Rolle

Polyphonies au Rosey

Le Rosey Concert Hall a vu juste en invitant la chanteuse Noa pour l’ouverture de sa sixième saison. Une telle expression de liberté, peu importe la langue dans laquelle elle est exprimée, la culture ou le siècle qui l’a inspirée, atteint toujours le public en plein cœur. Hier soir, suspendu devant l’artiste entourée de la Menuhin Academy, l’auditoire a fini par se lever pour applaudir et danser sur le dernier morceau.

Texte: Katia Meylan

Ce qui inspire Noa depuis ses neuf ans, lorsqu’elle composait et chantait pour les événements organisés dans son quartier d’enfance du Bronx, nous dit l’artiste elle-même, ce sont toutes les unanswered questions, ces questions de la vie qui restent en suspens. C’est cela qui l’inspire encore aujourd’hui, cela et l’amour qui l’entoure. Par le passé, sa grand-mère, dans le présent ses enfants, et hier, au Rosey Concert Hall, le talent des élèves de la Menuhin Academy, l’orchestre résident du Rosey.

La charismatique artiste s’adresse non seulement au public sans barrières, mais le fait d’une façon charmante et originale: en improvisation mélodique. Elle lui souhaite la bienvenue accompagnée à la guitare par Gil Dor (son premier professeur – ce qui lui fait rappeler aux élèves du Rosey, toutes et tous présent·e·s ce soir-là, qu’un bon professeur peut cheminer avec vous à vie!), puis elle présente sans attendre les musicien·ne·s qui l’entourent avant de commencer le concert.

Le projet “Letters to Bach”, imaginé en 2019 par Noa et Gil Dor, s’écrit comme trois histoires entrelacées.

Des chants en hébreu reçus de sa grand-mère, des paroles empruntées aux poétesses ou encore composées par l’artiste elle-même et harmonisées par le guitariste ouvrent le concert. Les mélodies nous emportent dans un ailleurs imaginé, alors que les messages, forts sont d’actualité, qu’ils abordent le droit de décider pour les femmes ou l’impossibilité d’avoir un enfant. Sa voix est parfois accompagnée uniquement par la guitare, parfois rejointe par l’orchestre.

Elle laisse également la place à la Menuhin Academy qui interprète, à plusieurs intervalles au cours du concert, les trois mouvements du Concerto pour deux violons de Bach dans sa version baroque.

Mais “Letters to Bach”, comme son nom l’indique, est enfin et avant tout le projet “fou et galvanisant” de chanter des paroles inspirées par ce grand compositeur, et de créer autour des  mélodies des arrangements pour voix et cordes. Noa relève dans l’œuvre de Bach la notion de polyphonie, le pouvoir de faire que des voix différentes trouvent toujours un moyen de sonner ensemble merveilleusement bien.
C’est ce que les artistes sur scène réalisent ce soir-là: faire sonner ensemble différents siècles, différentes cultures.

La liberté de Noa sur scène et dans sa créativité est totale, et sa joie de vivre contagieuse! À travers des paroles malicieuses et profondes, Bach nous faire rire, “Bach est rock’n’roll, mais s’il avait vécu aujourd’hui il aurait probablement aimé le jazz, “crazy and free” comme lui. Noa elle-même prouve qu’on peut exceller dans différents genres, quand ses improvisations blues font sourire et bouger les épaules des violonistes derrière elle, et se lever le balcon du Rosey Concert Hall!

