Article paru dans L’Agenda papier

Elizabeth Sombart

Elizabeth Sombart – La musique classique devient la musique du cœur

La célèbre pianiste internationale vient de sortir en mai de cette année un album de quatre concertos pour piano n° 20, 21, 23 et 27 de Mozart, saisissants de simplicité et de lumière, avec le Royal Philharmonic Orchestra. L’occasion de découvrir les multiples facettes de cette artiste holistique qui sait toucher nos âmes.

Pour lire le portrait d’Elizabeth Sombart dans L’Agenda, rendez-vous dans le numéro 104!


Par Myriam Vijaya de l’Agence Marketing SamoSamo

Pour aller plus loin, découvrons Elizabeth Sombart sous deux formes. L’une est digitale avec ses Masterclasses qu’il est possible de retrouver sur son site dédié. L’autre est littéraire avec des extraits exclusifs d’un de ses livres. Belles découvertes à toutes et à tous!

2. Extraits du livre Introduction à la Pédagogie Résonnance

« Un chemin de vie. Dès le début de ce synopsis, j’ai souhaité préciser que la Pédagogie Résonnance n’est pas seulement une pure et simple restitution de l’enseignement reçu de ces deux maîtres [ndlr: Hilde Langer-Rühl et Sergiu Celibidache], en particulier celui de Sergiu Celibidache. En effet, le sous-titre donné à ce texte – Un chemin de vie – traduit la manière dont j’ai essayé, en conscience et avec cœur, d’approfondir l’héritage reçu de ces maîtres, tout en assumant un chemin spirituel qui allait m’ouvrir à un autre vécu de l’expérience musicale, distinct de celui dont parlait Sergiu Celibidache. »

« La musique en soi n’existe pas. Le son est une valeur fondatrice de la vie: l’univers est un cosmos musical et les hommes qui en font partie, comme l’explique Alfred Tomatis, sont des « sons emplis d’humanité ». C’est pourquoi il n’est pas possible de considérer ce que nous savons de la réalité du son sans envisager, parallèlement, ce que nous savons de l’homme qui est un être musical. Il n’y a pas de musique sans l’être humain […..]. La phénoménologie de la musique montre que l’expérience musicale n’est ni externe ni interne, mais globale […..]. En d’autres termes, si l’expérience musicale n’est ni “interne” ni “externe”, mais globale, elle constitue une rencontre de l’intérieur et de l’extérieur, de ce qui vient de moi et de ce qui ne vient pas de moi […..]. Et cette rencontre n’est pas définie par les éléments qui se rencontrent, comme une résultante, mais est au contraire principe, origine. »

Epidermique

Ressac fantastique

Happé par le courant des plans d’Épidermique, on ne peut s’échapper à temps et l’on se retrouve ferré à une séquence choc, avant d’être finalement relâché dans la vaste mer des questions sociétales de genre.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

2015, Hollywood. Océane Wannaz présente, à la finale du 48H Film Project, son court-métrage réalisé à Lausanne avec l’association universitaire FilmOns!. Dans l’avion qui la ramène à sa réalité d’étudiante, elle décide que cette famille internationale de passionné∙e∙s du cinéma serait la sienne.

Plusieurs belles expériences associatives plus tard et un certain métier acquis lors de mandats d’assistante ou de responsable figuration – sur des tournages d’Ursula Meier et Lionel Baier, notamment –, la jeune femme réfléchit à mener ses propres projets professionnels. Sa rencontre avec Éric Bouduban, co-fondateur d’Imajack, sera un déclencheur. Il devient non seulement un producteur, mais aussi un ami et un équipier aux valeurs communes auprès de qui la justification, superflue, laisse champ libre au challenge mutuel. En 2019, Éric repère un appel à projets pour l’écriture d’une web-série lancé par le Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) et la RTS. Il place sa confiance en Océane, qui s’attèle à poser sur papier ce qui sera, finalement, une base pour son premier projet en tant que réalisatrice: Épidermique. En effet, le script ne s’est pas sélectionné, mais un producteur de la RTS y voit un potentiel pour un court-métrage. Après de nombreux mois de réécriture, suivant les conseils reçus en chemin, Océane et Imajack convainquent Cinéforom, l’Office Fédéral de la Culture et la RTS de monter dans le bateau et de leur confier les fonds nécessaires à la production de ce film fantastique. “J’ai de la chance de créer maintenant, car je sens qu’il y a une envie d’encourager les jeunes femmes à se faire leur place dans le milieu artistique”, constate Océane.

Océane Wannaz

Océane Wannaz sur le tournage d’Épidermique.n
Haut de page: La comédienne Marion Reymond sur le tournage d’Épidermique.
Photos: Alexia Linn

En effet, si quelque chose est mâché dans Épidermique, c’est un peu de chair fraîche, mais surtout ni les mots ni les images qui dénoncent une société insinuant qu’une femme ne peut se réaliser sans en dévorer une autre. De formation académique, Océane Wannaz doit son inspiration en partie à son mémoire, consacré à la femme cannibale dans le cinéma contemporain. “Je pars de la théorie puis laisse la créativité déborder. Pour pouvoir écrire, je dois sentir une nécessité sociologique à ma démarche”. C’est donc en compulsant les analyses sur le sujet et en se rendant compte que le thème était presque toujours abordé sous l’angle homme/femme que lui vient son scénario. Puis, avec la complicité de Fanny Reynaud à l’image, elle forme le langage poétique du film, ses couleurs et ses reflets sensoriels, ses images qui s’approchent et s’éloignent comme un ressac nauséeux.

Après un passage aux Journées de Soleure et aux Internationale Kurzfilmtage Winterthur en fin d’année dernière, Épidermique sera projeté dans la sélection Swiss Shorts au NIFFF.

Plus d’informations sur: imajack.ch

Pour Océane, le NIFFF c’est…
– La genèse d’Épidermique.
– La découverte de Grave, de Julia Ducournau.
– Une énergie particulière, un espace d’inspiration et d’exploration pour la famille du cinéma.
nifff.ch

Festival de la Cité

La Cité bousculée, chantée et dansée

La Cité, juillet 2023. Les dédales de rues, escaliers et esplanades de la Vieille Ville de Lausanne résonneront sous les pas de danse, les notes de musique et les applaudissements du public. Le Festival de la Cité déploie sa 51e édition du 4 au 9 juillet, avec un programme riche en spectacles atypiques et en performances surprenantes… de quoi offrir aux estivalier∙ère∙s un début d’été inoubliable!

Texte et propos recueillis par Jeanne Möschler

De l’énergie de la préparation au plaisir de la contemplation

Joyeuse et colorée, l’affiche annonce l’ambiance qui teindra le festival: des formes d’arts diverses et inattendues offerte à un public très varié, gratuitement. À un mois du festival, le rythme s’accélérait pour l’équipe chargée de l’organisation de cet événement annuel, fermement ancré dans le paysage culturel lausannois. “C’est beaucoup d’excitation, on est en train de finir la programmation dont on est très fiers”, raconte Martine Chalverat, nouvelle directrice à la tête du festival pour la genèse de cette nouvelle décennie qui s’annonce, “le bureau est une vraie fourmilière, c’est très enthousiasmant”. Cette année, le public aura la chance de se promener entre 112 propositions artistiques, qui s’inscrivent dans deux promesses que tient l’événement: la variété et la gratuité. “On revendique la pluralité des arts, et beaucoup de spectacles se trouvent à la frontière, il y a des danseurs et danseuses qui chantent et des chanteuses chanteurs qui dansent”, explique la directrice. “Pour imaginer la programmation, on voit énormément de spectacle et concerts – tout comme un nombre croissant de programmateurs et programmatrices sont au rendez-vous au festival, de plus en plus reconnu à l’étranger – et des compagnies viennent à présent d’elles-mêmes présenter leurs projets”, explique-t-elle. Des projets parfois déjà existants, parfois créés pour le festival, mais qui prendront dans tous les cas vie sous une forme inédite.

