Classique et opéra

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L’Orchestre des Nations au Victoria Hall: Quand l’orchestre symphonique mime la musique électronique 

Dimanche dernier, le Victoria Hall accueillait l’Orchestre des Nations et le compositeur de musique électronique Manuel Oberholzer. Le concert était en deux parties et gravitait autour du thème de la mort et de la finitude des choses. Deux interprétations de ces thèmes universels, séparées par 160 ans d’évolution musicale et technologique, ont pu cohabiter: celle de Manuel Oberholzer avec la première d’une œuvre électro-orchestrale intitulée FINITE et celle du compositeur allemand Johannes Brahms avec Ein deutsches Requiem. Retour sur cette soirée qui a partagé les spectateur∙ice∙s.

Texte d’Éloïse Vibert
Photos de Christian Meuwly

Pas le temps d’admirer les dorures environnantes, à 17h, la salle se retrouve plongée dans le noir et une partie du public dans la confusion. Seul phare dans la tempête : Manuel Oberholzer, installé derrière son synthétiseur modulaire. En guise d’introduction, des nappes électroniques un peu abruptes commencent à s’articuler. Le compositeur prend le parti de la stagnation méditative plutôt que de celui d’une progression claire et intuitive.

« Quelle drôle d’idée » chuchote une spectatrice, le sourire aux lèvres. À la décharge de cette dernière, les nappes électroniques, si émotionnellement impactantes lorsqu’elles enveloppent l’auditeur∙ice, se perdaient dans la salle et peinaient à arriver jusqu’aux spectateur∙ice∙s. L’artiste, que l’on connait également sous le nom de Feldermelder réussit pourtant ce pari d’accaparer l’auditeur∙ice avec des textures électroniques organiques dans ses albums Euphoric Attempts ou dernièrement Dual ǀ Duel en collaboration avec la violoncelliste Sara Oswald. Ces nappes un peu lointaines dont on ne distinguait que trop peu les nuances n’étaient donc probablement qu’une question d’acoustique peu adaptée à ce genre de performance.

La « drôle d’idée » sera expliquée à la fin de l’introduction. Une voix d’Intelligence artificielle retentit et l’Orchestre des Nations s’installe, suivi par le Chœur de Chambre de l’Université de Fribourg, avec pour seul applaudissement les explications de l’IA sur l’importance de revenir à l’essentiel, sur la finitude et l’impermanence des choses. La voix s’applique à expliquer devant un public attentif, ce que nous nous apprêtons à voir. L’orchestre – nous dit-elle – jouera ainsi une pièce en imitant les procédés de la musique électronique et sera samplé en temps réel, ce qui fera de lui la source de sa section supplémentaire.

En théorie et jusque-là, la « drôle d’idée » est donc une bonne idée. En pratique néanmoins, les avis semblaient partagés à l’entracte. Les satisfait∙e∙s auront remarqué les notes entêtantes et obsédantes qui semblaient presque sortir d’un ordinateur, l’imitation des arpèges et des notes longues à la manière d’un synthétiseur. Il y avait quelque chose d’à peine humain dans cette performance, malgré son exécution par un orchestre et un chœur en chair et en os. Si l’intérêt ou la fascination de la performance ne faisait aucun doute pour certain∙e∙s, les plus sceptiques ont cependant été perturbé∙e∙s par ce manque d’humanité. L’accumulation de climax dans l’œuvre rendait la reconnaissance et l’identification à des émotions difficiles. De l’espoir parfois et puis, beaucoup d’agitation, de l’anxiété peut-être: FINITE semblait être une succession de fins, et si sa part « électronique » lui conférait un intérêt intellectuel, celle-ci rendait précisément l’immersion et l’abandon difficile.

Qu’importe, à l’entracte, les avis divergents ont pu profiter d’une mise en bouche par le débat pour se préparer à écouter Ein deutsches Requiem de Brahms.

L’orchestre et le chœur reprennent alors vie. La deuxième partie est ponctuée par des apparitions des chanteur∙euse∙s Kathrin Hottiger et Vincent Casagrande et efface progressivement tout manque d’humanité.

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L’exécution de ces deux performances si différentes l’une de l’autre force à constater que l’Orchestre des Nations, bien que composé de musicien∙ne∙s amateur∙ice∙s, n’a rien à envier aux orchestres professionnels. Dirigés avec passion par Antoine Marguier, secondé par Pascal Mayer à la direction du chœur, les musicien∙ne∙s ont en effet su se mettre au service d’une pièce contemporaine avec brio et faire justice à la panoplie émotionnelle que renferme l’œuvre de Brahms. Que cette soirée ait laissé∙e rêveur∙euse, pantois∙e ou inspiré∙e, elle n’a en tout cas pas laissé indifférent∙e.

Finite – Ein Deutsches Requiem
Orchestre des Nations
Dimanche 5 novembre à 17h au Victoria Hall

Date à venir :
Samedi 18 novembre à 20h à l’Aula Magna de Fribourg

orchestredesnations.com

Elizabeth Sombart

Elizabeth Sombart – La musique classique devient la musique du cœur

La célèbre pianiste internationale vient de sortir en mai de cette année un album de quatre concertos pour piano n° 20, 21, 23 et 27 de Mozart, saisissants de simplicité et de lumière, avec le Royal Philharmonic Orchestra. L’occasion de découvrir les multiples facettes de cette artiste holistique qui sait toucher nos âmes.

Pour lire le portrait d’Elizabeth Sombart dans L’Agenda, rendez-vous dans le numéro 104!


Par Myriam Vijaya de l’Agence Marketing SamoSamo

Pour aller plus loin, découvrons Elizabeth Sombart sous deux formes. L’une est digitale avec ses Masterclasses qu’il est possible de retrouver sur son site dédié. L’autre est littéraire avec des extraits exclusifs d’un de ses livres. Belles découvertes à toutes et à tous!

2. Extraits du livre Introduction à la Pédagogie Résonnance

« Un chemin de vie. Dès le début de ce synopsis, j’ai souhaité préciser que la Pédagogie Résonnance n’est pas seulement une pure et simple restitution de l’enseignement reçu de ces deux maîtres [ndlr: Hilde Langer-Rühl et Sergiu Celibidache], en particulier celui de Sergiu Celibidache. En effet, le sous-titre donné à ce texte – Un chemin de vie – traduit la manière dont j’ai essayé, en conscience et avec cœur, d’approfondir l’héritage reçu de ces maîtres, tout en assumant un chemin spirituel qui allait m’ouvrir à un autre vécu de l’expérience musicale, distinct de celui dont parlait Sergiu Celibidache. »

« La musique en soi n’existe pas. Le son est une valeur fondatrice de la vie: l’univers est un cosmos musical et les hommes qui en font partie, comme l’explique Alfred Tomatis, sont des « sons emplis d’humanité ». C’est pourquoi il n’est pas possible de considérer ce que nous savons de la réalité du son sans envisager, parallèlement, ce que nous savons de l’homme qui est un être musical. Il n’y a pas de musique sans l’être humain […..]. La phénoménologie de la musique montre que l’expérience musicale n’est ni externe ni interne, mais globale […..]. En d’autres termes, si l’expérience musicale n’est ni “interne” ni “externe”, mais globale, elle constitue une rencontre de l’intérieur et de l’extérieur, de ce qui vient de moi et de ce qui ne vient pas de moi […..]. Et cette rencontre n’est pas définie par les éléments qui se rencontrent, comme une résultante, mais est au contraire principe, origine. »

Le violon de Cupidon

Le violon de Cupidon

Hier soir au Casino de Montbenon, la violoniste Isabelle Meyer et son ensemble Art-en-Ciel ont retrouvé un compagnon de scène, le philosophe Luc Ferry, avec qui ils ont créé Le violon de Cupidon il y a de cela dix ans. Le sujet ne sera jamais clos, on se laisse donc bien volontiers parler de mythes, d’amour et de mort.

