Manfredi

Au-delà de la soirée d’ouverture payante, le TFFL est gratuit et ouvert à tous∙tes. Que vous soyez mélomanes, cinéphiles ou avides de découvertes, n’hésitez pas, le Tourne-Films Festival est là pour vous. Un petit avant-goût? Le TFFL organise ce vendredi 26 août, en collaboration du bar éphémère La Bourgette à Vidy, une soirée avec DJ et la projection de Love and Mercy, un biopic sur Brian Wilson des Beach Boys et réalisé par Bill Pohlad.

Le Tourne-Films Festival recherchent encore des bénévoles pour la réussite de son édition.

Pour plus d’informations et programmation complète: www.tffl.ch

Tourne-Films Festival
Du 7 au 11 septembre 2022
Cinémathèque, Parc de Mon Repos et Cave du Bleu Lézard, Lausanne

Venoge festival

Venoge Festival: un retour gagnant

Après deux ans d’absence due à la pandémie, le Venoge Festival revient pour une année haute en couleur et en musique. Durant cinq jours, les champs de Penthaz vont vibrer au son de têtes d’affiche internationales allant du rock à l’électro réjouissant tous les publics.

Texte de Simon Coderey

L’été 2022 aura été synonyme de retrouvailles pour les mélomanes de la région. Montreux Jazz, Paléo, Caribana, les grands noms ont fait danser et pleurer leur public depuis quelques semaines. Parmis ces événements musicaux rythmant nos périodes estivales, des festivals plus petits montrent à quel point l’Arc lémanique est riche pour la musique. Plus petit ne veut pas forcément dire rougir face aux monstres que sont les grands frères nyonnais et montreusiens. Bien au contraire.

Depuis 26 ans, le Venoge Festival a su se faire une place parmi les grands avec une programmation éclectique et actuelle. Iggy Pop, Julien Clerc, Vitaa & Slimane, Kool & the Gang. Les organisateur∙rice∙s ont bénéficié de la confiance de beaucoup d’artistes qui étaient prévu∙e∙s en 2020 et dont les concerts avaient dû être annulés. Mais c’est aussi cette période d’effervescence qui sourit au Venoge. Les musicien∙ne∙s sont là et ont soif de jouer. Il y a évidemment eu des annulations, dont le groupe phare de la scène néo-métal du début des années 2000 Limp Bizkit qui a renoncé à sa tournée européenne pour des raisons médicales. Mais le directeur Greg Fischer et son équipe ont réussi à relever les défis et, malgré quelques regrets, la programmation est belle et saura plaire à toutes les générations.

De plus, le festival fait la part belle à la scène musicale romande et vaudoise avec une scène 100 (99)% suisse, offrant ainsi une plateforme à ces musiciens et musiciennes qui prouvent d’année en année que la musique a de très beaux jours devant elle dans nos contrées. Parfait pour revoir, si nous devions citer qu’un nom, Baron.e, samedi soir. Eux qui avaient déjà pris au pied levé un créneau à Paléo en juillet.

C’est un Venoge plus mature, qui a grandi après la pandémie que nous (re)découvrons. Un nouveau lieu quatre fois plus grand et prêt à accueillir jusqu’à 9000 personnes par soir. Mais son côté festif et amical prend une place plus importante dans le cœur des organisateur∙rice∙s. La capacité est pensée pour que chacun∙e puisse avoir accès à la grande scène. Même les soirs sold-out, personne ne se sentira comme une sardine à l’instar d’autres festivals de la région qui font la course aux records. Ces défis logistiques ont été pris à bras le corps et tout est prévu pour que la fête soit belle: des transports publics en direction de Lausanne et Yverdon partant à toutes heures de la nuit, un concept de “bienveillance” afin de maximiser la sécurité des spectateur∙ice∙s, une app spécifique pour le festival et une reconduction du système Cashless. Tout a été pensé pour faciliter la vie des festivalier∙ère∙s.

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Iggy Pop. Photo: Bjorn Tagemose

Hier soir, L’Agenda est allé découvrir cette manifestation qui a su grandir tout en restant à taille humaine. Il y a quelques jours, un rédacteur en chef avait écrit dans un grand journal vaudois que les girons campagnards aidaient à la cohésion du canton. Nous pouvons affirmer aujourd’hui que le Venoge Festival a le même rôle. Il suffit de faire le tour du terrain pour comprendre que les bénévoles sont des locaux qui ont l’envie de faire vivre leur région. Plus qu’un événement majeur, c’est une fête populaire qui vient clôturer un été chaud et intensif.

L’attente a été longue avant de voir l’événement de cette première soirée: Iggy Pop. Le chanteur américain a su montrer qu’il était encore dans une jeunesse éternelle lors de son concert. Folie, énergie, sueur, la recette est toujours là et elle fonctionne si bien. Même son perfecto n’aura pas tenu plus d’une chanson et nous avons pu retrouver la marque de fabrique de l’Américain: être torse nu. Quelle entrée en matière pour une édition qui s’annonce belle.