Martine Chevalerat

Martine Chalverat. Photo © Nikita Thévoz

Le chant du pont et les paroles de la piscine

Voilà l’une des singularités du Festival de la Cité: faire bouger des lieux dans lesquels on passe normalement sans s’arrêter. “Ce qui m’anime dans le milieu culturel”, confie la jeune directrice, “c’est la rencontre entre les projets artistiques et le public. On a un cadre magnifique, et c’est essentiel de trouver les bons lieux pour les bonnes formes d’arts”. La diversité des lieux et, parfois, leurs contraintes ouvrent à diverses possibilités artistiques: “la place St-Maur est un espace confiné, c’est un cadre plus intime, alors que la place du château est un grand plateau, elle ouvre donc à de plus grands projets.” Sur la première, le public pourra plonger dans l’ambiance des vacances à la mer… ou à la piscine. Basé∙e∙s avec leur parasol et machine à écrire au bord du bassin des piscines de quartier, des écrivain∙e∙s du collectif Caractères mobiles récolteront les récits des baigneurs et baigneuses sous forme de carte postale et liront ensuit leurs textes à la Place St-Maur. Pour donner forme à la réflexion du festival sur l’architecture des lieux, le collectif lausannois La-Clique, carte blanche en poche, a jeté son dévolu sur le Pont Bessières et des étudiant∙e∙s en architecture de toute la Suisse. De nombreux workshops interdisciplinaires entre mars et juillet ont permis de repenser une scénographie de ce fameux pont, comme lieu de concerts, de rencontres et de partage. Deux autres événements à ne pas manquer: dans le quartier des Faverges, le duo Joëlle et Vincent Fontannaz emmènera les spectateur∙ice∙s redécouvrir les lieux à la hauteur d’un enfant, en mêlant leurs souvenirs aux vies des habitant∙e∙s actuel∙le∙s du quartier. Dans la cathédrale, la chorale lausannoise Hot Bodies, queer et féministe, fera résonner ses chants, composés à partir d’idées qui ont émergé lors de lectures collectives dans des ateliers d’écriture féministe.

Festival de la cité

Dans ton Cirque, Festival de la Cité 2022. Photo © Nikita Thevoz

Festival de la cité

Festival de la Cité, édition 2022. Photo © Nikita Thevoz

Ainsi, des créations d’ici et d’ailleurs se déploieront: “On souhaite aussi faire la part belle à la création suisse qui est foisonnante”, témoigne Martine Chalverat. Dans Hark! Luísa Saraiva, du Portugal, et Senem Ogultekin, d’Allemagne, interprètent la musique de Purcell… et même plus que ça, elles la montrent. Donnant corps à la musique baroque à travers leurs gestes, elles explorent la relation entre son, visuel et mouvement. Autre spectacle qui promet d’être mouvementé, c’est Impact d’une course, qui mêle cirque, parkour, escalade pyschobloc, danse contemporaine, toy music et afro-beat psychaedelic. Le collectif franco-suisse La Horde dans les pavés va justement quitter le sol pour arpenter des lieux en hauteur et leur donner une fonction inédite.

“Au final, les 112 propositions artistiques illustrent toutes très bien ce qu’est le festival car on revendique la pluralité des pratiques artistiques”, se réjouit Martine Chalverat.

Un dernier mot de la part de la jeune directrice? “Venez, soyez curieux, laissezvous surprendre… osez!”

Festival de la Cité
Du 4 au 9 juillet 2023
Vieille Ville de Lausanne

2023.festivalcite.ch

Julie Conti

La culture du spectacle et du terroir fait bon ménage

Depuis 2021, Vignes&Culture a su convaincre le public romand. Tout a commencé avec Aurélie Candaux et son envie de créer un événement qui permette un échange positif avec le public, pendant la pandémie de COVID-19, au niveau de la culture artistique et du terroir. Succès dès la première édition avec une cinquantaine de dates dans des caveaux romands somptueux, jusqu’à la consécration en début d’année avec le prix Best Wine Tourism. Fort de son succès, Vignes&Culture est de retour cette année avec un panel aussi bien musical qu’humoristique. Parmi les artistes, Julie Conti, standupeuse genevoise en pleine ascension. À cette occasion, nous sommes revenus sur son parcours et son humour ouvertement féministe et décomplexé.

Texte et propos recueillis par Steve Weisshaupt

Entre un travail à 80%, jusqu’à deux spectacles par semaine et ses enfants, cette superwoman ne mâche pas ses mots. Elle dit ce que les choses sont, telles quelles, sans filtres. Sur une terrasse du quartier des Grottes à Genève, elle raconte comment, depuis un stage d’humour au Caustic Comedy Club à Carouge, son hobby est devenu partie intégrante de sa carrière.

“C’était en 2019, j’ai juste fait deux jours de stage et les organisatrices du Caustic m’ont proposé de venir faire un plateau féminin qui s’appelait à l’époque Drôles de Meufs – c’est devenu depuis Standupeuses – et du coup, ça m’avait plu.” Une pause Covid plus tard, elle est repérée par le Montreux Comedy Festival. “Pas forcément une consécration, mais plutôt une sorte de certification à ajouter à son CV” dit-elle modestement.

Elle ne se veut pas donneuse de leçon. Julie Conti pense son humour empreint de discours féministes par le prisme des codes de la masculinité pour évoquer les regards sur les stéréotypes de genre ou la place de la femme dans l’humour, mais aussi dans la société en tant que mère et femme en couple. Un humour brut et honnête qu’elle sait désamorcer en finesse en fonction de son public. “J’ai une blague qui raconte comment au Moyen-Âge, on castrait les hommes avec des briques. Il y avait un petit bout de huit ans tout seul devant, les parents assis au fond. Et puis je lui dis: tu veux que papa, il en fasse une de vasectomie?”.

Vignes&Culture

Photo: Vignes&Culture au domaine Saint-Sébaste. ©Vanessa Giardini
Photo de haut de page: Julie Conti. ©András Barta

La troisième édition de Vignes&Culture accueillera dès juin les amateur·ice·s de vin et de spectacles humoristiques, avec une dizaine d’artistes dans une vingtaine de domaines à travers toute la Romandie. Quant à Julie Conti, elle sera présente pour la première fois cette année pour deux spectacles, le 6 juillet au domaine des Balises à Bevaix sur le littoral neuchâtelois et le 7 juillet au domaine Bovy à Chexbres.

Toutes les informations sur: vignesetculture.ch

AU RYTHME DES TOUCHES

Alors que les mélodies du Concours de Genève ont résonné dans la cité de Calvin pour la première fois en 1939, cette rencontre musicale internationale ouvre les portes de sa 76e édition. La pandémie ayant bousculé l’agenda de la succession des disciplines, la composition et le piano ont finalement été élus pour 2022. Les étapes de sélection se sont déroulées au courant de l’année pour aboutir à une série d’événements en automne. Si la finale du Concours de composition aura lieu le 26 octobre, les pianistes s’affronteront pour la dernière étape le 3 novembre au Victoria Hall, accompagné·e·s de l’Orchestre de la Suisse Romande, dirigé par Maržena Diakun.

Texte et propos recueillis par Eugénie Rousak

La dernière édition du Concours de piano s’est déroulée en 2018, cette discipline a donc tout naturellement été planifiée pour cette année, gardant le rythme des quatre ans d’intervalle. Au total, plus de 180 candidat·e·s de moins de 30 ans ont envoyé leur candidature, représentant 28 pays. Quarante musicien·ne·s ont ensuite été sélectionné·e·s par le jury présidé par la pianiste Janina Fialkowska. Les membres s’étaient réunis durant quatre jours au Théâtre Les Salons pour visionner l’ensemble des vidéos et faire leur choix. Finalement, au mois de septembre, au terme du récital en ligne, neuf demi-finalistes âgé·e·s de 16 à 28 ans, Jae Sung Bae (Corée), Sergey Belyavsky (Russie), Kevin Chen (Canada), Kaoruko Igarashi (Japon), Miyu Shindo (Japon), Zijian Wei (Chine), Yonggi Woo (Corée), Adria Ye (Etats-Unis) et Vsevolod Zavidov (Russie), ont été désigné·e·s pour s’affronter à Genève au mois d’octobre. Ce format hybride a été utilisé pour la deuxième fois pour le Concours. “Bien entendu, il est toujours possible de regretter les auditions en direct, mais les enregistrements permettent de revenir en arrière et de réécouter. Par cette décision nous voulions surtout nous adapter au nouveau monde numérique d’après la pandémie. Continuer avec le récital en ligne est notre façon de pousser les jeunes musiciennes et musiciens à maîtriser de mieux en mieux les outils qu’ils vont devoir utiliser durant toute leur future carrière. Nous leur avons donné des instructions assez précises et une aide financière, mais ils devaient trouver une bonne salle avec un piano et s’entourer d’une équipe de professionnels du son pour avoir cette expérience d’enregistrement de récital professionnel de 45 minutes” explique Didier Schnorhk, secrétaire général du Concours. Le nouveau format permet également à plus d’artistes, notamment de l’Asie, de participer sans faire le déplacement.