Texte de Katia Meylan

Créé en 2013, adapté en 2017 et repris à ce jour dans une version encore un peu différente, Le violon de Cupidon porte la signature d’Isabelle Meyer par le fait de se trouver à la croisée de deux disciplines. En effet, dans les spectacles imaginés par l’artiste, le tango, le hip-hop et la magie, mais aussi la biologie et la philosophie côtoient tour à tour son violon. Ici, le programme est composé de courtes pièces musicales inspirées d’œuvres littéraires ayant pour thème central l’amour.

Luc Ferry, dont la tâche est de mettre en évidence les liens entre idées et musique, s’excuse d’emblée de sa grande bavardise, à l’amusement du public. Il a passé des dizaines de milliers d’heures à étudier certains de ces sujets, à écrire des livres sur d’autres, et confie qu’il pourrait en parler des heures. À chaque fois que la digression pointe le bout de son nez, l’orateur lui fait prendre un passage secret qui rejoint le chemin principal, afin de s’adapter au format des quelques minutes de parole entre chaque pièce.

Le violon de Cupidon

Isabelle Meyer joue la bouleversante Méditation de Thaïs de Massenet, Luc Ferry prend le relais pour en raconter comment Eros et Agapé se mêlent à son histoire. Il se fera aussi médiateur de la compétition entre l’art cartésien d’Apollon et celui, plus instinctif, de Dionysos. Il narrera la mort irréversible que Gluck exprime dans Orphée et Eurydice… mais aussi l’amour plus fort que la mort de Tristan et Iseult. Il semblera aussi s’amuser de narrer la mort dont la bohème française se moque, dont les os cliquètent au rythme de la Danse macabre de Saint-Saëns. Pour cette dernière pièce qui remporte un bravo! du public enthousiaste, violon, piano, alto, violoncelle, xylophone et timbale semblent prendre eux aussi la parole, ayant chacun leur mot à dire.

Brassant ses notes, Luc Ferry s’adresse au public avec l’aisance évidente du professeur de philosophie, de l’ancien Ministre de l’Éducation nationale, du chroniqueur invité chaque semaine sur Radio Classique. Il nous entretien aussi bien de romantisme allemand que de mythologie grecque, sans oublier un petit clin d’œil à l’actualité ou au présent du spectacle. La liberté prise par rapport au texte préparé et son enthousiasme communicatif, à tout trouver “génial” et à nous recommander tel ou tel texte, rendent la causerie accessible – même si peu auront ouvert toutes les lectures dont il fait mention. Le programme musical tend lui aussi à une accessibilité, puisqu’Isabelle Meyer l’a composé de grands œuvres du répertoire.

L’espace scénique est divisé en deux; Luc Ferry est assis à un bureau en bois d’un côté, et lorsqu’il se tait, il écoute d’un air rêveur les musicien·ne·s de l’autre. La lumière alterne une teinte naturelle sur l’orateur et des couleurs plus mystérieuse sur la musique. Cette mise en scène déplace l’écoute habituelle, qui place le musicien comme passeur de la musique. Dans Le violon de Cupidon, Isabelle Meyer et son ensemble semblent faire eux-mêmes partie de l’œuvre qui nous est contée, comme sortis d’un mythe.

Prochaine date de l’ensemble Art-en-Ciel:
Danse avec le violon!
Break, hip-hop et krump
Samedi 1er avril à 20h
Salle des Morettes, Prangins

Pour suivre l’actualité d’Art-en-Ciel: https://www.art-en-ciel.ch/

Volver

Piazzolla raconté

Le concert théâtral Volver, le tango de l’exil joué cette semaine à la Salle Centrale Madeleine à Genève mène à la rencontre d’Astor Piazzolla au travers de ses propres compositions et de celles des artistes qui l’ont inspiré. Son essence prend vie dans des textes racontés à plusieurs voix – dont la sienne – et dans les gestes du metteur en scène Philippe Cohen, qui incarne le compositeur et bandonéoniste argentin du début du 21e siècle.

Texte de Katia Meylan

Piazzolla aura “façonné le tango en profondeur pour les siècles à venir”. C’est le postulat que la compagnie Les muses Nomades raconte dans cette histoire d’exil. Car en effet, l’amour du compositeur pour le tango et son désir de le faire évoluer est d’abord passé par l’éloignement, tant de son pays que de cette musique populaire nationale, de quelques dizaines d’années son aînée.

Réminiscences spatiales et temporelles

Volver, le tango de l’exil narre donc, dans un doux désordre chronologique, les étapes de la vie de Piazzolla. Sa collaboration plus ou moins fluide avec l’écrivain Jorge Luis Borges; sa fascination pour le bandit Jacinto Chiclan pour qui il compose un air; son enfance, lorsque sa famille quitte Buenos Aires pour s’installer à New-York; ses insolents 18 ans, lorsqu’il tape à la porte du compositeur Juan José Castro, qui le redirige vers Ginastera; sa vingtaine, qui le voit s’identifier à la musique européenne… sa trentaine et le bouleversement de la rencontre avec la célèbre Nadia Boulanger, qui lui conseille de revenir à ses racines.

Les conteur∙euse∙s

Le public découvre ainsi l’évolution des sonorités et de la réflexion du compositeur, cheminant aux côtés des muses Nomades et de la Compagnie Confiture en la personne de Philippe Cohen. En 2021, le comédien genevois d’adoption avait déjà eu l’occasion d’écrire et d’interpréter pour la scène un autre pan de l’histoire de la musique, dans la pièce La bonne soupe de Ludwig van B. imaginée par les sœurs Joubert. Aujourd’hui, Volver réunit à nouveau le talent de Philippe Cohen et d’Oriane Joubert, ainsi que des deux musiciens avec lesquels la jeune pianiste compose le Latin Trio, Tomas Hernandez-Bages au violon et Mario Nader Castaneda au violoncelle. Pour compléter l’orchestre, ils s’entourent de la bandonéoniste Gaëlle Poirier et du guitariste Narcisso Saùl, qui signe également les arrangements du spectacle. 

Piazzolla

Photo © Gilbert Badaf

Une histoire à plusieurs voix et plusieurs gestes

Le concert est raconté de bien des façons autour du noyau de musicien∙e∙s, dans des configurations de quintettes, trios ou solo selon les morceaux choisis.
Philippe Cohen mime un premier air de tango traditionnel. Comme il frétille, on aurait presque envie de voir en lui la silhouette du chef d’orchestre Juan D’Arienzo, qui guette les notes, marque le rythme, apostrophe les musicien∙ne∙s. Puis, le tango traditionnel laisse la parole aux influences classiques, de Bach à Ginastera en passant par Gershwin, pour mieux revenir, se transformer, et devenir du Piazzolla.

L’aspect scénique du concert passe par les gestes, des mimes et des jeux de marionnettes, et même par quelques moments qui avoisinent le stand-up dont Philippe Cohen a le secret, comme lorsqu’il sort de la narration au beau milieu du spectacle pour présenter les artistes avec l’accent italo-latino-new-yorkais.