Le Venoge Festival est une réussite en tous points. Et l’engouement du public est au rendez-vous. Le dimanche est déjà sold-out et le vendredi ne serait tarder. Ils restent cependant des billets pour le jeudi et le samedi. Alors n’hésitez pas si vous voulez fêter la fin de l’été avec brio et entourer d’une équipe bénévole au petit soin de tous∙tes.

Plus d’informations: www.venogefestival.ch

TL

Une Fête de la Musique, ça commence comme…

…Éplucher le programme et être aux rendez-vous du jazz, du rap, du classique ou des cornemuses; Proposer un afterwork à ses collègues et, depuis une terrasse, confier aux concerts successifs le soin d’accompagner ses discussions; Traverser la ville d’un bon pas, réaliser que l’on est le 21 juin et devoir à regret passer son chemin – ou au contraire, pouvoir se laisser happer par une scène que la nuit dernière a érigé là et qui n’y sera plus demain; Faire confiance à ses pas pour tomber sur une nouvelle découverte.

Texte de Katia Meylan

Texte de Katia Meylan

Hier soir, c’est à Lausanne que L’Agenda a vécu sa Fête de la Musique. Impossible de tout voir! La soirée nous a mené du pop-rock au swing d’un big band, pour finir dans la fraîcheur d’une salle du conservatoire devant un chœur amateur de jeunes femmes. Car la beauté de la Fête passe aussi par ce mélange d’expériences et de générations qui fêtent la Musique sous toutes ses formes.

Don’t Kill Duncan – Le Barberousse – 18h30

Entre deux bâtiments du Flon, depuis la terrasse du Barberousse, trois multi-instrumentistes donnent de la voix. Notre chemin croise à nouveau Boris Degex, Coralie Vollichard et Paul Berrocal. En effet, il y a quelques temps, nous les avions découverts au Théâtre le Reflet de Vevey dans une pièce intitulée Band(e) à part, dans laquelle les compères interprétaient trois membres d’un groupe célèbre en tournée, suivi par des caméras de journalistes pour un reportage. C’est là que nous avions entendu pour la première fois quelques titres de leur groupe Don’t Kill Duncan. Le trio, à la fois comédien, improvisateur et musicien, peut donc investir à la fois un théâtre aussi bien qu’une scène de concert! Hier, cette triple casquette se ressentait surtout dans le corps et l’expression que mettait la chanteuse et bassiste à son interprétation.

Oh, et pour celles et ceux qui se demanderaient d’où vient le nom du groupe: c’est une référence à Macbeth, en prenant le contrepied de la sorcière shakespearienne qui soufflait que pour devenir roi, il fallait tuer Duncan…

Don't kill Duncan

Big Band Transport Lausanne Music – Place de la Palud – 20h

Les TL ont un Big Band, et ils assurent! Impossible de ne pas s’arrêter devant leur scène de la Place de la Palud, où ils faisaient danser parents et enfants, avaient captivé des maîtres et leurs chiens en balade et faisaient tourner toutes les têtes du restaurant Le Raisin à côté. Surtout lorsque la guitariste Ewa Kuzniak-Scherer a pris le micro pour une interprétation de Fever, ou que le saxophoniste Clency Court a enchaîné avec Feeling Good. Multi-talents, avec ça…
Dirigés par Simon Lamothe, des standards qui faisaient du bien!

Chœur à Corps – HEMU et Conservatoire – 21h

Nous avons finalement rejoint le conservatoire. Y aurait-il du public à cette représentation alors que la météo incitait tant à passer la soirée à papillonner de scène open-air en scène open-air? Oui! La petite salle Utopia a rassemblé un public qui a apprécié la fraîcheur des voix des membres de l’ensemble vocal féminin Chœur à Corps, sous la direction artistique de Claire Benhamou. Les jeunes femmes ont interprété en chant et en danse des extrait de leur spectacle original Il est où le bonheur?, composé de titres tirés de comédies musicales et autres chansons pop.
En ressortait de beaux accords, tant harmoniques qu’entre les jeunes amatrices dont le plaisir d’être là était communicatif.

Choeur à corps

**

Et sur toute la ville les nuages se sont tenus tranquilles, donnant le temps aux groupes le temps de jouer sereinement lors de cette première soirée d’été, transition entre la canicule de ces derniers jours et la pluie de la nuit.

fetemusiquelausanne.ch

Lutherie sauvage

Par les Villages

Fondés en 1983 à Genève, les Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM) n’ont eu de cesse depuis lors de poursuivre leurs missions de rencontre et de partage. L’année dernière, l’équipe a accueilli un nouveau responsable de la pédagogie, Julio D’Santiago, qui a repris le flambeau de sa prédécesseur et le portera à travers les villages.