Théo Fouchenneret, 1er Prix ex aequo 2018 ©Anne-Laure Lechat

Personnalité artistique au programme

Ouverte au public, la Demi-Finale se compose de trois étapes. Les deux premières épreuves sont assez traditionnelles avec un récital solo d’une soixantaine de minutes et une épreuve de musique de chambre d’une demi-heure. “Nous laissons carte-blanche aux candidats, le répertoire pour piano étant très riche. L’idée est de les inciter à faire preuve d’originalité en proposant un programme qui leur correspond, qui a un sens pour eux. Pour la partie de musique de chambre, le jury regarde également comment ils interagissent avec des musiciens et chanteurs inconnus qui ont leur propre vision des œuvres. Est-ce que le jeune se contente d’accompagner ou essaye d’appuyer sa position, situation qui débouchera sur une sorte de conflit ou au contraire une osmose en deux répétitions? C’est un exercice très particulier qui nécessite une grande capacité d’adaptation et une bonne qualité de l’oreille pour s’aligner, mais qui finalement sera demandé tout au long de la carrière professionnelle” détaille Didier Schnorhk.

La dernière partie est celle d’un projet personnel, grande nouveauté de cette année. Cette innovation est venue du constat qu’à la suite de la pandémie, les organisateur·trice·s de concerts donnaient surtout la priorité aux artistes établi·e·s, mais étaient prêt∙e∙s à ouvrir leurs portes aux jeunes avec un projet original et personnel. La commission artistique du Concours a donc décidé de concrétiser cette réalité par une épreuve artistique. L’objectif est de donner l’occasion aux musicien·ne·s de réfléchir à un projet, qui peut prendre n’importe quelle forme, allant d’un concert thématique à un spectacle complexe mélangeant différents arts. “Si le lauréat est vraiment motivé par son projet, indépendamment du résultat, nous allons l’aider à trouver des financements. D’ailleurs, pour les trois finalistes, nous organisons également une série d’ateliers de formation professionnelle pour discuter de la gestion de leur carrière, relations avec la presse, promotion, etc., ce qui est assez inédit pour un Concours” précise le secrétaire général.

Jury de l’année

Choisi par la commission artistique, le jury se compose personnalités diverses. Spécialisée dans le piano classique et présidente de cette année, la canadienne Janina Fialkowska travaille dans le monde des auditions depuis près de 50 ans. À ses côtés, six membres du jury. Également assez classique dans son approche, l’autrichien Till Fellner a gagné le Concours Clara Haskil à Vevey, pour aujourd’hui concilier l’enseignement et une carrière musicale. Très connu sur la scène espagnole, Josu de Solaun est une personnalité totalement atypique, qui improvise, compose et écrit de la poésie. Le Suisse Gilles Vonsattel est un ancien lauréat du Concours de Genève, qui aujourd’hui fait notamment de la musique contemporaine. Originaire du Japon, Momo Kodama se produit avec les plus grands orchestres aussi bien en Asie, qu’en Europe et aux États-Unis. Issue de l’école russe et arménienne, Marianna Shirinyan travaille régulièrement dans les pays nordiques, où elle est notamment directrice artistique d’un festival de musique. Professeur à Paris, Florent Boffard est pianiste contemporain, très ouvert à des nouvelles expériences.

Ensemble, ils détermineront le gagnant de la 76e édition du Concours de Genève le 3 novembre prochain au Victoria Hall.

Dmitry Shishkin, 1er Prix ex aequo 2018 ©Anne-Laure Lechat

Calendrier à venir du Concours de Genève

Portrait des finalistes
23 octobre à 17h, Conservatoire de Genève
Finale de composition
26 octobre à 19h, Conservatoire de Genève
Demi-finale de piano – récital solo
27 et 28 octobre dès 14h30, Conservatoire de Genève
Demi-finale de piano – musique de chambre
29 et 30 octobre dès 14h30, Conservatoire de Genève
Masterclass publique par Janina Fialkowska
31 octobre et 1er novembre à 14h et 16h, Bâtiment Duffour (HEM)
Finale de piano
3 novembre à 19h, Victoria Hall
Concert des lauréats
5 novembre 2022 à 18h30, Conservatoire de Genève
Récital des lauréats
6 novembre à 17h30, Temple de Jussy

Photo de haut de page : Chloe Ji-Yeong Mun, 1er Prix 2014 ©Anne-Laure Lechat

Joël Maillard, les trucs qui lui font peur et les choses dont il a marre

Après s’être frotté au théâtre à travers ses propres textes et mises en scène pendant de nombreuses années, Joël Maillard se lance dans le stand-up. Il ne sait pas comment faire, mais il est en quête perpétuelle de dilettantisme. Résilience mon cul, c’est l’artiste lui-même, face à nous, qui nous parle de ses peurs et ses doutes quant à la capacité de résilience d’une société qui fonce droit dans le mur. Des blagues, il y en a, mais pas tout le temps. C’est drôle et triste, étonnant et inspirant.

Texte et propos recueillis par Jeanne Möschler

Du théâtre au stand-up

Fondateur de sa propre compagnie de théâtre SNAUT, Joël Maillard joue depuis 2012 avec différent·e·s artistes dans des pièces qu’il écrit et met en scène. Elles ne sont pas forcément interactives, mais elles “mettent le public dans la fiction” à travers le dispositif scénique et visuel, explique-t-il. L’assistance a par exemple dû s’asseoir sur scène pour former un cercle de parole, dans lequel une actrice se confiait. Une autre fois, la pièce se déroulait dans une cabine noire pour une personne, seule, qui entendait des voix préenregistrées. À travers une mise en scène où le public pouvait décider de son déroulement en appuyant sur des boutons, Joël Maillard a tenté encore une fois de trouver un autre rapport entre acteur·ice·s et spectateur·ice·s, mais il conclut finalement que “c’était raté”. Il décide, en 2017, de revenir à des formes de théâtre plus traditionnelles, avec les gradins d’un côté, et la scène de l’autre. Et cette fois sous la forme d’un stand-up.

Mettre les pieds dans le plat

Le spectacle est presque dénué de mise en scène, juste un micro, un synthétiseur et Joël Maillard lui- même qui nous parle de ses obsessions et ses craintes. Il choisit d’en exagérer certaines tandis qu’il en atténue d’autres. Les thèmes sont inspirés de sa vie et de la vie, ce qu’il dit peut être vrai ou faux, il nous le dit mais on n’est pas obligé de le croire. Les sujets dont il parle sont “touchy” car “c’est important d’essayer de mettre les pieds dans le plat”. Ainsi, le comédien commence en s’interrogeant sur le bien-être et les moyens surabondants pour tenter de le trouver dans notre société. Les rayons des librairies débordent d’ouvrages sur le développement personnel, les sites regorgent d’articles sur la pleine conscience et on trouve des coachs et tutoriels à pléthore. “C’est pas que ça fait pas sens”, estime l’artiste, “(…) mais quand on en est à faire ça, c’est comme si tous les autres problèmes étaient résolus et qu’on en est déjà au stade où on a plus qu’à mieux respirer. Il admet avoir tenté un cours de méditation et a été effrayé par l’image de notre société qui recherche le bonheur individuel: “C’était chiant et j’eu l’impression d’être au McDo: on donne aux clients la même recette avec des phrases toutes faites et des citations du Dalaï Lama hors-contexte. Ca faisait aucun sens.”

Une société problématique, capable de résilience?

Ce business du bien-être entre au final dans la structure du capitalisme qui nous force à adopter un regard très individuel sur le monde. Joël Maillard en parle, du capitalisme. Il le chante même, accompagné de son synthétiseur, “j’encule pas le capitalisme (..) j’encule le capitalisme”. Il l’encule ou pas? Non, car en plus de ne pas savoir où est son trou, l’artiste est dépendant des contribuables: “il y a des gens qui ont assez de thune pour que ça ruissèle à quelque chose d’aussi inutile que l’art”. Se déclarer anticapitaliste est paradoxal du moment où la personne qui le prononce reçoit un salaire, estime l’artiste – qui ne voit idéologiquement pas d’alternative réaliste et viable à long terme à ce système. D’ailleurs vivre et mourir, c’est un autre sujet qui préoccupe Joël Maillard: “La mort, j’y pense beaucoup. Parmi les choses qui me retiennent dans la vie, il y a le fait que je suis incapable d’écrire ma lettre d’adieu.” Ce passage a finalement été coupé du stand-up afin de garder un équilibre entre les moments drôles et ceux sans blague. Ce que notre interlocuteur préfèrerait serait de se réveiller une semaine “tous les dix ans ou tous les siècles”, pour voir comment la société va se redresser après la catastrophe. Il pense que l’espèce humaine ne disparaitra pas à cause du réchauffement climatique: c’est trop grand, il y a des gens avec beaucoup d’argent qui pourront s’en tirer. Mais quelle humanité va advenir après l’effondrement? La société devra faire preuve de beaucoup de résilience pour se reconstruire sur ses débris. Et c’est une question de comportement, de décision, pas de foi: notre interlocuteur à la tignasse bouclée s’est converti à l’athéisme. “J’ai de la peine à respecter un Dieu qui veut brûler les homosexuels”, témoigne-t-il. Et cela ressort explicitement dans son spectacle quand il a des flatulences et que c’est Dieu qui s’exprime sous la forme d’un pet, et “ce n’est pas un blasphème parce que je n’y crois pas”. Et ce Dieu, c’est le Dieu de tout le monde, des chrétien·ne·s comme des musulman·e·s ou des autres religions.

