Adaptée du film de Coline Serreau datant de 1992 et mise en scène par Jean Liermier, La Crise nous fait rire du début à la fin et trouve un écho en chacun∙e de nous.
Texte de Frida
Un matin, Victor (Simon Romang) se réveille sans sa femme à ses côtés. Un mot laissé sur la table lui apprend que celle-ci l’a quitté. En arrivant au travail, son supérieur lui signifie son licenciement. Ces deux bouleversements, dont il ne comprend pas la cause, l’amènent progressivement à poser un regard plus lucide sur lui-même et le guident vers de subtils changements dans son comportement. Il sort de sa trajectoire égoïste pour s’ouvrir à celles et ceux qui l’entourent.
Cette évolution n’est pas simpliste, elle s’opère grâce à des situations concrètes. La rencontre avec Michou (Romain Daroles), un individu perdu, gentil à l’excès, touchant et drôle à la fois, joue un rôle décisif dans sa transformation. Le développement de leur relation aide tant Victor à devenir plus sensible aux vicissitudes affectant ses proches, que Michou à s’ancrer et à construire davantage son futur. Les paradoxes et les défauts des protagonistes sont certes mis en exergue dans cette pièce, mais sans jamais les condamner. Jean Liermier a choisi une pièce qui mêle profondeur et légèreté, et qui fait assurément du bien. Nous rions de situations de crise, de situations courantes et de personnages humains et faillibles. Nous nous reconnaissons dans ces protagonistes rempli∙e∙s de contradictions.
Photos: Carole Parodi
Huit comédien∙ne∙s interprètent une galerie de personnages – jusqu’à huit rôles différents, pour Baptiste Gilliéron ! – et jonglent avec les émotions. Les métamorphoses, appuyées visuellement par les perruques, les styles vestimentaires variés et la posture corporelle propre à chaque protagoniste, s’enchaînent sans un faux-pas. Le choix des acteur∙ice∙s est parfait, leur jeu étant extrêmement juste. Les nombreuses scènes se succèdent de manière fluide. La mise en scène insuffle dès le début un rythme à la pièce qui n’est jamais rompu.
L’écriture de Coline Serreau reste d’actualité, évoquant des sujets tels que l’émancipation d’une mère, l’hypocrisie de certains hommes politiques ou l’écologie. Cependant, ce n’est jamais réalisé de manière dogmatique. L’autrice dépeint une société ébranlée mais qui ne se limite pas à cela. Les personnages, dans leurs incohérences et peut-être grâce à celles-ci, cherchent à dépasser leur état pour trouver davantage de sens. Et si nous pouvons éclater de rire à la vue de nos travers et de ceux de nos contemporain∙e∙s c’est que l’espoir n’est pas si loin.
Les réactions du public montrent l’engouement que suscite cette pièce. Les applaudissements viennent ponctuer les délicieux échanges entre les comédien∙ne∙s. Nous pouvons notamment mentionner l’impeccable tirade de la sœur de Victor (Camille Figuereo) sur son choix d’habiter seule ou les performances téléphoniques de Michou qui tente de substituer, à sa diction brouillonne, un accent snob. À la fin de la représentation, nous n’avons pas vu passer les deux heures. Les commentaires fusent et autour de nous, le qualificatif « excellent » revient à maintes reprises. Plusieurs spectateur∙ice∙s ayant vu le film n’hésitent d’ailleurs pas à affirmer que l’adaptation de La Crise réussit un pari difficile, celui de nous faire oublier les acteur∙ice∙s du long-métrage, qui incarnaient déjà magnifiquement les personnages. Ce sera sans doute l’une des meilleures pièces de théâtre de 2025 sur la scène romande.
La Crise
- À voir jusqu’au 22 décembre 2024 au Théâtre de Carouge
- Du 9 au 19 janvier 2025 au Théâtre Kléber-Méleau, Renens