Texte de Katia Meylan
Propos recueillis auprès de Julio D’Santiago,
responsable pédagogie aux ADEM

Julio Dsantiago

Julio D’Santiago

Qui est Julio D’Santiago? Portrait du musicien qui nous raconte…
…avoir débuté la musique dans un orchestre de la jeunesse du Venezuela et s’être pris de passion pour les percussions. Jeune adulte, il commence des études mais l’appel du terrain est le plus fort. À son arrivée en Suisse en 1999, il rencontre l’ancien directeur des ADEM, Laurent Aubert, qui lui propose d’y enseigner les percussions latines. En tant qu’artiste, il donne des concerts, fonde le groupe Venezuelan Roots et parallèlement, un projet intitulé No Borders, pour lequel il rassemble ponctuellement des collègues et enregistre des concerts spontanés. Lorsqu’il retourne au Venezuela après 18 ans d’absence, en 2017, il revoit d’anciens élèves, devenus chercheurs ou professeurs; inspiré, Julio décide de s’ouvrir de nouvelles portes. À cette même époque, il rencontre Fabrice Contri, fraîchement nommé directeur des ADEM. Mis au courant de ses aspirations académiques, ce dernier lui suggère de suivre son chemin et d’entreprendre des études de musicologie à la Sorbonne…

Son Bachelor en poche, Julio D’Santiago est engagé dans la foulée. En plus du Master qu’il poursuit actuellement, il remplace depuis 2017 Astrid Stierlin, précédente responsable de la pédagogie et des stages pour enfants et adultes.

Des Villages qui rassemblent
Parmi les valeurs que promeuvent ces stages, Julio D’Santiago a souhaité souligner celle du rassemblement, en introduisant l’appellation de Villages. Villages qui sortiront des locaux citadins pour s’établir aux Jardins de Mamajah à Bernex, et inviteront à l’apprentissage, à l’échange et à la fête.

Du 4 au 8 juillet, la semaine du Village des Z’ethnos dédiée aux enfants débutera aux ADEM, puis dès le vendredi 8 juillet, tout le monde se retrouvera aux Jardins de Mamajah pour le spectacle des enfants et le début des stages du Village des Cultures, qui dureront tout le week-end.

Danse Gitane

Danse gitane Kalbeliya avec Maria Robin

Y apprendre
Parmi les professeurs, on retrouvera des fidèles des ADEM et de nouvelles têtes. Vers quoi se tourner? Instruments latino- américains, danses mystiques d’Égypte, chants du sud de l’Inde ou chants du monde arabe, danses d’Haïti, percussions du Sénégal, cante jondo d’Andalousie… la liste n’est pas complète qu’elle fait déjà tourner la tête. Musiques et danses du monde résonneront entre elles dans le Village, et ainsi, en optant pour l’une d’elles, les participant∙e∙s auront tout de même l’occasion de côtoyer les autres de près.

Y vivre
Les Témoignages, moments de rencontres instaurés par Julio, rassembleront le Village autour d’un invité qui partagera son vécu, son expérience de la musique autour d’un verre ou d’un repas. Lors de cette première édition, Jean-Jacques Lemêtre, musicien de la troupe du Théâtre du Soleil, racontera comment il est devenu “luthier sauvage”. “Le concept de fabriquer des instruments à partir de n’importe quel objet ou matériel existait déjà, mais Jean-Jacques le met en pratique avec une énergie incroyable”, affirme Julio D’Santiago, qui se réjouit de le revoir à l’œuvre.

Les concerts des professeurs prolongeront
ensuite les festivités de ce petit paradis
collectif et multiculturel, le temps d’un
week-end.

Village des Z’Ethnos
Du 4 au 8 juillet 2022

Village des Cultures
Du 8 au 10 juillet 2022 – puis en février 2023

Les Jardins de Mamajah, Bernex

Tout le programme sur: adem.ch

Week-End Musical de Pully: Vocation de transmission

Lorsque l’on arrive au Week-End Musical de Pully pour écouter des concerts de musique classique, on tombe tout d’abord sur une brochette de polos violets de toutes tailles, chacun affairé à sa tâche et fermement fier d’être là. Puis l’on réalise également bien vite que, si le festival réserve une belle part de sa programmation au classique, il n’hésite pas à s’aventurer hors des sentiers battus.

Texte de Katia Meylan Propos recueillis auprès de Caroline Mercier et Guillaume Hersperger, co-fondateurs du festival, Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, membres du comité d’organisation, et Raphaël Bollengier, staff.

 

A tout juste neuf ans, le Week-End Musical de Pully, WEMP pour les intimes, n’a à rougir d’aucune comparaison avec certains frères aînés ou cousins des grandes villes. Gratuit depuis ses origines et comptant bien le rester, il convie depuis 2013 des grands noms tels que Marina Viotti, Beatrice Berrut, Cédric Pescia, Louis Schwizgebel ou encore le Quatuor Sine Nomine. 

