Tjasha Gafner

Tjasha Gafner – dans les cordes de la harpiste

Désignée comme l’une des trente personnalités marquantes de moins de 30 ans en 2023 par le journal Die Zeit en Allemagne, lauréate du 1er prix du Concours international de musique de l’ARD à Munich la même année, la harpiste lausannoise Tjasha Gafner est invitée à Berlin, Vienne et même Hong Kong, où elle a fait ses débuts cette année avec le HK Phil. Elle prend régulièrement le temps de revenir dans la région, pour se ressourcer à la montagne ou pour se produire en concert, notamment cet été aux Rencontres Musicales d’Évian, au Verbier Festival et au Gstaad Menuhin Festival.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Formée à l’HEMU de Lausanne, à la HEM de Genève et à la Juilliard School de New York, Tjasha Gafner fait partie de ces instrumentistes qui voguent là où le succès les mène. Autour d’un café froid, elle nous confie, sans se départir d’une modestie sincère, que sa carrière de harpiste suit un cours réjouissant. « J’ai la chance de pouvoir décrocher le téléphone et choisir les projets selon mes disponibilités et mes intérêts. Typiquement, pour le concert de cet été à Gstaad, le premier contact a été une proposition de quelques lignes par mail. D’abord je n’y ai presque pas cru ! C’est un luxe, j’en suis consciente ».

Tjasha Gafner investit avec talent les rôles que son métier lui tend : celui d’extravertie, confrontée aux émotions fortes des voyages et de la scène, constamment au-devant de nouvelles expériences et de nouvelles rencontres. Celui, aussi, plus introspectif d’interprète, lors des moments de travail en solitaire.

En plus de son travail d’interprétation, la musicienne signe depuis plusieurs années ses propres arrangements. « Faire des arrangements est une nécessité pour moi. Le répertoire classique existant est très beau mais limité, et reste souvent dans le même style. J’ai grandi dans une maison d’artistes, mon papa est photographe, ma maman est pianiste. En voyant une maman avec des tas de partitions, Beethoven, Mozart, Bach, Haydn, …  je trouvais trop dommage de ne pas pouvoir les jouer ! »

Tjasha Gafner. Photo: Daniel Delang

Tout arrangement est pour Tjasha une histoire de coup de cœur. À la Chapelle de Gstaad le 9 août, la musicienne interprétera la première pièce qui, à 17 ans, l’avait poussée à prendre le crayon pour l’adapter à la harpe : la Sonate pour piano en la bémol majeur de Haydn. À Verbier, le 18 juillet, elle jouera également son arrangement le plus récent, une suite de Bach. « En entendant cette suite, j’ai eu la certitude qu’il fallait que je la joue. Je me rappelle l’avoir programmée pour un concert six mois plus tard, sans savoir si ça allait être possible ! », rit la jeune artiste, qui n’avait pas été trompée par son instinct. « Après avoir commencé l’arrangement, j’ai d’ailleurs découvert une histoire intéressante derrière cette suite. Sur le manuscrit, c’est inscrit ‘pour luth’, mais de plus en plus d’experts se demandent si ça n’a pas été écrit plutôt pour le Lauten Werck, un luth-clavecin qui était un instrument en vogue à l’époque… la pièce a une écriture de clavier et une sonorité de cordes pincées. Donc la harpe, qui partage ces caractéristiques, est une synthèse parfaite pour cette suite ! ».

Se plonger dans une partition, en comprendre les mécanismes, faire des choix, réfléchir à quel point rester proche du texte ou se l’approprier… Est-ce également un premier pas vers la composition ?  « Je n’ose pas encore composer, mais j’aimerais bien ! C’est mon challenge pour les prochains mois », sourit Tjasha Gafner. Parmi ses projets, la harpiste cite également une réécriture du cycle Winterreise de Schubert avec la chanteuse jazz Maud Paquis. Un projet que les deux amies, qui ont déjà travaillé ensemble sur les EP de la chanteuse, réfléchissent à construire sur le long terme.

Où aller écouter Tjasha Gafner cet été :

Toutes les dates à venir sur : www.tjashagafner.ch

Les Matinées des Jeunes Étoiles proposent un rendez-vous d’une heure avec des artistes en début de carrière prometteuse. Dans cette série de 8 concerts qui ont lieu tous les samedis matins à 10h30 à la Chapelle de Gstaad, on retrouve Tjasha Gafner mais aussi le pianiste russe Ilya Shmuker, la flûtiste néerlandaise Lucie Horsch ou encore le violoncelliste polonais Krzysztof Michalski.

L’édition 2025, sur le thème de la Migration

Cette 69e édition du Gstaad Menuhin Festival est la dernière signée par Christoph Müller, après 24 ans de programmation enthousiaste et attentive, mêlant suivi fidèle et découverte de nouveaux talents. Au public, il aura offert les grands noms et, en même temps, veillé à lui faire part de ses plus belles découvertes, tenu à garder un fil rouge, à ouvrir des discussions.

« Avant, on avait une image de ‘festival champagne’ », admet Christoph Müller. « Ce côté chic existe toujours sur certains grands concerts, mais aujourd’hui on est tellement plus que ça ! Le festival s’est ouvert, aux jeunes, aux choristes et aux musiciens amateurs ».

Son programme 2025 invite plusieurs artistes encore jamais venu∙e∙s à Gstaad : Jakub Orliński, Pavo Järvi, Elīna Garanča, Víkingur Ólafsson et la mezzo-soprano – elle aussi Lausannoise – Marina Viotti. Certains rendez-vous seront quant à eux de réjouissantes habitudes : Andras Shiff, Sol Gabetta, Patricia Kopatchinskaja, Khatia Buniatishvili ou encore Nemanja Radulovic, qui nous avait émue l’année dernière à Saanen (voir l’article).

Le concert de clôture du festival, le 6 septembre à l’Église de Saanen, verra jouer ensemble – chut, c’est presque une surprise ! – l’ancien et le nouveau directeur. En effet, le violoniste Daniel Hope, qui reprendra le flambeau de la direction artistique dès l’édition prochaine, a convaincu Christoph Müller de ressortir son violoncelle pour une apparition dans le programme intitulé très à propos A Farewell and a New Beginning. Un joli geste de passation !

Christoph Müller devant l’église de Saanen

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