Le texte accompagne la musique et les mouvements tout au long du spectacle, à travers ce grand cahier noir qui circule de mains en main sur scène. Chacun∙e des musicien∙ne∙s en lit une partie à sa façon, comédien, pédagogue ou même interprète lorsqu’il faut traduire la voix de Piazzolla que l’on entend grâce à des archives audio.

On comprend avec émotion que toutes et tous ont une histoire forte avec cette musique, et que c’est elle qui transcende leur intensité concentrée.

Volver, le tango de l’exil
Du 18 au 21 janvier 2023
Salle Centrale Madeleine
theatre-confiture.ch


AU RYTHME DES TOUCHES

Alors que les mélodies du Concours de Genève ont résonné dans la cité de Calvin pour la première fois en 1939, cette rencontre musicale internationale ouvre les portes de sa 76e édition. La pandémie ayant bousculé l’agenda de la succession des disciplines, la composition et le piano ont finalement été élus pour 2022. Les étapes de sélection se sont déroulées au courant de l’année pour aboutir à une série d’événements en automne. Si la finale du Concours de composition aura lieu le 26 octobre, les pianistes s’affronteront pour la dernière étape le 3 novembre au Victoria Hall, accompagné·e·s de l’Orchestre de la Suisse Romande, dirigé par Maržena Diakun.

Texte et propos recueillis par Eugénie Rousak

La dernière édition du Concours de piano s’est déroulée en 2018, cette discipline a donc tout naturellement été planifiée pour cette année, gardant le rythme des quatre ans d’intervalle. Au total, plus de 180 candidat·e·s de moins de 30 ans ont envoyé leur candidature, représentant 28 pays. Quarante musicien·ne·s ont ensuite été sélectionné·e·s par le jury présidé par la pianiste Janina Fialkowska. Les membres s’étaient réunis durant quatre jours au Théâtre Les Salons pour visionner l’ensemble des vidéos et faire leur choix. Finalement, au mois de septembre, au terme du récital en ligne, neuf demi-finalistes âgé·e·s de 16 à 28 ans, Jae Sung Bae (Corée), Sergey Belyavsky (Russie), Kevin Chen (Canada), Kaoruko Igarashi (Japon), Miyu Shindo (Japon), Zijian Wei (Chine), Yonggi Woo (Corée), Adria Ye (Etats-Unis) et Vsevolod Zavidov (Russie), ont été désigné·e·s pour s’affronter à Genève au mois d’octobre. Ce format hybride a été utilisé pour la deuxième fois pour le Concours. “Bien entendu, il est toujours possible de regretter les auditions en direct, mais les enregistrements permettent de revenir en arrière et de réécouter. Par cette décision nous voulions surtout nous adapter au nouveau monde numérique d’après la pandémie. Continuer avec le récital en ligne est notre façon de pousser les jeunes musiciennes et musiciens à maîtriser de mieux en mieux les outils qu’ils vont devoir utiliser durant toute leur future carrière. Nous leur avons donné des instructions assez précises et une aide financière, mais ils devaient trouver une bonne salle avec un piano et s’entourer d’une équipe de professionnels du son pour avoir cette expérience d’enregistrement de récital professionnel de 45 minutes” explique Didier Schnorhk, secrétaire général du Concours. Le nouveau format permet également à plus d’artistes, notamment de l’Asie, de participer sans faire le déplacement.

Théo Fouchenneret, 1er Prix ex aequo 2018 ©Anne-Laure Lechat

Personnalité artistique au programme

Ouverte au public, la Demi-Finale se compose de trois étapes. Les deux premières épreuves sont assez traditionnelles avec un récital solo d’une soixantaine de minutes et une épreuve de musique de chambre d’une demi-heure. “Nous laissons carte-blanche aux candidats, le répertoire pour piano étant très riche. L’idée est de les inciter à faire preuve d’originalité en proposant un programme qui leur correspond, qui a un sens pour eux. Pour la partie de musique de chambre, le jury regarde également comment ils interagissent avec des musiciens et chanteurs inconnus qui ont leur propre vision des œuvres. Est-ce que le jeune se contente d’accompagner ou essaye d’appuyer sa position, situation qui débouchera sur une sorte de conflit ou au contraire une osmose en deux répétitions? C’est un exercice très particulier qui nécessite une grande capacité d’adaptation et une bonne qualité de l’oreille pour s’aligner, mais qui finalement sera demandé tout au long de la carrière professionnelle” détaille Didier Schnorhk.

La dernière partie est celle d’un projet personnel, grande nouveauté de cette année. Cette innovation est venue du constat qu’à la suite de la pandémie, les organisateur·trice·s de concerts donnaient surtout la priorité aux artistes établi·e·s, mais étaient prêt∙e∙s à ouvrir leurs portes aux jeunes avec un projet original et personnel. La commission artistique du Concours a donc décidé de concrétiser cette réalité par une épreuve artistique. L’objectif est de donner l’occasion aux musicien·ne·s de réfléchir à un projet, qui peut prendre n’importe quelle forme, allant d’un concert thématique à un spectacle complexe mélangeant différents arts. “Si le lauréat est vraiment motivé par son projet, indépendamment du résultat, nous allons l’aider à trouver des financements. D’ailleurs, pour les trois finalistes, nous organisons également une série d’ateliers de formation professionnelle pour discuter de la gestion de leur carrière, relations avec la presse, promotion, etc., ce qui est assez inédit pour un Concours” précise le secrétaire général.

Jury de l’année

Choisi par la commission artistique, le jury se compose personnalités diverses. Spécialisée dans le piano classique et présidente de cette année, la canadienne Janina Fialkowska travaille dans le monde des auditions depuis près de 50 ans. À ses côtés, six membres du jury. Également assez classique dans son approche, l’autrichien Till Fellner a gagné le Concours Clara Haskil à Vevey, pour aujourd’hui concilier l’enseignement et une carrière musicale. Très connu sur la scène espagnole, Josu de Solaun est une personnalité totalement atypique, qui improvise, compose et écrit de la poésie. Le Suisse Gilles Vonsattel est un ancien lauréat du Concours de Genève, qui aujourd’hui fait notamment de la musique contemporaine. Originaire du Japon, Momo Kodama se produit avec les plus grands orchestres aussi bien en Asie, qu’en Europe et aux États-Unis. Issue de l’école russe et arménienne, Marianna Shirinyan travaille régulièrement dans les pays nordiques, où elle est notamment directrice artistique d’un festival de musique. Professeur à Paris, Florent Boffard est pianiste contemporain, très ouvert à des nouvelles expériences.

Ensemble, ils détermineront le gagnant de la 76e édition du Concours de Genève le 3 novembre prochain au Victoria Hall.

Dmitry Shishkin, 1er Prix ex aequo 2018 ©Anne-Laure Lechat

Calendrier à venir du Concours de Genève

Portrait des finalistes
23 octobre à 17h, Conservatoire de Genève
Finale de composition
26 octobre à 19h, Conservatoire de Genève
Demi-finale de piano – récital solo
27 et 28 octobre dès 14h30, Conservatoire de Genève
Demi-finale de piano – musique de chambre
29 et 30 octobre dès 14h30, Conservatoire de Genève
Masterclass publique par Janina Fialkowska
31 octobre et 1er novembre à 14h et 16h, Bâtiment Duffour (HEM)
Finale de piano
3 novembre à 19h, Victoria Hall
Concert des lauréats
5 novembre 2022 à 18h30, Conservatoire de Genève
Récital des lauréats
6 novembre à 17h30, Temple de Jussy

Photo de haut de page : Chloe Ji-Yeong Mun, 1er Prix 2014 ©Anne-Laure Lechat

Sine Nomine

Festival Sine Nomine

À Lausanne, la ville qui l’a vu naitre il y a quarante ans, et même bien au-delà, on ne présente plus le Quatuor Sine Nomine, ensemble qui, pour mieux servir la diversité des œuvres, des compositeurs et des époques qu’il interprète, a choisi de se présenter… sans nom. Du 30 septembre au 2 octobre prochain, il convie des artistes romand·e·s au rayonnement international à le rejoindre à l’Église de la Chiesaz à l’occasion de la 11e édition de son festival.