Une programmation éclectique 
Cette année, le festival s’étendra du 5 au 8 mai. Pour donner une idée de la diversité des styles qu’offre la programmation 2022 pensée par Guillaume Hersperger, prenons la journée du dimanche: un spectacle d’opéra dédié aux familles et un conte musical porté par des jeunes artistes de la région côtoieront The Beggar’s Ensemble et Sneaky Funk Squad, deux formations exubérantes, l’une baroque, l’autre funky. Un récital du pianiste Nelson Goerner, lui aussi en entrée libre, clôturera les festivités – et Guillaume Hersperger de présager en souriant qu’il faudra peut-être arriver un peu en avance. 

La genèse
Depuis la première édition où les trois co-fondateurs géraient l’entièreté de l’organisation, le WEMP a pris de l’ampleur. Devant l’évidence que son trio aurait besoin d’aide, Guillaume Hersperger, professeur de piano au Conservatoire, en parle à ses jeunes élèves qui acceptent de venir donner un coup de main. “Ils savaient tous qu’il enseignait aussi les arts martiaux, ils n’ont pas osé refuser!” plaisante Caroline Mercier, directrice générale du festival. Une équipe d’une vingtaine de bénévoles s’est ainsi formée, motivée et efficace. Si la démarche semble née d’une nécessité pratique, elle devient aussitôt la marque de fabrique du festival, qui adopte une vocation de transmission: en effet, le jeune staff, dont le rôle consistait d’abord à mettre des chaises en place ou distribuer des goodies, se responsabilise petit à petit, se forme auprès de professionnels à des tâches telles que la régie son ou lumière, la logistique ou encore la communication.

Raphaël Bollengier en masterclass avec Christian Chamorel. Photos: Emilie Steiner

Le staff en scène
La plupart sont musicien·ne·s, élèves du conservatoire ou au début de leur parcours professionnel, et le festival leur donne l’occasion de monter sur scène. Lors du spectacle intitulé La hotline musicale de Blaise Bersinger, six bénévoles feront partie du Pully-Région Orchestral Ultimate Trio qui, mené par l’humoriste lausannois reconverti en responsable d’antenne radio, devra répondre instantanément à toute demande des auditeur·ice·s. Le but du spectacle: aborder la musique classique sous son aspect “cool”. Autant dire que le moment est attendu avec impatience par le staff! Les bénévoles que nous avons rencontrés sont unanimes: “C’est l’opportunité de l’année!”, s’enthousiasme Léonard Wüthrich, 22 ans, clarinettiste et assistant à la direction. “Sans le WEMP, un étudiant en musique classique se retrouverait difficilement à faire un spectacle avec un humoriste de la nouvelle génération”. ” Pour moi, Blaise est la personne qu’il nous fallait. Il arrive à me faire rire de tout”, confirme Jonathan Gerstner, 19 ans, violoncelliste, également assistant à la direction, et arrangeur d’une partie des morceaux qui seront joués durant le spectacle. 

Ce dernier aura une autre opportunité de se produire sur scène lors de cette édition 2022, et de taille! Il s’est vu confier un récital, pour lequel il a choisi d’interpréter la 5e Suite pour violoncelle seul de Bach et la Sonate pour violoncelle et piano en Fa Majeur nº 2 de Brahms. Il jouera également une création mondiale, commandée par le WEMP au compositeur Jean-Sélim Abdelmoula pour l’occasion. 

La confiance accordée
Parmi les tâches déléguées au binôme que forment Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, la programmation de l’esplanade open-air du samedi après-midi. Encore une belle preuve de confiance de la part de la direction! Inspirés par l’esprit libre du festival, ils décident d’y convier le jazz, en proposant carte blanche à l’École de Jazz et Musiques Actuelles (EJMA). En effet, la porosité entre les styles de musique parle aux deux jeunes musiciens, qui regrettent qu’elle ne soit pas toujours une évidence au stade des études. “Ayant débuté mon parcours dans la région lausannoise, je trouve qu’il manque encore des liens entre classique et jazz”, constate Léonard, actuellement élève à la Hochschule Luzern. “En Suisse alémanique, on développe beaucoup plus ces connexions; j’ai des cours d’improvisation, et les musiciens des deux filières ont accès aux modules des uns et des autres”. 

Ce constat encourage le WEMP à donner, lors des masterclass qu’il met en place, la priorité aux élèves de Bachelor ou pré-professionnels plutôt qu’aux Master, qui bénéficient déjà d’une offre plus large. Cette année, les participant·e·s rencontreront le violon baroque d’Augustin Lusson, le répertoire à deux pianos de Sélim Mazari et Tanguy De Williencourt et le violoncelle jazz de Stephan Braun.

 “Grâce au WEMP, j’ai créé des contacts avec des artistes locaux et européens que je n’aurais pas forcément rencontrés, ou beaucoup plus tard”, exprime Léonard. Il pense notamment au Quintet Ouranos et à sa rencontre avec le clarinettiste parisien Amaury Viduvier, dont le partage d’expérience lui a été très enrichissant. 

