Zofia Kiniorska

79e Concours de Genève – Un chemin plus qu’un but

À quelques semaines de la 79e édition du Concours de Genève, les jeunes altistes et chef∙fe∙s d’orchestre se préparent aux différentes épreuves qui les attendent. Récital solo, projet artistique personnel, musique contemporaine, concertos, symphonies : du 31 octobre au 12 novembre, chacun∙e aura l’occasion d’exprimer librement l’étendue de son talent. Mais le Concours est plus qu’un concours.

Texte, propos recueillis et traduction : Katia Meylan

Concours exponentiel

Aujourd’hui, l’aspect purement compétitif du Concours de Genève n’est « que la pointe de l’iceberg », affirmait son président Matteo Inaudi lors de la conférence de presse de l’événement. Le monde a bien changé depuis 1939 et, en 79 éditions, le Concours a changé avec lui, intégrant à son activité de nombreux partenariats et accompagnements dont bénéficient les lauréat∙e∙s. L’encadrement se fait à divers niveaux, de la gestion du planning aux photos de presse en passant par le networking et l’aide à l’élaboration de projets personnels. Les chanteur∙euse∙s et les instrumentistes se font engager auprès de grands orchestres suisses, tout comme les compositeur∙ice∙s se voient passer des commandes d’œuvres. Les éditions successives sont pensées de sorte à se mettre en valeur mutuellement. Un exemple parmi tant d’autres : les candidat∙e∙s au Concours d’Alto cette année joueront la pièce Nouvel Élan de Léo Albisetti, lauréat du Concours de Composition 2024

(L’Agenda avait rencontré Léo Albisetti!  lire l’article)

78e Concours de Genève, 2024, Finale de Composition
© Anne-Laure Lechat

Direction d’orchestre – la saga

Rareté parmi les disciplines, le Concours de Direction d’Orchestre n’avait pas été organisé depuis 1994. Nécessitant une logistique conséquente, notamment une grande disponibilité des orchestres genevois, il sera organisé sur deux saisons, « telle une série Netflix, pour plus de suspense », sourit Didier Schnorhk, secrétaire général du Concours. Les deux premiers tours auront lieu cette année, alors que les demi-finales et la finale auront lieu en 2026.

Parmi les 24 candidat∙e∙s retenu∙e∙s, on reconnait un visage familier : la Polonaise Zofia Kiniorska, cheffe assistante en résidence à l’OSR pour les saisons 2024-25 et 2025-26. Nous l’avons rencontrée au Amaro Café à Genève, quelques semaines avant le début du Concours.

Zofia Kiniorska lors de notre rencontre au Amaro Café
10 cctobre 2025

Les débuts

Un peu nerveuse, Zofia Kiniorska nous dit être surtout excitée à l’approche du Concours, et l’on devine l’expérience derrière son jeune âge. La direction, elle la pratique depuis ses 14 ans, alors qu’elle avait été désignée un peu spontanément pour diriger sa chorale d’église. Au moment de commencer les études universitaires, cette pianiste de formation pensait s’inscrire en direction de chœur, avant d’être happée irrésistiblement par l’orchestre. Depuis l’obtention de son Master en 2021, elle a eu l’opportunité de travailler avec de nombreux ensembles – dont le Sinfonia Varsovia, le Philharmonique de Varsovie, l’Orchestre symphonique national de la radio polonaise ou encore l’OSR – et de se distinguer lors de plusieurs concours internationaux.

Concours, un ressenti ambivalent

Même si elle sait qu’ils sont une étape indispensable pour progresser et se faire connaitre dans le domaine, Zofia confie avoir un ressenti ambivalent vis­-à-vis des concours. « Le plus grand défi est de présenter son travail pendant ces vingt, trente, quarante minutes où l’on est jugé. Dans un coin de la tête, il y a cette légère obsession de devoir absolument tout donner, montrer qui l’on est et tout ce qu’on sait faire de mieux dans ce cours laps de temps. Je veux dire… je fais toujours de mon mieux ! Mais avec la pression en plus, ce n’est pas forcément facile. Aussi, le temps donné est très court et contrairement à d’habitude où on a plusieurs répétitions avec un orchestre, on peut relire l’œuvre, y repenser, peaufiner quelques détails, là on n’a pas ce temps. À chaque étape, on passe déjà à autre chose. D’un autre côté, c’est un bon exercice, ça demande beaucoup de concentration pour arriver à ce qu’on veut en une courte période de temps. C’est une expérience formatrice ».