Vous les avez entendus cette année mais ne vous rappelez plus à quelle occasion? Mais si: dans une une création mondiale avec le clarinettiste Pascal Moragues à l’Octogone de Pully en mars… interprétant Les sept dernières paroles du Christ de Haydn à Romainmôtiers en avril… ou alors en juin, au Château de Lucens dans des oeuvres du 19e siècle avec Dan Poenaru au piano? Et pour les Genevois·es, ce fut peut-être au Festival Puplinge Classique, aux côtés de l’Orchestre des Jeunes de la Suisse Romande dont ils ont la direction artistique.

Reste encore une part belle à venir pour cette riche 2022, cela dit! En effet, pour la 11e édition de son festival, le quatuor a élu domicile à Saint-Légier. La semaine prochaine sera donc une bonne occasion de témoigner de leur talent, tant de musiciens que de programmateurs:

C’est autour des oeuvres de Brahms et de Fauré que les quatre membres du quatuor ont imaginé leur fête. Les concerts ont été pensés en miroir, afin de laisser percevoir les similitudes des compositeurs, leur “même sens de l’épure”, tel que le note le quatuor, aussi bien que le contraste entre la puissante flamboyance du premier et la délicatesse claire-obscure du second.

La réalisation de ces expériences sensorielles de chambre, dont l’axe central du quatuor à cordes est élargi à d’autres formations, est ainsi confiée à des artistes réputé·e·s: Hiroko Sakagami et Philippe Dinkel pour les oeuvres avec piano, et Thomas Demenga, Nicolas Pache et Marc-Antoine Bonanomi dont les cordes viendront se joindre à celles du Quatuor Sine Nomine. Citons aussi la mezzo-soprano Marie-Claude Chappuis qui, le dimanche 2 octobre, donnera sa voix à un arrangment des Vier ernste Gesänge de Brahms, puis le cycle de neuf mélodies sur des poèmes de Paul Verlaine de Fauré!

Pour voir le programme dans son entier: https://festivalsinenomine.ch/

Turan-2.0

Du 20 juin au 3 juillet 2022, le Grand Théâtre de Genève vous propose de découvrir l’un des opéras les plus connus de Puccini, Turandot. Un classique du genre, le dernier du compositeur, qui n’avait plus été joué à Genève depuis 1995-1996. Pour marquer ce retour, le Grand Théâtre a donc décidé de faire les choses en grand en proposant une version ultra moderne de l’œuvre. Une cure de rajeunissement que les amateur∙trice∙s d’art lyrique sauront sûrement apprécier!

Texte de Mélissa Quinodoz

Turandot, c’est l’histoire d’une femme, d’une princesse chinoise qui rejette un à un les prétendants qui tentent de la conquérir. Pour ceux qui espèrent l’épouser, la règle est pourtant simple: il faut résoudre les trois énigmes qu’elle leur soumet. Pour ceux qui échouent, pas d’espoir possible: la mort les attend. Alors que des dizaines d’hommes ont déjà tenté de relever le défi, le prince Calaf décide à son tour de s’essayer aux énigmes de la princesse. À la surprise générale, il  parvient à les résoudre mais Turandot, devant l’obligation qui lui est faite d’épouser cet homme, hésite à tenir sa promesse.

Turandot

Photos : Magali Dougados

Présentée pour la première fois en 1926 à La Scala de Milan, Turandot est une œuvre résolument moderne. Femme forte et libre, cette princesse qui refuse d’être soumise à un époux pose la question du consentement, du doit à disposer de son corps et, plus généralement, des rapports qui existent entre les genres. Une thématique très actuelle que la mise en scène de Daniel Kramer modernise encore davantage. Sous nos yeux le monde traditionnel de Turandot évolue ainsi en un environnement futuriste et dystopique qui rappelle à la fois La servante écarlate et Hunger Games. Les costumes sont tout simplement splendides et dévoilent une myriade de détails tantôt drôles, tantôt dérangeants. Enfin, au niveau de la scénographie, le collectif artistique teamLab propose un mélange assez bluffant d’effets visuels ultra immersifs à base de projections et de lasers. C’est tout simplement beau, sans pour autant en faire trop. Surtout, l’ensemble permet au public de se plonger totalement dans ce Turandot 2.0. Pour finir, on soulignera la qualité indéniable du casting et, en particulier, l’excellente performance des deux personnages féminins principaux. Les sopranos Ingela Brimberg et Francesca Dotto, qui interprètent respectivement les rôles de Turandot et Liù ont offert au public un moment musical de pur bonheur.

Avec cette adaptation de Turandot, le Grand Théâtre de Genève est donc parvenu à apporter une touche de modernité à cette œuvre tout en conservant l’essence même du blockbuster puccinien. Un défi qui n’était pas forcément gagné d’avance et qui a été parfaitement relevé. La réussite s’est ressentie au terme de la représentation, les applaudissements ayant durés pendant de longues minutes.

Turandot, c’est donc à découvrir pendant encore quelques jours au Grand Théâtre de Genève. À noter encore que le 24 juin, l’œuvre sera projetée gratuitement au parc des Eaux-Vives. L’occasion de passer une belle soirée les pieds dans l’herbe et la musique de Puccini dans les oreilles.

Informations et billetterie: https://www.gtg.ch/saison-21-22/turandot/

PSO Nicolás Duna

Vers l’infini et au-delà – Musique (pas si) classique

Il n’y a pas (si) longtemps, dans une galaxie proche, très proche, un drôle de vaisseau errait dans l’espace. À son bord, quelques voyageur∙euses intrépides prêt∙e∙s à braver le vide intersidéral pour quelques notes de musique. Dans l’espace, si personne ne les a entendu crier, les applaudissements eux ont dû réveiller quelques martiens…

Texte de Mélissa Quinodoz

Le vendredi 22 avril 2022, le Philharmonic Show Orchestra prenait son envol pour la première fois. Depuis la piste de lancement genevoise du Victoria Hall, les passager·ère·s étaient donc nombreux·ses à vouloir prendre place à bord du vaisseau mère pour ce voyage inaugural. Il faut dire que la feuille de route était des plus attractives. Au programme, des œuvres classiques bien sûr, et notamment les incontournables Planètes de Holst, mais également des morceaux issus de la pop-culture, E.T, Interstellar et Star Wars. Un mélange de saveurs assumé par le Philharmonic Show Orchestra qui souhaite proposer à son public une nouvelle définition du concert, celle de “spectacle symphonique”! Avec pour objectif la transversalité, il s’est ainsi fixé comme mission d’offrir un espace de rencontre et de réflexion pour les acteurs culturels de tous bords.