Les plus jeunes ne sont pas en reste, et même à 12 ans, on a sa place au WEMP, preuve en est de Raphaël Bollengier, nouvelle recrue et benjamin du staff. L’année dernière, ce pianiste en herbe avait eu l’occasion de travailler la Polonaise de Chopin en do dièse mineur avec Christian Chamorel, de jouer avec des camarades lors d’un pré-concert, et d’assister à des concerts assis dans le public. Il verra cette année le festival du côté de l’organisation… Et qui sait, peut-être que celui qui ne se voit pas pianiste professionnel, car “c’est compliqué d’avoir une renommée pour être à l’aise financièrement”, y verra une autre piste de vocation musicale? 

Retrouvez tout le programme du Week- End Musical de Pully sur: wempully.ch  

Week-End Musical de Pully Du 5 au 8 mai 2022 Divers lieux, Pully 

                                                                                                        

Happy Hype

Happy Hype à Antigel – on n’aurait pas dû mettre un pull!

*scan de QR code*… *scan de ticket*… “merci! Vous pouvez descendre, le spectacle Happy Hype sera debout et sur scène”. Sur scène?

Texte de Katia Meylan

Des personnages affublés de tulle, de perruques, de schlaps et de lunettes s’agitent dans les couloirs du Théâtre Saint-Gervais. Ils communiquent dans un langage d’exclamations et de gestes bouffons expressifs. On les croise, mais nous public, on se rend sur scène comme on nous l’a demandé. On se place sagement en cercle et, vivant leur vie aléatoirement entre les escaliers, les sièges et la scène, ils nous rejoignent peu à peu.

Alors, une intense DJ commence à les métamorphoser, on troque les schlaps en tissu pour des baskets, on tombe le jupon-armure et les corps se révèlent dans du lycra coloré, les mouvements commencent à se tonifier.

Happy Hype

Apparaissent les membres du collectif Ouinch Ouinch, à géométrie variable, composé ce soir de Marius Barthaux, Karine Dahouindji, Elie Autin, Adél Juhász et Collin Cabanis pour les danseur∙euse∙s. En personnage à part entière, la DJ Maud Hala Chami aka Mulah danse et chante à ses platines sur lesquelles elle alterne les styles, restant de le populaire et le festif; du rap français, des sons plus new-yorkais ou même quelque remix d’un air venu directement du Moyen-Âge.

On lance des jambes, des bras et des regards, on déconstruit les codes de l’espace artistique et des identités. L’énergie irradie le cercle tout autour, le public semble entre deux états, figé, presque hypnotisé par les mouvements captivants des artistes ou déjà atteint par la joie explosive qu’inspirent les chorégraphies de Happy Hype.

En refusant le quatrième mur, le collectif étend son esprit de groupe et son idéal d’horizontalité au public. S’exprimer, être magnifique, pouvoir choisir librement et joyeusement son identité n’est pas le privilège des artistes! Ici, c’est une incitation qui se partage ardemment avec toutes et tous. En s’approchant, touchant et incluant, les danseurs et danseuses passent le message. Cette idée, faite énergie pure, monte parmi le cercle… qui, le moment venu, était fin prêt à changer de forme pour se jeter dans la danse!

Antigel
Jusqu’au 19 février
Voir le programme sur antigel.ch

Happy Hype
Prochaines dates les 18 et 19 juin 2022 – Plateforme 10 – Lausanne
ouinchouinch.com

lyrique festival-2

Les Héroïnes du Léman Lyriques Festival

Vendredi soir au Bâtiment des Forces Motrices, le Léman Lyrique Festival offrait au public matière à découverte dans son concert intitulé Héroïnes, avec un Concerto pour cor et un chanteur dont la voix de mezzo-soprano en a fait frissonner plus d’un·e.

Texte: Katia Meylan

Le festival, né de la passion du chef d’orchestre Daniel Kawka, a eu pour postulat de départ de faire se côtoyer dans ses programmations répertoire romantique et créations contemporaines.

Ainsi, le concert débute par un Concerto pour cor du compositeur franco-libanais Bechara El-Khoury, une œuvre jouée pour la première fois en Suisse. Si l’on ne compte plus les œuvres au répertoire pour piano, violon ou violoncelle, les concertos où le cor se voit attribuer la partie soliste sont beaucoup plus rare – les quatre plus connus étant probablement ceux composés par Mozart. Belle découverte donc que le cor du musicien Guillaume Tétu au devant de la scène; son éclat semble réhausser toutes les teintes de des cuivres et suggère une écoute différente de l’orchestre. Présent depuis les débuts du festival, l’orchestre OSE! de Lyon séduit par sa versatilité.

Lenneke Ruiten, Adrian Angelico et Camille Schnoor

Après deux éditions dédiées successivement à Wagner et Mahler, c’est à Richard Strauss que Daniel Kawka fait honneur dans cette édition du Léman Lyriques. Ainsi, en deuxième partie, le public a eu la chance d’écouter la séquence de valse ainsi que des extraits lyriques de l’opéra Der Rosenkavalier. 