Une ouverture de saison magique qui laisse espérer une suite qui le sera tout autant!

www.roseyconcerthall.ch

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Un spectacle drôle à Rolle

Un spectacle drôle, c’est ce à quoi j’ai assisté ce samedi 9 février dans la commune de Rolle. “Un spectacle drôle”, c’est aussi le titre du spectacle de Marina Rollman. Un intitulé qui est également une promesse en soi, ce n’est pas forcément rare en humour, mais un spectacle qui va au-delà de sa promesse, c’est plus rare. Et pourtant…

Texte: Yann Sanchez

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Je me rends au Casino Théâtre de Rolle en cette journée grisâtre et morose pour y retrouver un rayon de soleil susceptible de remettre un peu de chaleur dans mon cœur et dans ma tête. J’arrive sur place trente minutes avant l’heure annoncée sur mon invitation, au moment où la directrice artistique du lieu, Marie-Claire Mermoud, prend la parole. Debout sur sa chaise, devant les portes d’entrée de la salle, la patronne prend ses responsabilités et nous annonce que suite à un léger malentendu, l’artiste du soir sera en retard car elle pensait jouer à 20h alors qu’elle est officiellement annoncée pour 19h. On nous parle d’un quart d’heure de retard, rien de bien méchant.

Il est 19h13 quand Madame Mermoud nous annonce que l’humoriste est arrivée et soudainement Marina entre en scène! Comme quoi, une Suissesse, même en retard, reste très ponctuelle. Marina Rollman s’installe derrière le micro pour nous saluer et immédiatement s’excuser du retard. Oui, ponctualité et politesse, deux stéréotypes sur les Suisses qu’on peut définitivement admettre comme des vérités inhérentes à nos origines helvètes. Elle nous explique qu’elle était au restaurant en famille à Genève, qu’elle a dû sauter dans le premier taxi trouvé pour arriver ici à temps. Taxi qui aura servi de moyen de transport ainsi que de loge maquillage et coiffure. WonderRollman!

Photo: Charlotte Abramow.

Et puis, c’est parti pour un peu plus d’une heure de rires. Marina, moitié Marianne et moitié Heidi, nous parle de Genève qui l’a vue naître et de Paris qui la voit vivre actuellement. Fraîchement néo-Parisienne, elle est bien placée pour remarquer les différences entre les Français·es et les Suisses mais aussi pour examiner l’évolution d’une société qui use excessivement d’acronymes pour tout et n’importe quoi, l’opposition entre vegan et carnivore ou encore l’ouverture permanente de nouveaux concept stores en tout genre. Elle dépeint formidablement les nouveaux rapports entre hommes et femmes, le concept de mariage, les comportements sexuels des un·e·s et des autres influencés notamment par les magazines féminins et la pornographie. Marina évoque également des sujets plus lourds comme la folie, la dépression et les peines de cœurs destructrices, avec autant d’humour et d’élégance.

L’artiste de stand up, par définition, observe la société et ses travers, ses semblables et leurs comportements, elle scrute tout ce qui l’entoure en réalité afin de restituer ses impressions de la manière la plus drôle possible. Les meilleur·e·s dans le domaine le font avec brio. Marina Rollman est indéniablement de cette trempe. Elle est à l’image de son titre: rapide, concise, sobre, efficace et drôle évidemment. Elle ne gesticule pas dans tous les sens, elle n’occupe que l’espace au centre de la scène, elle n’a que le micro comme accessoire, pas d’artifice, et elle fait rire son public toutes les dix secondes environ. Elle est non seulement notre meilleure humoriste en Suisse romande à mon avis – avec Thomas Wiesel et Nathanaël Rochat sur le podium– mais je pense qu’elle est aussi l’une des meilleures de toute la francophonie.

Avec des apparitions dans le Burger Quiz d’Alain Chabat, dans la fameuse Boîte à Questions de Canal+ ou encore dans les médias hype du web, Konbini en tête, elle gagne encore plus en notoriété en 2019 et je ne serais pas étonné que sa carrière s’embellisse encore et perdure. Si je parlais tantôt d’un intitulé de spectacle trop modeste, c’est parce j’ai assisté à un spectacle drôle, intéressant et intelligent. En qualité de slogan sur son affiche, Marina savait sans doute que c’eût été perçu comme de la vanité. Comme quoi, une Parisienne, même une nouvelle, n’est pas forcément prétentieuse.

www.theatre-rolle.ch

Prochaines dates:

Bilboquet, Fribourg

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