PSO2 Photo de Nicolás Duma

Photo: Nicolás Duma

Confortablement installé·e·s dans leurs sièges, les tablettes relevées et accueilli∙e∙s par une charmante hôtesse de l’air, les passager∙ère∙s sont donc parti∙e∙s vers de nouveaux horizons musicaux. Un vol des plus réussi, grâce notamment au commandant de bord Pierre-Antoine Marçais (ou PAM pour les intimes), qui a su éviter toute forme de turbulence. Si la première partie était des plus agréables, c’est après une courte escale que la magie a véritablement opéré. Dans la pénombre du cockpit, quelques passager·ère·s se sont alors levé·e·s pour entonner la magnifique chanson Stars du Letton Eriks Esenvalds. Un pur moment d’apesanteur qui a mis en lumière les voix quasi extraterrestres de certain·e·s voyageur·euse·s!

En descendant de l’appareil, on ne pouvait que souhaiter y remonter prochainement pour un nouveau périple d’une ou deux années lumières. Le sourire des passager·ère·s en disait d’ailleurs long sur la réussite de ce premier envol. Le Philharmonic Show Orechestra est définitivement un orchestre du 21e siècle (voire même du 22e siècle) prêt à relever les défis et les enjeux culturels d’aujourd’hui et de demain. C’est avec impatience qu’on attend les prochains épisodes de cette nouvelle série musicale!

Toutes les informations et les prochaines dates du Philharmonic Show Orchestra sont à découvrir ici:

philharmonicshoworchestra.com/#pso

Vous pouvez également les suivre et les soutenir sur les réseaux sociaux:

Instagram @Philharmonic_Show_Orchestra

Facebook @PhilharmonicShowOrchestra

Nicolás Duma

Photos: Nicolás Duma

Week-End Musical de Pully: Vocation de transmission

Lorsque l’on arrive au Week-End Musical de Pully pour écouter des concerts de musique classique, on tombe tout d’abord sur une brochette de polos violets de toutes tailles, chacun affairé à sa tâche et fermement fier d’être là. Puis l’on réalise également bien vite que, si le festival réserve une belle part de sa programmation au classique, il n’hésite pas à s’aventurer hors des sentiers battus.

Texte de Katia Meylan Propos recueillis auprès de Caroline Mercier et Guillaume Hersperger, co-fondateurs du festival, Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, membres du comité d’organisation, et Raphaël Bollengier, staff.

 

A tout juste neuf ans, le Week-End Musical de Pully, WEMP pour les intimes, n’a à rougir d’aucune comparaison avec certains frères aînés ou cousins des grandes villes. Gratuit depuis ses origines et comptant bien le rester, il convie depuis 2013 des grands noms tels que Marina Viotti, Beatrice Berrut, Cédric Pescia, Louis Schwizgebel ou encore le Quatuor Sine Nomine. 

Une programmation éclectique 
Cette année, le festival s’étendra du 5 au 8 mai. Pour donner une idée de la diversité des styles qu’offre la programmation 2022 pensée par Guillaume Hersperger, prenons la journée du dimanche: un spectacle d’opéra dédié aux familles et un conte musical porté par des jeunes artistes de la région côtoieront The Beggar’s Ensemble et Sneaky Funk Squad, deux formations exubérantes, l’une baroque, l’autre funky. Un récital du pianiste Nelson Goerner, lui aussi en entrée libre, clôturera les festivités – et Guillaume Hersperger de présager en souriant qu’il faudra peut-être arriver un peu en avance. 

La genèse
Depuis la première édition où les trois co-fondateurs géraient l’entièreté de l’organisation, le WEMP a pris de l’ampleur. Devant l’évidence que son trio aurait besoin d’aide, Guillaume Hersperger, professeur de piano au Conservatoire, en parle à ses jeunes élèves qui acceptent de venir donner un coup de main. “Ils savaient tous qu’il enseignait aussi les arts martiaux, ils n’ont pas osé refuser!” plaisante Caroline Mercier, directrice générale du festival. Une équipe d’une vingtaine de bénévoles s’est ainsi formée, motivée et efficace. Si la démarche semble née d’une nécessité pratique, elle devient aussitôt la marque de fabrique du festival, qui adopte une vocation de transmission: en effet, le jeune staff, dont le rôle consistait d’abord à mettre des chaises en place ou distribuer des goodies, se responsabilise petit à petit, se forme auprès de professionnels à des tâches telles que la régie son ou lumière, la logistique ou encore la communication.

Raphaël Bollengier en masterclass avec Christian Chamorel. Photos: Emilie Steiner

Le staff en scène
La plupart sont musicien·ne·s, élèves du conservatoire ou au début de leur parcours professionnel, et le festival leur donne l’occasion de monter sur scène. Lors du spectacle intitulé La hotline musicale de Blaise Bersinger, six bénévoles feront partie du Pully-Région Orchestral Ultimate Trio qui, mené par l’humoriste lausannois reconverti en responsable d’antenne radio, devra répondre instantanément à toute demande des auditeur·ice·s. Le but du spectacle: aborder la musique classique sous son aspect “cool”. Autant dire que le moment est attendu avec impatience par le staff! Les bénévoles que nous avons rencontrés sont unanimes: “C’est l’opportunité de l’année!”, s’enthousiasme Léonard Wüthrich, 22 ans, clarinettiste et assistant à la direction. “Sans le WEMP, un étudiant en musique classique se retrouverait difficilement à faire un spectacle avec un humoriste de la nouvelle génération”. ” Pour moi, Blaise est la personne qu’il nous fallait. Il arrive à me faire rire de tout”, confirme Jonathan Gerstner, 19 ans, violoncelliste, également assistant à la direction, et arrangeur d’une partie des morceaux qui seront joués durant le spectacle. 

Ce dernier aura une autre opportunité de se produire sur scène lors de cette édition 2022, et de taille! Il s’est vu confier un récital, pour lequel il a choisi d’interpréter la 5e Suite pour violoncelle seul de Bach et la Sonate pour violoncelle et piano en Fa Majeur nº 2 de Brahms. Il jouera également une création mondiale, commandée par le WEMP au compositeur Jean-Sélim Abdelmoula pour l’occasion. 

La confiance accordée
Parmi les tâches déléguées au binôme que forment Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, la programmation de l’esplanade open-air du samedi après-midi. Encore une belle preuve de confiance de la part de la direction! Inspirés par l’esprit libre du festival, ils décident d’y convier le jazz, en proposant carte blanche à l’École de Jazz et Musiques Actuelles (EJMA). En effet, la porosité entre les styles de musique parle aux deux jeunes musiciens, qui regrettent qu’elle ne soit pas toujours une évidence au stade des études. “Ayant débuté mon parcours dans la région lausannoise, je trouve qu’il manque encore des liens entre classique et jazz”, constate Léonard, actuellement élève à la Hochschule Luzern. “En Suisse alémanique, on développe beaucoup plus ces connexions; j’ai des cours d’improvisation, et les musiciens des deux filières ont accès aux modules des uns et des autres”. 

Ce constat encourage le WEMP à donner, lors des masterclass qu’il met en place, la priorité aux élèves de Bachelor ou pré-professionnels plutôt qu’aux Master, qui bénéficient déjà d’une offre plus large. Cette année, les participant·e·s rencontreront le violon baroque d’Augustin Lusson, le répertoire à deux pianos de Sélim Mazari et Tanguy De Williencourt et le violoncelle jazz de Stephan Braun.

 “Grâce au WEMP, j’ai créé des contacts avec des artistes locaux et européens que je n’aurais pas forcément rencontrés, ou beaucoup plus tard”, exprime Léonard. Il pense notamment au Quintet Ouranos et à sa rencontre avec le clarinettiste parisien Amaury Viduvier, dont le partage d’expérience lui a été très enrichissant. 