Les rôles de Sophie et La Maréchale sont interprétés ici par les talentueuses soprano Lenneke Ruiten et Camille Schnoor. En général, le rôle d’Octavian, dans la lignée des rôles de jeunes hommes à l’opéra tels que Chérubin ou encore Sesto, est joué par une femme; il est ici joué par Adrian Angelico, mezzo-soprano transgenre. Lorsqu’il entre en scène pour donner la réplique à La Maréchale, sa voix éveille instantanément un sentiment indicible, offrant les frissons que l’on recherche en concert. Elle ne devient que plus belle lorsque les trois solistes se répondent, dans un final chaleureux.

Un moment très plaisant en somme, pour ce troisième rendez-vous de l’édition 2021 du Léman Lyriques Festival. 

Prochain concert: Take a Walk on the “Wilde” Side  
Mardi 12 octobre à 20h au Bâtiment des Forces Motrices 
www.lemanlyriquesfestival.com  

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Septembre Musical – Masterclass d’Emmanuel Pahud

Le festival JazzOnze+ était de retour la semaine dernière, et L’Agenda a eu l’immense plaisir d’occuper un siège de la salle P Lors d’un festival de musique classique, il a la programmation de concerts, que l’on compulse pour savoir quelles têtes seront à l’affiche, quelles œuvres seront jouées, quelles dates noter dans son agenda. Il y a aussi les petits cadeaux que nous offre une édition… et que l’on note en priorité parce qu’ils nous permettent d’écouter la musique autrement. Hier après-midi, le Septembre Musical proposait au public d’assister à une masterclass donnée par le flûtiste Emmanuel Pahud.

Texte: Katia Meylan

Dans une salle aux moulures hospitalières de l’Hôtel des Trois Couronnes à Vevey, une scène a été montée pour l’occasion. Un Steinway laisse déjà entendre le son de ses cordes sous les doigts de la pianiste Akvilė Šileikaitė, qui accompagnera les élèves. Sur les chaises, une petite cinquantaine de personnes ont fait comme moi: elles ont pris leur après-midi pour aller écouter une masterclass de flûte traversière .

Le Septembre Musical crée là une opportunité pour des élèves des hautes écoles de musique de Suisse de pratiquer leur art avec un artiste invité du festival, tout en donnant la possibilité au public – et au maître – de rencontrer la relève. Ainsi, cinq flûtistes sélectionné∙e∙s par leur professeur aux Conservatoires de Genève, de Bâle, de Zurich, de Berne et de Lausanne ont eu, successivement, l’occasion de travailler une œuvre de leur répertoire avec Emmanuel Pahud, tout grand nom de la flûte à l’international.

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Photo: Céline Michel

La masterclass commence à 15h tapantes avec Batista Jonadabe, qui interprète le moderne Chant de Linos de Jolivet. Avant la fin de la pièce, Emmanuel Pahud entre en scène, prend les parties séparément afin de les travailler, module la texture du son à l’intérieur des phrasés de l’élève. En tant que public, on se sent bienvenu tout au long de la masterclass – qui durera en tout quatre heures trente (je suis quant à moi restée pour écouter trois élèves). Le professeur sait partager son attention et rendre l’instant instructif pour un côté comme pour l’autre. À l’élève, il distille des conseils pointus; où respirer, s’il faut “penser avec la langue ou avec l’air”, et discute des différentes interprétations possibles. Au public, il explique certains aspects propres au jeu d’un flûtiste, tels que la position des doigts ou l’endroit d’où sort l’air dans les graves ou dans les aigus. Sa gestuelle humoristique nous garde attentifs, et on s’amuse de ses images comme “le staccato sous-marin”, “la basse-court” de Berio et le Schubert “en Cinemax 3D”.

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Akvilė Šileikaitė, piano, Caterina Bruno, flûte, et Emmanuel Pahud. Photo: Céline Michel

C’est justement avec Schubert qu’enchaîne la prochaine élève. Le professeur, se baladant dans la salle à l’écoute de la réverbération du son, la laisse aller d’un bout à l’autre des Introduction et variations en mi mineur. Peut-être car happé par ce qu’il nous confie considérer comme “la plus belle pièce pour flûte de cette époque”? Il relève d’ailleurs la difficulté que cela a dû impliquer pour les deux jeunes musiciennes de jouer la pièce aux passages haletants alors qu’elles se rencontraient pour la première fois.

Si Emmanuel Pahud parle d’une flûte se faisant hautbois ou violoncelle chez Schubert, dans l’œuvre Sequenza de Luciano Berio, l’instrument se transforme en personnages du Carnaval de Venise qui gigotent, vont et viennent. “It doesn’t make any sense!”, déclare-t-il joyeusement à la troisième élève, Natalia Tellez Ramirez, en parlant de l’œuvre. Et il faut dire que le professeur a appris aux sources puisqu’il l’avait jouée devant Berio lui-même, et reçu diverses explications de ce dernier sur la manière d’interpréter ses partitions à la notation particulière.