Photo: Dorotheģe Theģbert-Filliger

Dire tout haut ce qui se pense tout bas

Cependant, Joël Maillard reconnaît qu’il est parfois délicat de parler de certains sujets. S’il y en a qu’il évite car sa pensée n’est pas assez arrêtée, il estime qu’il faudrait continuer à tout dire, tout en admettant qu’il y a des thèmes délicats: “une même phrase dite par une personne d’un certain âge, d’un certain genre, ça fait des effets très différents selon à qui elle est adressée”. Il exemplifie cette situation à travers une scène imagée de son stand-up, dans laquelle il s’adresse à un homme du public en rêvant qu’ils aient un coup de foudre amical et qu’ils iraient se poser dans un bar, boire, discuter et refaire le monde. “Dire ça à une femme, je pourrais mais j’ose pas”, admet-il tristement. Car en plus de sa position dominante d’artiste (qui coche toutes les cases de l’homme blanc cis hétéro) avec le micro et totalement libre d’expression, il y a forcément un arrière-plan culturel qui fait qu’on le soupçonnerait “de malveillance”. Mais ce qui ne se dit pas il le prononce tout haut, alors à la fin, il ajoute: “qu’est-ce que ça aurait fait si j’avais dit ça à une femme?”

Où le retrouver ?

En ce moment même au Théâtre St-Gervais à Genève

Joël Maillard reprend également cet automne le spectacle Quitter la Terre, à voir au Casino-Théâtre de Rolle les 14 et 15 octobre, et au Théâtre Benno Besson à Yverdon le 9 décembre. On peut également découvrir un week-end de carte blanche autour de son travail, au Pommier, à Neuchâtel, du 10 au 13 novembre.

Résilience mon cul

Dates à venir:

Puis en 2023:

  • Bibliothèque de Vevey
  • Nuithonie, Fribourg
  • Théâtre ABC, La Chaux-de-Fonds
  • Usine à Gaz, Nyon
  • Théâtre du Jura, Delémont

Toutes les dates sur snaut.ch

Photo de haut de page: David Gagnebin-de Bons

Lutherie sauvage

Par les Villages

Fondés en 1983 à Genève, les Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM) n’ont eu de cesse depuis lors de poursuivre leurs missions de rencontre et de partage. L’année dernière, l’équipe a accueilli un nouveau responsable de la pédagogie, Julio D’Santiago, qui a repris le flambeau de sa prédécesseur et le portera à travers les villages.

Texte de Katia Meylan
Propos recueillis auprès de Julio D’Santiago,
responsable pédagogie aux ADEM

Julio Dsantiago

Julio D’Santiago

Qui est Julio D’Santiago? Portrait du musicien qui nous raconte…
…avoir débuté la musique dans un orchestre de la jeunesse du Venezuela et s’être pris de passion pour les percussions. Jeune adulte, il commence des études mais l’appel du terrain est le plus fort. À son arrivée en Suisse en 1999, il rencontre l’ancien directeur des ADEM, Laurent Aubert, qui lui propose d’y enseigner les percussions latines. En tant qu’artiste, il donne des concerts, fonde le groupe Venezuelan Roots et parallèlement, un projet intitulé No Borders, pour lequel il rassemble ponctuellement des collègues et enregistre des concerts spontanés. Lorsqu’il retourne au Venezuela après 18 ans d’absence, en 2017, il revoit d’anciens élèves, devenus chercheurs ou professeurs; inspiré, Julio décide de s’ouvrir de nouvelles portes. À cette même époque, il rencontre Fabrice Contri, fraîchement nommé directeur des ADEM. Mis au courant de ses aspirations académiques, ce dernier lui suggère de suivre son chemin et d’entreprendre des études de musicologie à la Sorbonne…

Son Bachelor en poche, Julio D’Santiago est engagé dans la foulée. En plus du Master qu’il poursuit actuellement, il remplace depuis 2017 Astrid Stierlin, précédente responsable de la pédagogie et des stages pour enfants et adultes.

Des Villages qui rassemblent
Parmi les valeurs que promeuvent ces stages, Julio D’Santiago a souhaité souligner celle du rassemblement, en introduisant l’appellation de Villages. Villages qui sortiront des locaux citadins pour s’établir aux Jardins de Mamajah à Bernex, et inviteront à l’apprentissage, à l’échange et à la fête.

Du 4 au 8 juillet, la semaine du Village des Z’ethnos dédiée aux enfants débutera aux ADEM, puis dès le vendredi 8 juillet, tout le monde se retrouvera aux Jardins de Mamajah pour le spectacle des enfants et le début des stages du Village des Cultures, qui dureront tout le week-end.

Danse Gitane

Danse gitane Kalbeliya avec Maria Robin

Y apprendre
Parmi les professeurs, on retrouvera des fidèles des ADEM et de nouvelles têtes. Vers quoi se tourner? Instruments latino- américains, danses mystiques d’Égypte, chants du sud de l’Inde ou chants du monde arabe, danses d’Haïti, percussions du Sénégal, cante jondo d’Andalousie… la liste n’est pas complète qu’elle fait déjà tourner la tête. Musiques et danses du monde résonneront entre elles dans le Village, et ainsi, en optant pour l’une d’elles, les participant∙e∙s auront tout de même l’occasion de côtoyer les autres de près.

Y vivre
Les Témoignages, moments de rencontres instaurés par Julio, rassembleront le Village autour d’un invité qui partagera son vécu, son expérience de la musique autour d’un verre ou d’un repas. Lors de cette première édition, Jean-Jacques Lemêtre, musicien de la troupe du Théâtre du Soleil, racontera comment il est devenu “luthier sauvage”. “Le concept de fabriquer des instruments à partir de n’importe quel objet ou matériel existait déjà, mais Jean-Jacques le met en pratique avec une énergie incroyable”, affirme Julio D’Santiago, qui se réjouit de le revoir à l’œuvre.

Les concerts des professeurs prolongeront
ensuite les festivités de ce petit paradis
collectif et multiculturel, le temps d’un
week-end.

Village des Z’Ethnos
Du 4 au 8 juillet 2022

Village des Cultures
Du 8 au 10 juillet 2022 – puis en février 2023

Les Jardins de Mamajah, Bernex

Tout le programme sur: adem.ch

David Janelas, photo de Flora Elie

Mémoire Cairote

L’année dernière, nous discutions sur Zoom avec le comédien David Janelas, alors en résidence artistique au Caire. Aujourd’hui, il présente les fruits de ses recherches dans nos contrées, au travers d’une exposition intitulée Le livre des rumeurs, mêlant texte, images, mouvement et son. Trois soirées aux Caves de Couvaloup invoqueront quant à elles les contes et récits égyptiens grâce à des musicien∙ne∙s, comédien∙ne∙s et d’autres invité∙e∙s surprises.

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Flashback avec l’article paru dans notre édition 91

Mai 2021:

Depuis février dernier, le comédien etierruz David Janelas est installé au Caire dans un atelier sur l’île d’El Qursayah, sur le Nil. Dans le cadre du programme de la Conférence des villes en matière culturelle (CVC), qui soutient les séjours d’artistes à l’étranger, il bénéficie d’une résidence de six mois et d’une bourse de 9’000 francs octroyée conjointement par la CVC et la Ville de Morges. Le temps a filé alors que, généreux de son expérience, il nous parlait par vidéo de la vie cairote, de ses rencontres et de ses projets

Les nuages nous cachaient une part de la lumière du jour. C’était à charge de revanche: après tout, cela fait longtemps que nous nous cachons des courants d’or du soleil.

David Janelas, Le Caire, semaine 4.