Les plus jeunes ne sont pas en reste, et même à 12 ans, on a sa place au WEMP, preuve en est de Raphaël Bollengier, nouvelle recrue et benjamin du staff. L’année dernière, ce pianiste en herbe avait eu l’occasion de travailler la Polonaise de Chopin en do dièse mineur avec Christian Chamorel, de jouer avec des camarades lors d’un pré-concert, et d’assister à des concerts assis dans le public. Il verra cette année le festival du côté de l’organisation… Et qui sait, peut-être que celui qui ne se voit pas pianiste professionnel, car “c’est compliqué d’avoir une renommée pour être à l’aise financièrement”, y verra une autre piste de vocation musicale? 

Retrouvez tout le programme du Week- End Musical de Pully sur: wempully.ch  

Week-End Musical de Pully Du 5 au 8 mai 2022 Divers lieux, Pully 

                                                                                                        

1001 Harmonies

La vie à deux pianos, à milles histoires, à 1001 Harmonies

Ailleurs, l’herbe est simplement d’une autre teinte, et c’est un sentiment différent lorsqu’on s’y étend pour se faire conter 1001 Harmonies. Cela vaut bien un détour à Neuchâtel, où les pianistes Myassa et Francisco Leal présentent leur 2e saison de concerts ainsi intitulée: 1001 Harmonies, d’un joli mélange entre la musique qui les fait vibrer et leurs histoires de rencontres et d’amitiés.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Myassa est neuchâteloise, Francisco est colombien. Frayés par la passion du piano, leurs chemins se rejoignent à la Haute École de Musique de Genève à Neuchâtel. Et là… c’est le coup de foudre musical? “Ce qui t’a plu, c’est plutôt que je te faisais rire, non?”. Coup d’œil malicieux de Francisco à sa complice. Dans leur appartement, leur photo de mariage orne le mur du salon, non loin d’un grand piano à queue et d’un chat qui se prélasse sur le tabouret.

Actif dans diverses branches qui prennent toutes leurs racines dans la musique (solistes, enseignants, organiste titulaire pour Francisco, médiatrice culturelle pour Myassa), le couple se rajoute une casquette lorsqu’il y a plusieurs années de cela, il imagine organiser sa propre saison de concert. L’initiative n’était pas un coup d’essai: “Pendant nos études, nous avons mis sur pied une journée de concerts, rééditée à plusieurs reprises, lors de laquelle nous engagions différents musiciens de la région”, raconte Myassa. Un premier test qui fonctionne à merveille et sème l’idée. Quelques lieux inspirants, tels que l’Église St-Pierre, le Temple du Bas et bien sûr la fameuse Salle de musique de La Chaux-de-Fonds, leur fait souhaiter une saison qui appartienne à la fois à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. L’idée murit durant trois ans et en 2019 éclot la première édition de 1001 Harmonies

Pour une jeune saison, c’est une prise de risque immédiate. S’il prend la responsabilité de la programmation et de plusieurs concerts, le couple s’entoure de spécialistes, du graphisme à l’audiovisuel en passant par la communication, mettant les moyens à la forme. Et pour le fond, il convie des invité·e·s de marque: des premières suisses-romandes – notamment le violoncelliste Santiago Cañón, lauréat du concours Tchaïkovski – ainsi que des artistes au rayonnement international, citons le pianiste Arcadi Volodos ou le ténor Bernard Richter.

“Pour construire une programmation, on part des pièces que l’on aimerait entendre ou jouer. Le but est aussi de présenter au public des configurations variées, et de coupler d’autres arts à la musique”, s’accordent Francisco et Myassa. Entre eux, les idées fusent et les artistes inspirant·e·s à inviter ne manquent pas. Mais ce qui les guide, ce sont les histoires, les rencontres qui mènent au concert, les liens qui se créent. Pour eux, Arcardi Volodos ou Bernard Richter sont certes de grands noms, mais avant tout des amis.

flamenco 1001

Le Concert n° 4, intitulé Flamenco et ayant eu lieu en mars dernier, est un exemple amusant de leur fonctionnement au coup de cœur. “La rencontre avec le Barcelona Guitar Trio était un vrai hasard: on devait partir en vacances à Londres, et à cause d’un souci administratif, on s’est rendu compte une fois à l’aéroport que c’était impossible”, nous racontent-ils à deux voix. “On a regardé quel était le prochain vol, et à la place, on a pris nos billets pour Barcelone. Là-bas, on est allé au Palau de la Música, où on a vu ces musiciens et ces danseurs. C’était incroyable! On a tout de suite pensé à eux pour 1001 Harmonies, et à la fin du concert on est allé voir leur manager. C’était en 2018, avant même le début de notre première saison!”.
Un savant mélange entre la spontanéité qui caractérise le couple et la folle planification que requiert une saison classique, en somme!

Dès demain 29 avril, puis dimanche 1er mai, Myassa et Francisco seront eux-mêmes sur scène pour un récital intitulé La vie à deux… pianos, composé d’œuvres puisées dans le répertoire de leur sensibilité commune. En première partie de concert, ils interpréteront deux pièces classiques: la Suite pour deux pianos de Rachmaninov et la Danse macabre de Saint-Saëns. La seconde partie se fera latine, avec trois magnifiques tango nuevo de Piazzolla, rêveurs, romantiques, dramatiques, teintés de jazz et d’élans de courage. Le final sera une fête, avec un arrangement du Danzon n° 2, du compositeur mexicain Arturo Márquez, auquel le duo amène sa touche pianistique.

Parmi leurs prochains couple goals, l’envie de convier d’autres arts encore à leurs saisons. La danse reviendra pour sûr, dans de nouveaux pas de deux à quatre mains. Myassa la littéraire imagine également faire dialoguer, lors d’un concert, des grands textes classiques, des pièces musicales et les biographies des compositrices et compositeurs. Gageons qu’elle saura aisément convaincre sa moitié de ce beau projet…

La nuit est tombée depuis longtemps et on laisse Neuchâtel derrière nous, suivant des yeux les rails, avec en tête les notes entraînantes du Danzon interprété par Francisco et Myassa dans leur salon!

La vie à deux… pianos
Vendredi 29 avril à 19h30
Salle Faller, La Chaux-de-Fonds

Dimanche 1er mai à 17h
Temple du Bas, Neuchâtel

Tout le programme sur www.1001harmonies.ch


Maria Callas

Concert de Gala en hommage à Maria Callas avec Angela Gheorghiu

En 2023, le centenaire de la naissance de Maria Callas sera fêté dans le monde entier. L’amour et l’admiration que voue la soprano arménienne Varduhi Khachatryan à la divine cantatrice n’ont pas patienté jusque-là avant de lui rendre hommage. En effet,  l’association AVETIS, qu’elle préside, donnera un concert d’airs du répertoire de Maria Callas le jeudi 12 mai au Victoria Hall de Genève. Avec, en tant qu’invitée d’honneur, la Diva Assoluta Angela Gheorghiu.

Texte de Katia Meylan

Maria Callas disait ne pas avoir d’identité. Née de parents grecs aux États-Unis, ayant vécu le sommet de sa carrière en Italie puis ayant habité à Paris, elle ne se sentait entièrement d’aucun de ces lieux. Si la cantatrice continue à vivre éternellement, c’est par son talent inégalé qui reste dans les cœurs et les mémoires… mais aussi, comme l’imagine poétiquement Varduhi Khachatryan, peut-être pour retrouver en celles qui lui rendent hommage un peu de l’identité, de la simple féminité qu’elle cherchait, elle qui avait été transformée en icône.

AVETIS conviera ainsi la légende Angela Gheorghiu, dont le nom est étroitement lié à celui de Maria Callas, à un moment chaleureux de partage et d’émotion sur scène.