Photo: Céline Michel

On est décidément friand de masterclass, emplies d’anecdotes et d’aperçus qui enrichissent notre encyclopédie musicale mentale et nous permettent d’entendre les œuvres différemment en concert.

D’ailleurs, pour écouter Emmanuel Pahud aux côtés de l’Orchestra della Svizzera italiana, rendez-vous ce soir à l’Auditorium Stravinski de Montreux

Septembre Musical
Jusqu’au 30 septembre 2021
Montreux et Vevey
www.septmus.ch

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Deux quartets pour un Friday night détendu mais sérieux chez Jazz Onze+

Le festival JazzOnze+ était de retour la semaine dernière, et L’Agenda a eu l’immense plaisir d’occuper un siège de la salle Paderewski et d’être ainsi baigné dans l’astmosphère envoûtante et bienfaisante du jazz pour deux moments très distincts et rassasiants. En effet, vendredi soir, après le guitariste suisse Louis Matute Quartet en première partie, c’est le saxophoniste canado-haïtien Jowee Omicil qui a joué, sublime et impétueux, mettant le feu à la scène lausannoise de Montbenon pour une édition avancée dans ses dates.

Texte: Marion Besençon

Louis Matute Quartet, dans l’intimité d’un créateur suisse
Profondément ancrée dans l’ADN du festival, la musique classique sera mise à l’honneur au travers d’une sélection d’œuvres phares. Pour cette édition retour après l’annulation du festival en 2020, la soirée jazz du vendredi avait programmé Louis Matute et le quartet qu’il forme avec Léon Phal, Virgile Rosselet et Nathan Vandenbulcke. Une première partie foisonnante pour un public de salle hélas encore clairsemé ce qui n’aura pas suffi à désenflammer ou débrancher le guitariste trend et chouchou du festival (en showcase d’ailleurs lors de la conférence de presse), qui a rapidement partagé avec la salle Paderewski qu’il était encore la tête dans ses polyphonies de la Renaissance, de retour de la BâtieFestival de Genève… Et c’est tant mieux! puisque les festivalier∙ère∙s ont eu le privilège de voir un musicien-compositeur à la recherche de mélodies et peut-être de paroles, avec simplicité et aisance, ce qui aura aussi permis de mettre le doigt sur ce que l’artiste porte du contemporain et sans doute de suisse par cette accessibilité gentille et sans manière d’inclure ceux qui l’écoutent.

Une performance livrée avec brio par un quartet qui participe aux grandes rencontres musicales de l’année et qui aura su faire le spectacle crescendo pour un final feux-d’artifice à la Whiplash.

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photo: Thea Moser

Jowee Omicil, du saxo et les registres du crime
En musicien confirmé quand il entre en scène, le très prisé (The Eddy, Netflix) Jowee Omicil ouvre le show en sortant ses nombreux instruments d’un cabas bien que ce soit du saxophone dont il jouera. Très stylé, il ôtera ses couches de t-shirts successives comme à Montreux pour en débardeur nous laisser voir ses bras fins et musclés – ndlr il faudrait lui demander s’il fait du yoga. Une prestation rocambolesque pour une narration enlevée où les racines du jazz seront détournées pour ne pas dire moquées, une attention de tous les instants qu’il exige dans un face-à-face avec son public qu’il excite jusqu’à la réaction. Et c’est à propos qu’il cherche une interface à sa hauteur, s’affirmant très frontal dès ses premières foulées, taquinant l’audimat suisse réputé frileux. Après avoir écumé quelques clichés lausannois, et en sorcier, il convoquera le mythe Nina Simone et mettra tout en oeuvre pour que nous donnions de la voix, portant éventuellement jusqu’à nos conscience une large question: aime-t-on plutôt oui ou non participer aux festivités?

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Photo: Yann Laubscher

Et c’est ce qu’il obtiendra des réactions vives et contrastées révélant que personne n’est indifférent.
Démontrant s’il le fallait qu’il est un performeur hors-pair, il parviendra ensuite à faire se lever et se trémousser un public conquis après qu’avec classe il nous ait ramené à sa réalité d’être un jazzman complet, jouant quelques notes de piano, instrument qui, il l’apprendra tard, était l’instrument d’une mère qu’il n’a pas connu longtemps.

Dans une salle presque pleine, il nous a été donné de voir un grand nom se déchaîner puis sortir de scène et s’asseoir l’espace d’un instant sur les marches à nos côtés. L’intention sans doute d’une performance musclée dont nous n’avons pas fini de reconstituer le fil rouge puisqu’elle s’impose en dialogue avec les tribulations qui toutes et tous nous secouent présentement.