Les chroniques et la littérature

Nous avions rencontré sa plume avant d’entendre sa voix, au travers des chroniques qu’il publie sur son blog depuis son arrivée au Caire. Si la résidence à laquelle il prend part a pour but d’offrir le temps nécessaire à la création, sans pression de résultat immédiat, David Janelas a lui-même proposé à la Ville de Morges de rédiger des chroniques hebdomadaires. Celles-ci lui permettent, nous dit-il, d’avoir une discipline et de garder une trace de sa recherche. D’échanger, aussi, puisqu’il les fait volontiers lire à des amis égyptiens sur place dans le but d’obtenir des avis ou des précisions sur les sujets qu’il aborde. Ses réflexions touchent aussi bien à la culture qu’à la politique: le rapport à l’argent, la censure qui pèse sur les arts, les subventions et les visas, la surveillance militaire… et aussi, la littérature.

La littérature, qui semble tenir une place importante dans le voyage de David Janelas. On l’entrevoit non seulement par l’adresse de sa prose, mais aussi par ses citations de Rimbaud, Shakespeare, Brecht, Jules Supervielle et l’inspiration qu’il trouve chez Isabelle Eberhardt ou Charles Reznikoff. Pourtant, le comédien n’a pas eu besoin d’emmener avec lui une valise de livres, ni de puiser ses références sur internet. Presque par nécessité, la poésie s’est aménagé une place dans son imaginaire. “Dans mon parcours, j’ai fait pas mal de jobs alimentaires pénibles”, confie-t-il. “Pour passer le temps ou résister mentalement, j’ai commencé à apprendre des poèmes par coeur. Les apprendre et les réciter permet de mieux les comprendre et de pouvoir les partager”.

El Warsha et les traditions orales

La Cie Cafuné, que David a fondée avec sa soeur Virginie Janelas en 2017, trouve son l’inspiration dans les enjeux liés à la mémoire et à la transmission. Un intérêt pour les traditions orales l’anime donc déjà lorsqu’il postule pour une résidence de six mois au Caire. En faisant des recherches avant son départ, il découvre par hasard qu’une compagnie de théâtre cairote a collaboré avec une troupe de Marseille au sein de laquelle il avait fait un stage. Le nom de cette compagnie égyptienne revient souvent sur le web: El Warsha… L’une des rares compagnies indépendantes en Égypte à exister depuis trente ans, connue pour son corpus très complet et sa formation de comédien∙ne∙s dans les domaines des textes anciens, des chants traditionnels, de la danse, et des arts martiaux. Il n’en faut pas plus à David pour prendre contact. On le dirige tout de suite vers le directeur de la troupe, Hassan El Geretly, qui lui propose de se rencontrer à son arrivée en février. Les deux hommes de théâtre conviennent d’abord de se voir chaque semaine… …Quatre mois plus tard, David est presque devenu un membre de la compagnie!

À l’heure où il nous parle, le comédien revient justement d’un stage de quelques jours avec El Warsha en Moyenne-Égypte, au centre Medhat Fawzy, où l’on pratique l’art du bâton (tahtib). L’école est, à l’heure actuelle, la seule à enseigner cette pratique ancestrale. Il y a plusieurs années, Hassan El Geretly avait voulu que l’un de ses comédiens apprenne le tahtib pour les besoins d’une pièce. Or, l’art se transmet par tradition de père en fils, et il était très difficile de trouver quelqu’un qui acceptait de l’enseigner en dehors du cercle familial. Un danseur avait toutefois accepté, et une collaboration était née, donnant l’impulsion pour fonder cette école.

Samar Hussein de la compagnie El Warsha lors d'une représentation. Photo: Flora Elie

Samar Hussein de la compagnie El Warsha lors d’une représentation. Photo: Flora Elie

C’est la deuxième fois que David se rendait à Medhat Fawzy, et la troupe lui a proposé de donner un stage autour de sa pratique du théâtre. “C’est une troupe d’homme dans laquelle il y a une ambiance un peu équipe de foot”, relate David en souriant. “J’ai vu qu’ils avaient énormément d’énergie, qu’à chaque fois que je proposais un exercice, ils le faisaient de manière très agressive. J’ai pris le contrepied et leur ai proposé de travailler la connexion à leur imaginaire, d’explorer une zone sensible liée à leur histoire. Ça a demandé du travail de créer une atmosphère où ils ont osé se sentir vulnérables”.

En parallèle aux multiples apprentissages vécus aux côtés d’El Warsha, David Janelas s’est donné une mission: celle de récolter des récits. “Au début, je pensais me focaliser sur les contes traditionnels, mais assez vite, j’ai eu envie d’écouter ce que les gens avaient envie de proposer d’eux-mêmes. Les personnes âgées ont toujours des histoires à raconter, mais les jeunes ont perdu ce rapport aux contes, ou préfèrent parler de leur pays tel qu’ils le voient aujourd’hui”. Pour rassembler ces récits, David discute avec ses interlocuteur∙trice∙s plusieurs heures, en anglais, pour comprendre les enjeux et ensuite choisir ensemble ce qui sera filmé, en arabe. À ce jour, le comédien compte une quinzaine d’heure de récits, et la liste des personnes à rencontrer s’allonge! “Le défi sera de sous-titrer toutes ces vidéos”, s’amuse-t-il.

Tableau quotidien, La Caire. Photo: Flora Elie

Tableau quotidien, Le Caire. Photo: Flora Elie

Un an plus tard, le comédien a sous-titré, trié, repensé son voyage, a donné à tous ces mots, ces images et ces sons la forme d’une exposition et de trois soirées d’arts vivants.

Il les présentera personnellement au public dans les semaines à venir!

Le livre des rumeurs
Exposition: du 30 mai au 13 juin 2022
Espace 81
Vernissage: le 2 juin à 17h 
Cellier de l’Hôtel-de-Ville, Morges
morges.ch

Celui qui se tait, plus grande est sa douleur
Vendredi 10 juin à 20h
Samedi 11 juin à 20h
Dimanche 12 juin à 18h
Les Caves de Couvaloup
morges.ch

Week-End Musical de Pully: Vocation de transmission

Lorsque l’on arrive au Week-End Musical de Pully pour écouter des concerts de musique classique, on tombe tout d’abord sur une brochette de polos violets de toutes tailles, chacun affairé à sa tâche et fermement fier d’être là. Puis l’on réalise également bien vite que, si le festival réserve une belle part de sa programmation au classique, il n’hésite pas à s’aventurer hors des sentiers battus.

Texte de Katia Meylan Propos recueillis auprès de Caroline Mercier et Guillaume Hersperger, co-fondateurs du festival, Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, membres du comité d’organisation, et Raphaël Bollengier, staff.

 

A tout juste neuf ans, le Week-End Musical de Pully, WEMP pour les intimes, n’a à rougir d’aucune comparaison avec certains frères aînés ou cousins des grandes villes. Gratuit depuis ses origines et comptant bien le rester, il convie depuis 2013 des grands noms tels que Marina Viotti, Beatrice Berrut, Cédric Pescia, Louis Schwizgebel ou encore le Quatuor Sine Nomine. 

Une programmation éclectique 
Cette année, le festival s’étendra du 5 au 8 mai. Pour donner une idée de la diversité des styles qu’offre la programmation 2022 pensée par Guillaume Hersperger, prenons la journée du dimanche: un spectacle d’opéra dédié aux familles et un conte musical porté par des jeunes artistes de la région côtoieront The Beggar’s Ensemble et Sneaky Funk Squad, deux formations exubérantes, l’une baroque, l’autre funky. Un récital du pianiste Nelson Goerner, lui aussi en entrée libre, clôturera les festivités – et Guillaume Hersperger de présager en souriant qu’il faudra peut-être arriver un peu en avance. 

La genèse
Depuis la première édition où les trois co-fondateurs géraient l’entièreté de l’organisation, le WEMP a pris de l’ampleur. Devant l’évidence que son trio aurait besoin d’aide, Guillaume Hersperger, professeur de piano au Conservatoire, en parle à ses jeunes élèves qui acceptent de venir donner un coup de main. “Ils savaient tous qu’il enseignait aussi les arts martiaux, ils n’ont pas osé refuser!” plaisante Caroline Mercier, directrice générale du festival. Une équipe d’une vingtaine de bénévoles s’est ainsi formée, motivée et efficace. Si la démarche semble née d’une nécessité pratique, elle devient aussitôt la marque de fabrique du festival, qui adopte une vocation de transmission: en effet, le jeune staff, dont le rôle consistait d’abord à mettre des chaises en place ou distribuer des goodies, se responsabilise petit à petit, se forme auprès de professionnels à des tâches telles que la régie son ou lumière, la logistique ou encore la communication.