Angela Gheorgiu

Angela Gheorghiu

Le choix d’Angela Gheorghiu en tant qu’invitée d’honneur a été une évidence; comparée maintes fois à Maria Callas, la soprano s’est hissée au rang de Diva assoluta après avoir tourné sur toutes les grandes scènes du monde. Elle élargit son public en prenant part à l’opéra filmé, remporte deux fois le titre d’Artiste de l’Année aux Classical Brit Awards (2001 et 2010), et été nommée chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture français.
Varduhi Khachatrian®point-of-views.ch

Varduhi Khachatrian. Photo: point-of-views.ch

Varduhi Khachatryan a vu sa jeunesse musicale parsemée de rencontres avec Maria Callas, dès lors que son père, baryton-basse et artiste national de la République d’Arménie, lui transmet le goût de l’art lyrique. L’artiste chemine et gagne de nombreux prix dont l’un lui tenant particulièrement à cœur: le Grand Prix Maria Callas à Athènes, en 2001, qui mène par la suite à de nombreuses invitations internationales. D’autres grands projets en hommage à la Diva naissent de son initiative personnelle, notamment le concert VIVA CALLAS, porté jusqu’au Carnegie Hall de New-York.

Pour ce grand concert de Gala, les deux artistes seront accompagnées, sur des airs d’opéras du répertoire de Maria Callas tels que Tosca ou La Bohème de Puccini, Carmen de Bizet ou encore Roméo et Juliette de Gounod, par l’orchestre du Festival Pucciniano en Italie, dirigé par Corrado Valvo.

Comme l’association l’a déjà prouvé en invitant Angela Gheorghiu, Tigran Hamasyan, Elīna Garanča, Khatia Buniatishvili, Maxim Vengerov ou encore Mikhail Pletnev, AVETIS, grâce au soutien de la Fondation Francis et Marie France Minkoff, poursuit son ambition de réaliser des moments de grâce à Genève.

Gala-Concert dédié à Maria Callas
Jeudi 12 mai à 20h
Victoria Hall, Genève
Site internet d’AVETIS: www.avetis.ch
Lien vers la billetterie

 

Pauline Inspirée

Pauline Inspirée – réaffirmer le talent d’une compositrice romantique

Qui aujourd’hui ne connait pas Saint-Saëns, Fauré ou Chopin? Mais qui cite à leurs côtés leur contemporaine et amie, compositrice au talent non moins admirable, Pauline Viardot? La mezzo-soprano Laure de Marcellus et le pianiste Alberto Urroz participent, avec leur album intitulé Pauline Inspirée – Mélodies par et pour Pauline Viardot enregistré en 2021, à rendre à cette artiste accomplie l’attention qu’elle mérite.

Texte de Katia Meylan

L’Histoire de la musique classique n’a pas fait la part belle aux compositrices du 19e siècle, dont peu de noms nous sonnent encore aussi familiers que ceux de leurs collègues romantiques masculins.

Lors d’un concert samedi dernier au Palais de l’Athénée à Genève, Laure de Marcellus et Alberto Urroz ont présenté un programme de mélodies écrites ou inspirées par Pauline Viardot. En effet, la compositrice et interprète “inspirait tout le monde. Soit on était amoureux d’elle, soit on lui écrivait des pièces, soit on faisait son portrait…”, sourit Laure de Marcellus, qui pèse ses mots et profite de plusieurs petits intermèdes durant lesquels elle prendra le temps de donner au public quelques éléments biographiques passionnants.

Accentué encore par la présence de l’arrière-arrière-petite-fille de Pauline Viardot assise au premier rang dans la salle, c’est une adrénaline qui semble primer dans les deux premières mélodies espagnoles composées par Pauline. Les artistes laissent transparaitre le fier enthousiasme de mettre la compositrice à l’honneur, et le public montre une fébrilité de la découvrir.

Pauline Inspirée

Les airs suivants dévoileront plus amplement la voix de Laure de Marcellus, chaleureuse et déterminée. On découvre deux mazurkas de Chopin mises en paroles, puis deux mélodies inédites de Chapí, enregistrées pour la première fois et qui, par leur aspect théâtral, mettent superbement la mezzo-soprano en valeur. À la dernière note de La canzone contadina, mélodie d’un cycle de cinq compositions inspirées de chansons populaires toscanes, les applaudissements et exclamation fusent. Laure de Marcellus nous emporte finalement dans Mon cœur s’ouvre à ta voix tiré de l’opéra Samson et Dalila, composé par Saint-Saëns pour Pauline. Sur ce même air, Alberto Urroz révèle de délicates cascades de caresses, son piano n’ayant rien à envier aux vents de la partition initiale.

Avant de nous quitter, Laure de Marcellus partage encore une information, en soignant son effet comme un twist final: Tout le monde ou presque a déjà entendu la Habanera tiré de l’opéra Carmen. Mais rares sont celles et ceux qui savent que Pauline Viardot a aidé Bizet dans la composition du célèbre air. “Non?!…” chuchote une voix dans le public. Et c’est sur ce bis, qui prend la teinte de tout ce qui l’a précédé, que se termine le concert. L’amour est un oiseau rebelle…

Pauline Inspirée – Mélodies par et pour Pauline Viardot
Sortie en mars 2022
Vers le site de Laure de Marcellus
Vers le site de Alberto Urroz

L'Ombra - scène

L’Ombra – l’aventure d’un opéra jamais mis en scène

Une minute, une heure, qu’est-ce que c’est? C’était le temps, samedi dernier sur la scène du Reflet – Théâtre de Vevey, de raconter une histoire, celle de l’amour impossible de deux adolescents, Wolfango et Marguerite. Wolfango, devenu des années plus tard un étudiant sans âge halluciné. Marguerite, emportée si jeune par la maladie, qui revient à lui sous la forme d’une ombre pour lui faire raconter cet amour et en faire le deuil.

Texte de Katia Meylan
Propos recueillis lors de la rencontre publique avant la pièce, avec Luc Birraux, metteur en scène. Rencontre menée par Brigitte Romanens-Deville, directrice du Reflet

L’Ombra n’avait jamais été mise en scène, mon travail a donc simplement été de raconter cette histoire”, pose modestement le metteur en scène Luc Birraux.

S’il est des opéras pour lesquels on compte des centaines – si ce n’est des milliers – d’interprétations scéniques différentes, il existe aussi des œuvres encore inconnues même des mélomanes. C’est le cas de L’Ombra, une œuvre du compositeur Ugo Bottacchiari, écrite dans la tradition des grands mélodistes italiens au 20e siècle, tombée dans l’oubli et aujourd’hui portée à la scène par la toute jeune compagnie Operatic. Le “tuyau” était venu de la professeure de chant de Louis Zaitoun, ténor passionné qui a désormais pu ajouter le rôle de Wolfango à son répertoire.
L’histoire a commencé comme une quête: Quelque part, dans le petit village de Castelraimondo en Italie, se trouve un manuscrit dont il n’existe qu’un seul enregistrement, et que personne n’a jamais encore mis en scène…

Une fois la photographie de la partition en poche et de retour de voyage, la compagnie découvre une œuvre à la forme inhabituelle: tandis qu’à l’époque d’Ugo Bottacchiari, la tendance était plutôt de faire se dérouler un maximum d’actions dans des lieux exotiques et de déployer sur scène des décors fastes et une troupe nombreuse, le compositeur, alors encore étudiant, signait un opéra de chambre en un acte, en huis clos, pour deux solistes et un chœur de quatre femmes.

