L'importance d'être Constant. Photo: Dwayne Toyloy

L’importance d’être Constant – une société en représentation permanente

Le Cercle Littéraire Yverdon (CLY) entame un second siècle ! Au fil de son existence, la troupe a prouvé son attachement aux vaudevilles, s’est frottée quelques fois au théâtre soviétique, a fait des incursions tant chez Molière que chez Sacha Guitry et, à l’occasion de ses 100 ans l’année dernière, a même monté l’ambitieuse comédie musicale Cabaret. Jamais encore elle n’avait approché Oscar Wilde. C’est chose faite désormais, avec L’importance d’être Constant, qu’elle présente du 31 décembre au 4 janvier au Théâtre Benno Besson.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Photo: Jack/Constant (Amérouche Mansouri) et Lady Bracknell (Florence Fleurimont)

Des personnages colorés et irrévérencieux font irruption dans la grisaille hivernale de la nouvelle année. L’importance d’être Constant, écrite en 1895, se revendique une comédie de mœurs joyeuse. Son intrigue suit deux amis, Jack et Algernon, qui empruntent de temps à autre le pseudonyme de Constant, tantôt pour s’amuser ou se tirer d’affaires, tantôt à des fins romantiques.

Vincent Jaccard, qui met en scène le CLY depuis plus de vingt ans, relève que le style de cette comédie diffère des vaudevilles français qu’a pu jouer sa troupe. « On est dans la même époque que Feydeau mais ici, on n’a pas d’amant dans le placard ou de “ciel, mon mari”. Ça se joue ailleurs, notamment sur des questions d’identités ».

L’importance d’un texte bien dit

Pour le metteur en scène, l’enjeu de cette comédie est le texte lui-même, tout choix de mise en scène n’étant qu’artifice secondaire. « C’est une pièce très bien écrite qui demande un énorme travail de texte : s’il est joué juste, on pourrait simplement s’assoir en rang sur des chaises, en training, et la pièce serait intéressante ». Intransigeant avec ses comédien·ne·s, qui répètent deux fois par semaine depuis la rentrée 2024, il garde les oreilles grandes ouvertes, bannit le surjeu tout comme le naturalisme, qui ne conviendrait certainement pas à ces personnages extravagants de la bonne société londonienne, dont les interactions s’apparentent à du théâtre. « Ils sont constamment en représentation et aiment s’écouter parler. Ils sortent chez les uns et les autres, toujours dans le même cercle, et tout est occasion de trouver le bon mot pour dire du mal des autres. Tout le plaisir est dans le verbal. »

Petite sélection de répliques acerbes

Par conséquent, on lui demande de nous lire une réplique qu’il trouve particulièrement savoureuse. Sortant son script annoté, il en choisit une parmi celles de Lady Bracknell, pour l’acidité avec laquelle elle parle des autres femmes : « Trente-cinq ans est un âge très séduisant. Il y a dans la bonne société de Londres un grand nombre de femmes de très haute naissance qui de leur plein gré ont eu trente-cinq ans pendant des années. Lady Dumbleton en est un excellent exemple. Pour autant que je sache, elle a trente-cinq ans depuis son quarantième anniversaire, il y a déjà des années de cela ». Et de glisser ensuite avec amusement la célèbre: « Perdre un parent peut être considéré comme un malheur, en perdre deux s’apparente à de la négligence ».

Étant restée regarder un bout de répétition, on a nous-même relevé celle-ci: « L’essence même d’une histoire d’amour, c’est l’incertitude », pas tant pour son aspect comique que pour son cynisme et le besoin – ou non – de le contredire.

Ainsi, L’importance d’être Constant sera l’occasion de rire avec légèreté de l’évidente mauvaise foi de tout un petit monde, en faisant bon usage de son privilège de spectateur·ice.

L’importance d’être Constant
Par le Cercle Littéraire Yverdon
Du 31 décembre 2024 au 4 janvier 2025
Théâtre Benno Besson, Yverdon-les-Bains
www.cly.ch


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