Bloc Central

La prison, miroir de notre société

Festival de Film Santé Mentale et Prison

Du 4 au 7 avril 2025 au Casino de Montbenon à Lausanne aura lieu le festival de Film Santé Mentale et Prison, qui porte deux thématiques sensibles sur la place publique afin de dépasser les schémas réducteurs et ouvrir des chemins vers le vivre ensemble. Au programme de ces quatre jours : 9 films (documentaires et fictions), 4 débats et 4 dialogues croisés avec des personnalités romandes et des expert·e·s de vécu.

Tout le programme sur:
www.association.graap.ch/festival-graap/ 

Nous avions eu l’occasion de voir Bloc central, l’un des films au programme, en présence du réalisateur Michel Finazzi devant une salle comble au Cinéma Bellevaux, à sa sortie en 2018. L’Agenda avait publié un article au sujet de ce long métrage de fiction, qui rend compte de la vie quotidienne d’une prison lausannoise.

Texte: Katia Meylan
Article paru dans L’Agenda N°73 Mai/Juin 2018

Il aura fallu quatre ans de travail à Michel Finazzi pour compléter le tournage et la post-production de Bloc central, sans compter un long processus de documentation en amont: seize ans de carrière en tant que responsable d’un atelier vidéo à la prison du Bois-Mermet à Lausanne. Durant cette période, le réalisateur devient familier du fonctionnement de l’institution, côtoyant résidents, gardien·ne·s et éducateur·trice·s. Il récolte des anecdotes, des morceaux de vies qui le marquent. Il est témoin des aberrations du système, de la vision erronée de la prison que peuvent avoir les gens de l’extérieur. Il entrevoit alors la possibilité, la nécessité même, de faire un film.

Pour des questions juridiques, conscient qu’il n’aura le droit de faire apparaître à l’image ni détenus ni gardien·ne·s, il prend le parti de la fiction. Il pose d’abord sur papier sa matière première, puis lance des auditions pour réunir les 57 comédien·ne·s de Bloc central, professionnel·le·s ou amateur·trice·s.

Par souci de réalisme, Michel Finazzi tient à filmer sur les lieux mêmes de l’action. Pour des raisons pratiques vis-à-vis de l’institution, un décor de cellule doit être construit, mais afin de faire ressentir au plus près les conditions carcérales, le réalisateur tient à ce qu’il ait la taille d’une cellule réelle, avec quatre murs, manquant uniquement une parcelle de plafond. Grâce à ce « trucage », on observe d’ailleurs dans un plan un mouvement de caméra s’élevant en plongée, qui rend paradoxalement encore plus fort le sentiment d’enfermement. Au langage cinématographique s’ajoutent l’accent vaudois de certains comédiens et l’authenticité du rythme. La prise de conscience, en tant que spectateur·ice, est saisissante: on est témoin de situations qui se vivent aujourd’hui, dans notre société, au quotidien.

Si les premières minutes de Bloc central ont une forme documentaire – peu de dialogues, plans descriptifs des lieux et des procédés lors d’une nouvelle arrivée en prison – la trame narrative devient plus importante au fil des scènes. Pascal Bonamy (Sandro De Feo), un cadre sans histoires ou presque, est inculpé pour tentative de meurtre. Il partage la cellule de Célestin N’Samba (Miguel Blanc), incarcéré à tort pour une histoire de diamants congolais. De l’autre côté des portes, Daniel Ruchat (Vincent Rime) en est à ses premiers cent pas en tant que gardien, et s’intègre parmi ses collègues, animatrices et autres professeurs de sport ou de français du Bois-Mermet.

L’un des thèmes clés qu’aborde le film est la mauvaise compréhension de la prison par le monde extérieur. Si les détenus peuvent faire de la gym, regarder la TV ou se rendre à un cours de langue – épisodiquement – ce n’est pas pour autant « qu’ils sont au Club Med! ». Cette idée reçue, Michel Finazzi l’a entendue bien des fois et souhaite faire passer au public une vérité toute autre.

En terminant son film par une scène au café Lausanne-Moudon, dans laquelle les personnages vivent une autre vie, hors des
murs de la prison, le réalisateur fait passer l’idée que ce lieu est un miroir de notre société. « Je ne donne pas de conseils, j’essaie d’avoir un regard juste, en tant que documentariste », dit Michel Finazzi, alors que Bloc central joue, aujourd’hui encore, son rôle de vecteur, et ouvre des conversations sur les systèmes mis en place par nos sociétés…

www.michelfinazzi.com

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