Luc Birraux et le chef d’orchestre Antoine Rebstein, cofondateurs de la Cie Operatic, imaginent pour cette pièce un accompagnement mobile, adaptable à différents lieux. Ils commandent au Lausannois Kevin Juillerat une réduction d’orchestre, interprétée par douze instrumentistes de la Camerata Ataremac. Quant au livret existant, assez succinct, il est étoffé par la librettiste Sabryna Pierre et livre la raison de cet amour impossible.

L'Ombra: les acteurs sur scène

Photos de Lauren Pasche.

La mise en scène moderne et captivante de Luc Birraux souligne la dimension actuelle de l’opéra de Bottacchiari. Ses choix rendent L’Ombra à la fois accessible et foisonnante d’éléments sur lesquels s’arrêter. Le contact n’effraie pas ses chanteur-euse-s; ainsi, un ceinturage musclé des infirmières ou un baiser passionné des amants chevillent au corps les sentiments distillés par la musique. Louis Zaitoun impressionne tant par son timbre clair que par l’aisance de ses mouvements et la sincérité de ses expressions, graves et comiques. Car oui, on trouve aussi quelques traits d’humour dans cette mise en scène au sujet dramatique: la scène où Wolfango est mené à raconter son histoire au micro devant un public grignotant du pop-corn pourrait sembler cynique; elle nous est au contraire apparue touchante et prêtait à sourire, précisément grâce à l’expressivité du ténor et aux attitudes des choristes et des deux danseuses.

L’Ombra est ainsi à la fois une découverte pour les mélomanes et une porte d’entrée dans le monde lyrique pour les non-initiés, de par sa courte durée d’une heure, sa modernité et par la beauté de ses mélodies.

Une représentation reste à venir:

L’Ombra
Samedi 12 mars 2022 à 20h
Théâtre Bicubic, Romont
operatic.ch

Nostalgie des années folles

L’Ensemble Tiffany est une espèce rare qui compte une quinzaine de musicien∙ne∙s se rassemblant uniquement dans les alentours du 31 décembre, pour plusieurs traditionnels concerts du Nouvel An. Mercredi 5 janvier, l’Association des Concerts de Savigny avait créé un terrain propice à leur accueil et a ainsi permis au public de profiter d’un répertoire de musique des années folles.

Texte de Katia Meylan

Si depuis 25 ans, l’Ensemble Tiffany est particulièrement actif lors de la période du Nouvel An, ses membres, tous professionnels, n’hibernent pas les mois restants: on peut repérer notamment le violoniste François Gottraux au quatuor Sine Nomine, le violoncelliste Dan Sloutskovski parmi l’OCG, le tromboniste Ross Butcher dans l’ensemble Ad’libitum et le percussionniste Claude Meynent dans le Centre de Percussions de la Côte.

Leurs traditionnels Concerts du Nouvel An leur permettent de mettre leur technique au service d’un répertoire jazzy et rétro de l’après-guerre, et de présenter, chacun∙e à son tour, à sa façon et parfois dans sa langue, les œuvres du programme. Hier, le compositeur Kurt Weill et son “jazz symphonique” était à l’honneur, avec toute une série de titres de L’Opéra de quat’sous. Ces morceaux ont côtoyé durant la soirée d’autres grands tubes contemporains tels que In the Mood du Glenn Miller Orchestra, ou alors la plus tardive Valse n°2 de Chostakovitch, le tout dans des arrangements pour l’orchestre de salon que forment ces joyeux lurons.

Dans un orchestre de salon, on trouve un accordéon; à Savigny, il est placé au centre de la scène. On tend parfois l’oreille pour le distinguer parmi la belle homogénéité de l’ensemble. Denis Fedorov semble comme happé dans un rêve; on s’amuse à imaginer que les airs joués par l’ensemble sortent de la nostalgie de cet accordéoniste aux yeux fermés.

Chaque instrument a sa place, et l’on se balade de l’un à l’autre. Durant Foxtrot-Potpourri de Kurt Weill arrangé par Hartwig von Platen particulièrement, c’est un vrai plaisir d’assister à la conversation entre le saxophone, la flûte et la clarinette, qui laisse place à un court monologue de trompette, avant que nos oreilles se rivent sur le piano… pour finalement arriver aux dernières mesures, que les quatorze interprètes tendent comme un élastique jusqu’au coup percussif final.

Pour retrouver l’Ensemble Tiffany l’année prochaine: www.ensembletiffany.com

Pour connaître le programme de l’Association des Concerts de Savigny: www.concerts-savigny.ch

Voilà la vie parisienne

Voilà la Vie Parisienne

Les énergiques Raphaëlle Farman et Jacques Gay de la Comédie Lyrique sont de retour en ce moment à Genève, avec une création de leur crû, intitulée Voilà la Vie Parisienne, librement adaptée de l’opéra bouffe d’Offenbach (1866). Le livret, signé Raphaëlle Farman, est tissé autour d’airs lyriques et de chansons françaises familières à la troupe, qui en modifie les paroles aux besoins de sa trame humoristique.

Texte de Katia Meylan

Le décor est posé: un petit couvent, abritant cinq Sœurs et un Frère, décide de se transformer pour une nuit en maison des plaisirs afin d’entourlouper un riche baron, le faire dépenser son argent et ainsi éviter la ruine et la fermeture.

Si on dit que l’humour est personnel et que son sens varie d’une personne à l’autre… il est aussi sans aucun doute influencé par les fréquentations et par les discours qui nous nourrissent. Intéressée par les mouvances qui tendent à fluidifier plutôt qu’à exacerber les différences, je suis sceptique lorsque qu’un spectacle tire sur des ficelles genrées pour faire rire, mettant en scène hommes et femmes dans des rôles clichés bien définis. Si le rire passe en partie par la surprise, de voir un baron veuf à l’accent belge voulant s’en “fourrer jusque-là” de jeunes filles parisiennes, les reluquant, les consolant sur ses genoux, ne me surprend (malheureusement) pas plus que ça, ni de voir des filles se faire juger constamment sur leur beauté ou leur âge et toutes risquer de passer à la casserole contre leur gré.
(Un petit twist final dans les couples constitués a tout de même été inattendu, mais je ne vous le révélerai pas!)

Comme le chante le personnage du Frère dans une reprise en duo de Vous les femmes, travesti pour l’occasion et poursuivi par le baronJe comprends si bien les femmes qui balancent leur porc!“. Quelques clins d’œil de ce type rappellent que le tout est à prendre au second degré, et que ces personnages aux traits grossiers sont surtout là pour chanter, danser et faire rire d’eux.

Jacques Gay nous confie à la fin du spectacle: “tout aseptiser, tout aplatir, et il serait difficile de rigoler!”. Les opérettes ou les vaudevilles, jupes courtes, paillettes, perruques et léopard à l’appui, ont de tout temps joué sur ces clichés. La Comédie Lyrique reprend ces codes, et le public est réceptif, tant sur les blagues que sur les chansons qu’il lui arrive d’entonner en chœur. À la fin de la pièce, de façon sympathique et familiale, les artistes présentent les jeunes de leur troupe et discutent volontiers avec la salle.

C’est très personnel, mais je me dis que, couplé à cette bonne humeur et à ce talent, plutôt qu’une trame pastiche, on aimerait une fois voir une proposition plus actuelle!

 

Voilà la Vie Parisienne
Du 13 au 16 décembre à 20h
Salle Centrale Madeleine
www.comedielyrique.com/voila-la-vie-parisienne-2