Nomad, se lier pour survivre
Pour évoluer dans un univers hostile, il faut en connaitre les codes. Chaque mouvement, chaque regard compte, le lien que l’on tisse à l’autre peut être salvateur ou mener à sa perte. En septembre, la scène du Théâtre du Jorat deviendra le terrain de survie des nomades interprété·e·s par les danseurs et danseuses de la compagnie Eastman de Sidi Larbi Cherkaoui.
Texte de Katia Meylan
Photos: © Filip Van Roe
Fondateur de la compagnie Eastman en 2010, directeur artistique du Ballet du Grand Théâtre de Genève depuis 2022, le chorégraphe belge Sidi Larbi Cherkaoui a aussi bien travaillé sur des opéras à la Scala de Milan et des comédies musicales à Broadway que sur des clips de Beyoncé et des tournées de Madonna. La reconnaissance de son travail à l’international, les nombreux honneurs reçus – il est notamment titré Baron de Belgique en 2023 – font de lui une figure incontournable de la danse contemporaine. Ce qui semble le caractériser, c’est un attrait, une imprégnation de diverses cultures : marocaine par son père, flamande par sa mère, française par la langue qu’il parle, japonaise par sa fascination des mangas, américaine par les séries qu’il regarde à la télé, chinoise par le kung-fu des films et des moines Shaolin avec qui il travaille pour l’un de ses pièces. Dans un entretien de mars 2024 sur France Inter, il dit que plutôt que de « culture », il aime parler de « géographie » : de paysages qui évoquent des sonorités, de chants qui ramènent à des lieux. « J’aime emporter les gens d’une autre géographie dans ma géographie ».
En 2019, il crée le spectacle Nomad, aux paysages désertiques dans lesquels se débattent onze danseur∙euse∙s. La musique qui fait écho à ces paysages, c’est la voix en live du chanteur Kaspy N’dia, des mélodies de Turquie, de Jordanie, du Maroc et du Japon, des titres de Woodkid, des compositions de Felix Buxton – un artiste avec qui le chorégraphe travaille régulièrement –, et aussi… des compositions du chorégraphe lui-même, au piano. « Je ne suis pas pianiste mais j’aime essayer de trouver le mouvement sur différents instruments. Il y a des sonorités qui sortent de ces mouvements et soudain, ça devient presque de la musique », dit-il dans ce même entretien.
© Filip Van Roe
Nomad a subjugué et subjugue toujours, et sa tournée se poursuit encore aujourd’hui à l’international. Dans cette pièce, les corps sont fluides, organiques. Scorpions, femmes et hommes, tissus, sable, en âmes du désert animées et inanimées, évoluent dans des conditions intenses à la fois belles et terribles. Les éléments se déchainent et rien ne leur est épargné. Le désert représente à la fois la liberté infinie et l’impossibilité d’y évoluer sans en comprendre les codes.
Ainsi, dans cet éloge de la communauté, la clé de survie est l’élasticité des liens qui unissent les entités : la symbiose, le mimétisme, la solidarité, la confiance, la méfiance, le rapprochement et l’éloignement. La prise de conscience de notre lien plus large avec la terre qui nous porte, aussi. « Le spectacle est un appel au secours. Il demande ‘Est-ce qu’on veut vraiment aller jusque-là ?’ »
© Filip Van Roe
Nomad
Les 19 et 20 septembre 2024 à 20h
Théâtre du Jorat, Mézières
www.theatredujorat.ch
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