JazzOnze+
Du 8 au 12 septembre 2021
Casino de Montbenon, Lausanne
www.jazzonzeplus.ch

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Les Jardins Musicaux refleurissent après une année de jachère

À la fois publicitaire et peintre, aussi adulé que controversé, Andy Warhol, obsédé par la mort et la finitude, a tout de même fini par entrer dans l’histoire en rendant éternel l’éphémère. Celui que l’on considère comme le Pope of the Pop semble effectivement être l’homme de tous les paradoxes. Ces différentes facettes qui font la singularité de l’artiste mais aussi de son œuvre sont justement ce que Pop Art Identities, produite et organisée par l’ on retour pour une 24e édition claironnante, qui se tiendra du 15 au 29 août 2021. Si l’âme du festival reste attachée à la Grange aux Concerts et aux Grandes Serres de Cernier à Neuchâtel, où se tiendront la plupart des représentations, des Bal(l)ades sont également prévues sous la forme de concerts extramuros, pour mieux emmener le public à la découverte du patrimoine suisse. Musique classique et actuelle, théâtre, performances littéraires, ciné-concerts et ateliers viendront rythmer cette nouvelle édition, qui s’ouvre à tous les yeux et toutes les oreilles.

Texte: Athéna Dubois Pèlerin

De Beethoven à Debussy
Profondément ancrée dans l’ADN du festival, la musique classique sera mise à l’honneur au travers d’une sélection d’œuvres phares. Sous la houlette de Valentin Reymond, l’Orchestre des Jardins Musicaux interprétera des pièces de Mendelssohn, Mahler et Wagner. Parmi les nombreux artistes invités, le pianiste Roger Muraro conviera son public à découvrir les Années de pèlerinage de Liszt, tandis que le Quatuor Béla s’embarquera pour Venise en donnant à entendre deux œuvres de Britten et Chostakovitch célébrant la Cité des Doges. La célèbre Symphoniepastorale prendra vie sous les doigts du Beethoven Trio Bonn, et c’est à l’Ensemble Fecimeo que reviendra l’honneur de conclure le festival en rendant hommage à Debussy et ses Préludes.

De la musique classique… mais pas seulement
Les adeptes de chant lyrique auront l’occasion de découvrir deux œuvres du répertoire contemporain, l’opéra de chambre The Lighthouse, drame fantastique aux accents de thriller, et Encore une fois, opérette bondissante et délurée. Une incursion dans l’univers de la musique folk est prévue, avec un florilège de chansons populaires du compositeur Luciano Berio, tandis que le quatuor Convulsif ira explorer les confins du rock avec un projet avant-gardiste teinté de jazz. Une place importante sera laissée enfin à l’expérimentation artistique, avec des performances musicales hors des sentiers battus: c’est là l’occasion de se plonger dans le « théâtre alchimique » de Stanislas Pili, de redécouvrir La Disparition de Georges Pérec adaptée à la scène par Luc Birraux, de se laisser sombrer dans la folie musicale de San Clemente de Pierre Jodlowski, ou encore de s’étonner devant les percussions surréalistes de Pascal Pons.

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Encore une fois © Guillaume Perret

À la découverte du patrimoine
Fidèle à sa tradition, le festival encourage le décloisonnement de la scène musicale et le dialogue entre art et patrimoine. Dans cette optique, une série de Bal(l)ades seront organisées sous la forme de concerts-visites dans des lieux surprenants, parfois insolites, toujours chargés d’histoire. Ainsi, le projet musical aux résonances aquatiques Deep Rivers, du pianiste jazz Paul Lay, sera présenté au chantier naval Rohn, et le concert se verra précédé d’une visite guidée des lieux. Die Europaërin, spectacle musical d’après une œuvre de l’écrivain biennois Robert Walser, emmènera son public dans l’ancienne usine de pâte à papier de Rondchâtel, qui a autrefois produit les pages sur lesquelles l’écrivain aura couché son œuvre. Une représentation du Chant de la Terre de Mahler donnera rendez-vous aux spectatrices et spectateurs dans les fours à chaux de Saint-Ursanne, et sera introduite par des géologues et spécialistes de la région.

Pour les jeunes oreilles
Autre habitude de la maison, le ciné-concert garantit un moment ludique et exaltant à partager en famille. Cette édition mettra à l’honneur Buster Keaton et livrera deux représentations du grand classique La Croisière du Navigator: la bande-son, composée pour l’occasion, sera assurée en live par l’Orchestre des Jardins Musicaux. Les petits mélomanes auront également l’occasion de participer à deux ateliers organisés dans le cadre du festival, qui leur dévoileront les coulisses d’une répétition d’orchestre, et leur feront explorer l’univers de la radio lors d’une activité autour du son.

The Navigator - Copyright Collection Cinémathèque suisse - Tous droits reserves
The Navigator – Copyright Collection Cinémathèque suisse – Tous droits réservés

Pour ceux et celles que la distance n’effraie pas, nous ne pouvons que recommander ce joli festival neuchâtelois à la programmation aussi fraîche qu’éclectique !

Les Jardins Musicaux
Divers lieux, Neuchâtel
Du 15 au 29 août 2021
www.jardinsmusicaux.ch