Raphaël Bollengier en masterclass avec Christian Chamorel. Photos: Emilie Steiner

Le staff en scène
La plupart sont musicien·ne·s, élèves du conservatoire ou au début de leur parcours professionnel, et le festival leur donne l’occasion de monter sur scène. Lors du spectacle intitulé La hotline musicale de Blaise Bersinger, six bénévoles feront partie du Pully-Région Orchestral Ultimate Trio qui, mené par l’humoriste lausannois reconverti en responsable d’antenne radio, devra répondre instantanément à toute demande des auditeur·ice·s. Le but du spectacle: aborder la musique classique sous son aspect “cool”. Autant dire que le moment est attendu avec impatience par le staff! Les bénévoles que nous avons rencontrés sont unanimes: “C’est l’opportunité de l’année!”, s’enthousiasme Léonard Wüthrich, 22 ans, clarinettiste et assistant à la direction. “Sans le WEMP, un étudiant en musique classique se retrouverait difficilement à faire un spectacle avec un humoriste de la nouvelle génération”. ” Pour moi, Blaise est la personne qu’il nous fallait. Il arrive à me faire rire de tout”, confirme Jonathan Gerstner, 19 ans, violoncelliste, également assistant à la direction, et arrangeur d’une partie des morceaux qui seront joués durant le spectacle. 

Ce dernier aura une autre opportunité de se produire sur scène lors de cette édition 2022, et de taille! Il s’est vu confier un récital, pour lequel il a choisi d’interpréter la 5e Suite pour violoncelle seul de Bach et la Sonate pour violoncelle et piano en Fa Majeur nº 2 de Brahms. Il jouera également une création mondiale, commandée par le WEMP au compositeur Jean-Sélim Abdelmoula pour l’occasion. 

La confiance accordée
Parmi les tâches déléguées au binôme que forment Jonathan Gerstner et Léonard Wüthrich, la programmation de l’esplanade open-air du samedi après-midi. Encore une belle preuve de confiance de la part de la direction! Inspirés par l’esprit libre du festival, ils décident d’y convier le jazz, en proposant carte blanche à l’École de Jazz et Musiques Actuelles (EJMA). En effet, la porosité entre les styles de musique parle aux deux jeunes musiciens, qui regrettent qu’elle ne soit pas toujours une évidence au stade des études. “Ayant débuté mon parcours dans la région lausannoise, je trouve qu’il manque encore des liens entre classique et jazz”, constate Léonard, actuellement élève à la Hochschule Luzern. “En Suisse alémanique, on développe beaucoup plus ces connexions; j’ai des cours d’improvisation, et les musiciens des deux filières ont accès aux modules des uns et des autres”. 

Ce constat encourage le WEMP à donner, lors des masterclass qu’il met en place, la priorité aux élèves de Bachelor ou pré-professionnels plutôt qu’aux Master, qui bénéficient déjà d’une offre plus large. Cette année, les participant·e·s rencontreront le violon baroque d’Augustin Lusson, le répertoire à deux pianos de Sélim Mazari et Tanguy De Williencourt et le violoncelle jazz de Stephan Braun.

 “Grâce au WEMP, j’ai créé des contacts avec des artistes locaux et européens que je n’aurais pas forcément rencontrés, ou beaucoup plus tard”, exprime Léonard. Il pense notamment au Quintet Ouranos et à sa rencontre avec le clarinettiste parisien Amaury Viduvier, dont le partage d’expérience lui a été très enrichissant. 

Les plus jeunes ne sont pas en reste, et même à 12 ans, on a sa place au WEMP, preuve en est de Raphaël Bollengier, nouvelle recrue et benjamin du staff. L’année dernière, ce pianiste en herbe avait eu l’occasion de travailler la Polonaise de Chopin en do dièse mineur avec Christian Chamorel, de jouer avec des camarades lors d’un pré-concert, et d’assister à des concerts assis dans le public. Il verra cette année le festival du côté de l’organisation… Et qui sait, peut-être que celui qui ne se voit pas pianiste professionnel, car “c’est compliqué d’avoir une renommée pour être à l’aise financièrement”, y verra une autre piste de vocation musicale? 

Retrouvez tout le programme du Week- End Musical de Pully sur: wempully.ch  

Week-End Musical de Pully Du 5 au 8 mai 2022 Divers lieux, Pully 

                                                                                                        

1001 Harmonies

La vie à deux pianos, à milles histoires, à 1001 Harmonies

Ailleurs, l’herbe est simplement d’une autre teinte, et c’est un sentiment différent lorsqu’on s’y étend pour se faire conter 1001 Harmonies. Cela vaut bien un détour à Neuchâtel, où les pianistes Myassa et Francisco Leal présentent leur 2e saison de concerts ainsi intitulée: 1001 Harmonies, d’un joli mélange entre la musique qui les fait vibrer et leurs histoires de rencontres et d’amitiés.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Myassa est neuchâteloise, Francisco est colombien. Frayés par la passion du piano, leurs chemins se rejoignent à la Haute École de Musique de Genève à Neuchâtel. Et là… c’est le coup de foudre musical? “Ce qui t’a plu, c’est plutôt que je te faisais rire, non?”. Coup d’œil malicieux de Francisco à sa complice. Dans leur appartement, leur photo de mariage orne le mur du salon, non loin d’un grand piano à queue et d’un chat qui se prélasse sur le tabouret.

Actif dans diverses branches qui prennent toutes leurs racines dans la musique (solistes, enseignants, organiste titulaire pour Francisco, médiatrice culturelle pour Myassa), le couple se rajoute une casquette lorsqu’il y a plusieurs années de cela, il imagine organiser sa propre saison de concert. L’initiative n’était pas un coup d’essai: “Pendant nos études, nous avons mis sur pied une journée de concerts, rééditée à plusieurs reprises, lors de laquelle nous engagions différents musiciens de la région”, raconte Myassa. Un premier test qui fonctionne à merveille et sème l’idée. Quelques lieux inspirants, tels que l’Église St-Pierre, le Temple du Bas et bien sûr la fameuse Salle de musique de La Chaux-de-Fonds, leur fait souhaiter une saison qui appartienne à la fois à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds. L’idée murit durant trois ans et en 2019 éclot la première édition de 1001 Harmonies

Pour une jeune saison, c’est une prise de risque immédiate. S’il prend la responsabilité de la programmation et de plusieurs concerts, le couple s’entoure de spécialistes, du graphisme à l’audiovisuel en passant par la communication, mettant les moyens à la forme. Et pour le fond, il convie des invité·e·s de marque: des premières suisses-romandes – notamment le violoncelliste Santiago Cañón, lauréat du concours Tchaïkovski – ainsi que des artistes au rayonnement international, citons le pianiste Arcadi Volodos ou le ténor Bernard Richter.

“Pour construire une programmation, on part des pièces que l’on aimerait entendre ou jouer. Le but est aussi de présenter au public des configurations variées, et de coupler d’autres arts à la musique”, s’accordent Francisco et Myassa. Entre eux, les idées fusent et les artistes inspirant·e·s à inviter ne manquent pas. Mais ce qui les guide, ce sont les histoires, les rencontres qui mènent au concert, les liens qui se créent. Pour eux, Arcardi Volodos ou Bernard Richter sont certes de grands noms, mais avant tout des amis.

flamenco 1001

Le Concert n° 4, intitulé Flamenco et ayant eu lieu en mars dernier, est un exemple amusant de leur fonctionnement au coup de cœur. “La rencontre avec le Barcelona Guitar Trio était un vrai hasard: on devait partir en vacances à Londres, et à cause d’un souci administratif, on s’est rendu compte une fois à l’aéroport que c’était impossible”, nous racontent-ils à deux voix. “On a regardé quel était le prochain vol, et à la place, on a pris nos billets pour Barcelone. Là-bas, on est allé au Palau de la Música, où on a vu ces musiciens et ces danseurs. C’était incroyable! On a tout de suite pensé à eux pour 1001 Harmonies, et à la fin du concert on est allé voir leur manager. C’était en 2018, avant même le début de notre première saison!”.
Un savant mélange entre la spontanéité qui caractérise le couple et la folle planification que requiert une saison classique, en somme!

Dès demain 29 avril, puis dimanche 1er mai, Myassa et Francisco seront eux-mêmes sur scène pour un récital intitulé La vie à deux… pianos, composé d’œuvres puisées dans le répertoire de leur sensibilité commune. En première partie de concert, ils interpréteront deux pièces classiques: la Suite pour deux pianos de Rachmaninov et la Danse macabre de Saint-Saëns. La seconde partie se fera latine, avec trois magnifiques tango nuevo de Piazzolla, rêveurs, romantiques, dramatiques, teintés de jazz et d’élans de courage. Le final sera une fête, avec un arrangement du Danzon n° 2, du compositeur mexicain Arturo Márquez, auquel le duo amène sa touche pianistique.

