Nemanja Radulovic, photo de Raphael Faux

Nemanja Radulović et l’ensemble Double Sens sèment la joie à Gstaad

Je descends à la gare Saanen, coup d’œil à gauche, à droite avant de traverser les rails. Personne? Le public du jour n’aura apparemment pas suivi l’option ferroviaire encouragée par le Gstaad Menuhin Festival depuis son virage écologique (à moins qu’il n’ait anticipé et pris le train précédent pour avoir le temps de diner). Je file vers l’église car le concert commence dans cinq minutes.

« Belle soirée en perspective! », assure bras-dessus bras-dessous une dame à son amie, montant la colline juste devant moi, et nos airs réjouis en rencontrent de nombreux autres une fois arrivés sur le parvis. L’église est pleine: « Nemanja Radulović a un public à Gstaad, c’est certain », sourit Christoph Müller, directeur artistique du festival. Grand admirateur du violoniste, il avait à cœur de faire connaitre du côté germanophone cet artiste qui bénéficiait déjà d’une belle aura en France et en Suisse romande, et l’a donc convié à devenir Menuhin’s Heritage Artist. Grâce à ce projet, qui invite quatre artistes à revenir au festival chaque été pendant cinq ans, le public a déjà pu découvrir Nemanja Radulović en 2021 dans un programme de duo avec la pianiste Laure Favre-Kahn, et en 2023 avec l’ensemble Double Sens.

C’est à nouveau avec Double Sens, composé d’ami∙e∙s de France et d’ex-Yougoslavie – ses deux cultures – que le violoniste se produit en ce 15 juillet 2024 pour leur dernière date de la saison.

La Sonate « à Kreutzer » de Beethoven ouvre le concert, dans un arrangement écrit par Nemanja Radulović lui-même. Ayant longtemps pensé qu’il avait le devoir de privilégier les œuvres écrites, Nemanja s’est laissé convaincre par son désir d’exploration, explique-t-il en français – car ici, le public est plurilingue. Avec un geste affectueux vers l’ensemble, il sourit: « J’ai passé six mois devant mon ordinateur, à écrire pour les membres de ma famille musicale » !
Lorsque je le rencontre à la fin du concert pour quelques instants, il ajoute qu’il avait d’abord eu une certaine appréhension à l’idée d’arranger une pièce de Beethoven, véritable monument parmi les compositeurs. « Ce qui m’a inspiré dans mon travail, c’est de penser à chacun des musicien, d’imaginer ce que chacun jouerait. » Cette attention portée aux autres, cette envie de dialoguer à travers la musique s’est ressentie durant le concert. Au centre, le violoniste diffusait la joie dans l’orchestre. Échanges de regards complices, rieurs, fougueux selon l’instant. Nemanja laisse même son mot à dire à l’orage, arrivé de façon inopinée et frémissante sur le deuxième mouvement de la pièce suivante, Schéhérazade de Rimski-Korsakov. Les sourires traduisent tout le plaisir de jouer ensemble… ces musicien∙ne∙s sont une fête à voir autant qu’à écouter!

Lundi 15 juillet au Gstaad Menuhin Festival. Photos: Raphael Faux

Le programme promettait un final composé de pièces courtes de leur album « Roots », enregistré en 2022, qu’ils avaient présenté au festival l’année dernière. Surprise, l’ensemble commence tout en douceur avec La Méditation de Thaïs de Massenet. Nemanja nous accroche à son pianissimo, une altiste retient ses larmes. Sur le deuxième air, un air populaire, il invite la violoniste Ksenija Milošević à le rejoindre en chanson: elle rit, les musicien∙ne∙s rient, dans le public on rit aussi, on les accompagne sur le rythme avec le pied et c’est cette pièce-là qui m’étreint.

Quelle belle soirée ce fut en leur compagnie!

Katia Meylan

Le festival se poursuit jusqu’au 31 août, toutes les informations sur: www.gstaadmenuhinfestival.ch

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