Le chemin plus que le but

Lors des différents tours du Concours de Direction (hormis la finale), les candidat∙e∙s seront jugé∙e∙s non pas sur un concert, mais sur des répétitions. Président du jury, Bertrand de Billy affirme que c’est là qu’on témoigne – ou non – de l’aura d’un∙e chef. « Je pense toujours à la rentrée des classes, quand on avait un nouveau professeur ; on savait tout de suite si on l’aimerait ou pas. Peu importe le niveau de l’orchestre, le plus important c’est la communication, le lien, l’empathie, et l’influence que la personne développera sur le groupe ». Zofia voit les choses de la même façon : « Le résultat est important bien sûr, mais le processus est encore plus intéressant ».

Expérimentée, elle a déjà joué en public plusieurs des pièces parmi les pièces au programme des premiers tours. « Je sais à quoi j’ai envie d’arriver avec chacun des extraits, mais je sais aussi qu’il faudra être très flexible. Je ne connais pas les musiciens avec qui je jouerai. Je suis en train de préparer des idées, je crée une image dans ma tête, mais il se pourrait qu’elles ne soient pas compatibles avec l’orchestre. C’est notre job : il faut trouver une balance entre ce qu’on veut faire et les émotions, l’ambiance qui se présentent le jour-même ».

Lorsqu’on lui demande si elle préférerait tirer au sort une pièce qu’elle connait bien ou une pièce qu’elle n’a jamais jouée, la jeune cheffe démontre un brin de superstition : « Ca me rassure que ce soit tiré au sort et que ça ne relève de ma responsabilité, parce que justement, je ne saurais pas dire quel serait le meilleur choix. Là, je ferai au mieux avec ce que le sort me réserve ! » sourit-elle.

Tchaïkovski et Stravinski, des amis retrouvés

Le 31 octobre, Zofia nous confie espérer passer le premier tour, au-delà de l’aspect compétitif : « J’aimerais vraiment pouvoir me présenter au 2e tour car je me réjouis beaucoup de jouer les pièces proposées. J’aime Beethoven et Schubert bien sûr, mais je trouve que c’est plus difficile de jouer des pièces du répertoire classique – il existe déjà certaines normes et tellement de belles interprétations. Alors que la Sérénade de Tchaïkovski et les Danses concertantes de Stravinski sont des œuvres magnifiques, et la pièce de Stravinski est rarement jouée. C’est vraiment mon genre de musique. En fait, en Pologne, depuis que la guerre a commencé, la plupart des grandes institutions ne jouent plus du tout de musique Russe. Quand je suis arrivée ici, j’étais tellement contente de les réentendre! »

Krótki Questionnaire of Proust de Zofia Kiniorska

Katia : Quel est l’endroit le plus inattendu où tu répètes ?
Zofia :
Maintenant, j’ai besoin de calme pour travailler, mais quand j’étudiais à l’université, j’avais tellement de matières différentes que pour optimiser le temps, je révisais n’importe où, même dans le métro. J’étais focalisée, je ne faisais pas attention aux gens autour. Probablement que certains ont dû se demander ce que je faisais…

Qu’as-tu écouté en venant à notre rendez-vous ?
Rien. Écouter de la musique me demande beaucoup de concentration, alors si j’écoute quelque chose sur mes trajets, ce sont plutôt des podcasts.

Quel mot ou expression ou français trouves-tu musical ?
Oh my god ! Le français est une langue tellement musicale en soi ! Je prends des leçons privées en ce moment. Avec ma prof, on parle beaucoup de la mélodie des phrases, des accents,… Au début, j’ai eu du mal avec le fait que certaines lettres ne se prononcent pas, mais j’aime beaucoup, je trouve ça très doux.

Quels « vers d’oreille » t’empêchent de dormir ?
Malheureusement, pas mal de mauvaises chansons pop polonaises ! (rire). Une fois que c’est coincé dans la tête, c’est horrible, ça ne sort pas. Mais ça m’arrive aussi avec Eine kleine de Mozart.

79e Concours de Genève
Alto & Direction d’orchestre *1
Du 31 octobre au 12 novembre 2025
École de Musique, Conservatoire et Victoria Hall, Genève
www.concoursgeneve.ch

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