Parmi leurs prochains couple goals, l’envie de convier d’autres arts encore à leurs saisons. La danse reviendra pour sûr, dans de nouveaux pas de deux à quatre mains. Myassa la littéraire imagine également faire dialoguer, lors d’un concert, des grands textes classiques, des pièces musicales et les biographies des compositrices et compositeurs. Gageons qu’elle saura aisément convaincre sa moitié de ce beau projet…

La nuit est tombée depuis longtemps et on laisse Neuchâtel derrière nous, suivant des yeux les rails, avec en tête les notes entraînantes du Danzon interprété par Francisco et Myassa dans leur salon!

La vie à deux… pianos
Vendredi 29 avril à 19h30
Salle Faller, La Chaux-de-Fonds

Dimanche 1er mai à 17h
Temple du Bas, Neuchâtel

Tout le programme sur www.1001harmonies.ch


Collection Haute Couture

Haute-Couture Dans les interstices de l’imaginaire

“Yves Saint Laurent et Mondrian, Elsa Schiaparelli et Dali, Coco Chanel et Cocteau…”, Anna-Lina de Pontbriand, directrice du Musée suisse de la Mode, ne manque pas d’exemples pour illustrer la perméabilité du monde de l’art et de la mode et présenter, aux côtés du directeur du Centre d’Art Contemporain d’Yverdon-les-Bains, Rolando Bassetti, la deuxième collaboration entre leurs deux institutions: l’exposition Collection Haute-Couture.

Texte de Clara Boismorand
Propos recueillis auprès d’Anna-Lina de Pontbriand, directrice du MuMode, Rolando Bassetti, directeur du CACY et Xénia Lucie Laffely, artiste

Deux mondes, un univers

“L’art, la mode…où est la frontière?”, se demande Rolando Bassetti. Il y a la frontière que l’on dresse, que l’on imagine, que l’on justifie par différents moyens mais somme toute… tout l’intérêt des frontières n’est-il pas de les franchir plutôt que de les renforcer? L’art contemporain et la hautecouture sont deux mondes, certes, mais ensemble ils sont l’expression d’un univers fantastique. Ce printemps, au CACY, se rencontrent l’art contemporain et la mode. Le MuMode y présente, pour la première fois, 35 pièces de (très) haute-couture. Ces pièces d’exception sont exposées et exhaussées aux côtés du travail de Xénia Lucie Laffely. L’artiste invitée mêle son monde à celui des pièces choisies.

Une collection personnelle

Le choix de l’artiste comme des tenues ne sont pas anodins. De par sa sélection des pièces, Anna-Lina de Pontbriand rend hommage à une donatrice du musée: “Depuis vingt ans, cette femme fait don de sa garde-robe au musée. Elle nous a cédé plus de 300 pièces de créateur∙trice∙s: des tenues de cocktail, d’après-midi et du soir, chacune unique, originale, faite main et sur-mesure. Ce sont de véritables pièces d’excellence.” Quant à Rolando Bassetti, à la vue des pièces choisies, ce dernier a pensé à Xénia Lucie Laffely. Cette artiste qui mêle tissus et arts plastiques allait pouvoir établir un dialogue entre son art et cette collection personnelle de haute-couture.

Photo (c) Anne-Laure Lechat
Photo: Anne-Laure Lechat

Aux frontières de la fiction

Les créations de Xénia Lucie Laffely sont de l’ordre de l’intime et de l’étrange. Elle réalise, sur ordinateur, des peintures inspirées de ses proches et de son quotidien, les imprime sur tissu, et les travaille ensuite avec des techniques telles que le matelassage et le patchworking avant de les mettre sur des cadres. De par son étonnant travail, Xénia révèle et génère fictions et imaginaires.

Son parti pris pour Collection Haute- Couture est d’habiter ces tenues qui ne furent, souvent, portées qu’une seule fois, par une seule femme: “Je veux les faire porter, de manière imaginaire, à plusieurs personnes; les faire descendre de leur tour d’ivoire, les rendre plus accessibles”, nous dit-elle. Aussi, s’est-elle appropriée certains motifs, détails et imprimés des tenues afin de les magnifier à travers des peintures murales qui forment un décor pour les habits et finissent par habiller du regard les visiteurs de l’exposition.

Collection Haute-Couture se présente alors comme un délicat rappel du rôle fondamental que peuvent jouer les institutions muséales lorsqu’elles collaborent: elles provoquent la rencontre, encouragent les croisements, magnifient le dialogue, et ouvrent des portes.

Collection Haute-Couture – MuMode
Du 6 février au 17 avril 2022
Centre d’Art Contemporain, Yverdon-les-Bains
www.centre-art-yverdon.ch

Photo en tête d’article: Danielle, peinture digitale préparatoire, 2022

Fiasco. Photo de Louis Choisy

Road-trip vocal en Deux-Chevaux

Les quatre artistes de la troupe Provox, Dominique Tille, Faustine Jenny, Constance Jaermann et Jérémie Zwahlen, se lancent dans un road-trip sur des routes peu empruntées. Leur comédie musicale a cappella, qui n’aura du Fiasco que le titre, se joue dès ce mardi 8 mars et jusqu’au 20 mars au Théâtre 2.21 à Lausanne.

Texte: Katia Meylan
Propos recueillis auprès de Dominique Tille et Faustine Jenny

La trame

Alors que l’air n’est plus à la fête depuis longtemps, un quatuor se met en route aux aurores pour aller animer une noce à Chrüterchraft – une bourgade de plus sur leur routine de chanteurs de mariage. Quand l’incident se produit, les quatre ami·e·s se retrouvent à la croisée des chemins. Que devenir?

Des sketches à la comédie musicale narrative

En 2014, Provox se formait pour monter un premier spectacle intitulé Par les pouvoirs qui nous sont conférés, patchwork satirique de reprises sur le thème du mariage arrangées a cappella. “À l’époque, en chantant La Chenille ou Tourner les serviettes dans ce qu’on appelait notre Medley beauf, on s’imaginait déjà qu’on aurait pu être des chanteurs de mariage et certains sketch mettaient en scène les engueulades en coulisses, les moments de ras-le-bol”, nous racontent Faustine Jenny et Dominique Tille.

Avec Fiasco, le groupe parcourt une borne de plus. En gardant l’identité légère, humoristique et bien sûr a cappella de Provox, ils imaginent cette fois un spectacle entièrement original.

Pour la trame, ils se tournent vers la scénariste Stéphanie Mango. “Elle nous connait bien et l’histoire de Fiasco est liée à la nôtre, mais un peu décalée”, révèlent les membres du groupe. En se basant sur des types de personnalités proches des leurs, l’histoire tissée par Stéphanie propose à chacun·e un personnage approfondi. Un changement majeur par rapport aux sketchs interprétés jusque là.

C’est là une des spécificités de la pièce. “Chanter a cappella nous donne la contrainte théâtrale de ne pas pouvoir sortir du plateau, car à quatre voix, on est dans le minimum de l’harmonie. On doit trouver des astuces de mise en scène pour justifier le fait qu’on chante tout le temps; comme chaque personnage a sa volonté propre, si les quatre disent la même chose ce n’est pas cohérent”, partage Dominique. “C’est une contrainte nouvelle pour nous, qui peut créer un nouveau savoir-faire!”, ajoute-t-il encore, enthousiaste.

Fiasco. Photo Louis Choisy

Photos: Louis Choisy

Des compositions inédites

Qui dit spectacle original dit morceaux inédits. Lorsqu’on leur demande quel sera  le style musical de Fiasco, Faustine et Dominique répondent d’une seule voix: Lee Maddeford. La marque de fabrique du compositeur est en effet l’absence d’un style défini. “On lui a donné carte blanche. On pourra avoir un morceau purement comédie musicale avec des voix envoyées, un autre plus jazz avec des harmonies serrées, et tout à coup quelque chose qui ressemble à de la country”.

Bien placé en sa qualité de membre du quatuor, Jérémie Zwahlen réalise les arrangements vocaux pour un spectacle sur mesure. Et nos interlocuteurs de préciser: “Il connait nos voix, nos forces et nos faiblesses”.

Dominique Tille sent que la prise de risque et le côté intime du chant a cappella créent une communion avec le public. “On est nous-mêmes, à nu, c’est notre voix sans micro qui résonne. Je crois que cette sincérité plaît de plus en plus”.

Fiasco réunit ainsi les expériences de ces quatre artistes touchant à l’art choral, au chant classique, au théâtre ou encore à l’harmonisation. “On est dans notre zone de
confort, mais on en repousse les limites au maximum!”, résume le musicien.

Fiasco
Du 8 au 20 mars 2022
Théâtre 2.21, Lausanne
www.theatre221.ch

Chers©Josefina-Perez-Miranda

Danser l’absence de l’autre avec la chorégraphe Kaori Ito

Ce soir, la chorégraphe et danseuse japonaise Kaori Ito présente sa création CHERS au théâtre L’Octogone à Pully, dans les cadre des Printemps de Sévelin. Une pièce interprétée par cinq danseur·euse·s et une actrice qui revisitent, par la danse, notre lien aux absent·e·s et aux disparu·e·s. Un voyage poétique qui saisit par le mouvement les gestes désespérés de celles et ceux qui n’ont pas pu rester dans nos vies.

Texte et propos recueillis par Marion Besençon

En 2020, alors que la création CHERS était attendue à L’Octogone mais avait par la suite dû être reportée, la chorégraphe avait échangé quelques impression avec L’Agenda, par téléphone depuis Marseille.

Au départ de l’inspiration, il y a l’existence d’une cabine téléphonique au milieu d’un jardin dans son Japon natal servant à qui voulait continuer à communiquer avec les défunt·e·s. Avec la crise sanitaire, quand il était parfois impossible de rendre un dernier hommage aux personnes disparues et alors qu’elle se demandait à quoi servait le théâtre, Kaori Ito s’est souvenue avoir adressé “des questions lumineuses” aux gens et qu’en réponse elle avait reçu “d’énormes cadeaux”, c’est-à-dire des témoignages écrits extrêmement touchants à l’adresse des disparu·e·s, orientant sa création CHERS vers le genre épistolaire.
Et puis comme s’il fallait “faire disparaître les mots par la danse” et parce qu’en tant que chorégraphe elle trouve des réponses ainsi, elle a choisi de mettre en scène cinq danseur·euse·s et une actrice qu’elle fait à
leur tour écrire puis danser.

Chers©Josefina-Perez-Miranda-3

Chers ©Josefina Perez Miranda

Kaori Ito précise que les histoires poignantes des interprètes de sa chorégraphie ont irrigué son travail de création; ce qui a fait de sa rencontre avec l’équipe une rencontre très forte. Le lien vital au mouvement qu’entretient le jeune danseur Louis Gillard, lequel “cherche à comprendre par la danse le geste de son frère qui s’est donné la mort en sautant d’un pont” en est un exemple. Ainsi tous et toutes dansent tant le mouvement leur est nécessaire, et si l’écrit se mêle à la création et que la danseuse chorégraphe sait que “les
mots existent pour s’unir”, c’est par la danse que s’exprime ce “quelque chose de très très sincère”. À ce sujet, l’échange entre les danseur·euse·s professionnel·le·s et l’actrice Delphine Lanson pour qui le mouvement est moins technique qu’émotif a constitué un enchantement pour la troupe qui s’est trouvée énergisée par cette double approche.

Avec CHERS, Kaori Ito rend un hommage vibrant à la vie malgré l’absence ou l’indépassable perte des êtres aimés.

CHERS
Samedi 5 mars 2022 à 20h30
L’Octogone, Théâtre de Pully
theatresevelin36.ch

Site personnel de l’artiste
www.kaoriito.com

Viktor Vincent

Mental Circus: Assister à une performance hors normes

Le moins que l’on puisse dire c’est que Mental Circus nous pousse dans nos retranchements. En effet, dans ce show non conventionnel, Viktor Vincent fait la démonstration de ses talents de mentaliste, c’est-à-dire de sa capacité à deviner ce à quoi vous pensez. Oui, il s’agit d’un fait étonnant, cet homme est en mesure de dire ce que vous avez précisément en tête. Manie-t-il des puissances surnaturelles, est-il un magicien ou un fin psychologue? Vous êtes piqué·e·s de curiosité? Parfait! Rendez-vous ce soir à la Salle Métropole de Lausanne.

Texte de Marion Besençon

Si vous avez déjà vu Viktor Vincent à la télévision, vous vous souvenez probablement de ses yeux bleus perçants et de sa moustache façon 19e siècle. Vous devez vous rappeler aussi qu’il fait un usage spécifique de son intuition révélant au public médusé le nombre, l’objet ou encore la personne à laquelle pensent des stars invitées sur le plateau. Perspicace, le mentaliste parvient à chaque fois à la réponse juste pour le plus grand plaisir des spectacteur·trice·s qui pâlissent et dans un même temps s’amusent de cette étrange capacité…

Sur les planches, les performances du showman sont soigneusement scénarisées. En effet celui-ci aime créer des spectacles à l’identité visuelle forte où il peut allier le cinéma à son amour du théâtre. Avec son nouveau spectacle Mental Circus, le mentaliste nous embarque dans le New York des années 30 et fait le choix d’un visuel très luhrmannien. Et pour nous montrer l’étendue de son étonnant talent, il utilise le ressort de la narration. Ainsi il nous raconte l’histoire véritable et passionnante d’un couple de télépathes qui produisait un intrigant numéro de musichall dans les rues new-yorkaises.

Dans ses shows, Viktor Vincent se plaît à croiser les parcours individuels avec la grande Histoire. C’est pourquoi il est aussi question de Charlie Chaplin, de Lindbergh, ou encore du débarquement de 44 dans sa nouvelle production. Ces destins incroyables auxquels il redonne vie sous nos yeux préparent et accompagnent agréablement des performances mentales dont on se souvient longtemps. Pour ajouter à la magie du moment, une musique envoûtante composée par Romain Trouillet accompagne les démonstrations.

Viktor Vincent

Le mentaliste laisse difficilement indifférent·e: que la pensée du surnaturel nous inquiète, que ses astuces de magicien pique notre curiosité ou que nous souhaitions simplement connaître sa méthode de lecture du langage corporel, c’est à une découverte passionnante sur les capacités de l’esprit que nous sommes convié·e·s. Comme l’artiste l’analyse lui-même, le mentalisme offre la sensation que l’esprit n’a aucune limite; et c’est probablement ce frisson-là que nous affectionnons tant.

Peut-être oserez-vous monter sur scène pour vous découvrir un pouvoir insoupçonné?

Viktor Vincent – Mental Circus
Jeudi 3 février à 20h
Salle Métropole, Lausanne
Billets sur www.prestoprod.ch

Les représentations au Théâtre du Léman à Genève sont reportées au 29 octobre 2022.

Marco Smacchia

Une mystérieuse boîte magique

Marco Smacchia nous invite à aller à la rencontre de nos âmes d’enfants et nous laisser porter par la magie de la vie à travers son nouveau projet. Pas de lapin sorti d’un chapeau ou de carte dans sa manche, mais c’est le cœur sur la main que l’artisan de l’illusion nous accueille dans sa boite magique pour un voyage onirique à travers le temps et l’espace.

Texte de Coralie Hornung

Dans la grande tapisserie de la vie, divers événements ont marqué l’évolution de l’enfant d’abord ébloui, puis passionné et finalement artiste. C’est dans les liens familiaux que naît l’intérêt de Marco Smacchia pour le divertissement, plus particulièrement au contact de sa tante Marilena: l’étincelle de la famille. C’est elle qui orchestre et anime les réunions familiales avec brio. C’est d’elle qu’il tient le sens de la fête, de l’échange, bref de la magie qui relie les êtres. C’est encore elle qui l’emmènera voir son premier spectacle de magie.

À l’âge de 8 ans, il reçoit son premier coffret de magie. Puis, très vite, il rencontre le célèbre magicien et tenancier du Truc’Store de Genève, Jean Garance, qui le prend sous son aile et lui transmettra le goût de la simplicité efficace. Le talent n’attend pas le nombre des années, et bien qu’il soit jeune, le magicien en herbe est invité à de nombreuses conférences de magie. Il obtiendra ensuite un diplôme de l’Académie de Magie de Lausanne dès qu’il en aura l’âge. En 2014, il fonde Red Curtain afin de grouper les services magiques qu’il propose aux entreprises comme aux particuliers. Il utilise également sa salle de spectacle et son atelier de magie à Lausanne pour transmettre certains de ses secrets à quelques élèves privilégié∙e∙s ou pour co-créer de nouveaux tours en leur compagnie.

Malgré les normes sanitaires et les règles de distanciation, l’illusionniste continue à partager sa passion avec petit∙e∙s et grand∙e∙s depuis le début de la pandémie. Cet adepte de close-up aime se produire directement sous les yeux de son public et être en interaction avec lui. L’artiste nous confie: “Pour moi, la magie c’est quelque chose qui se vit”. Il fait des spectacles dans les écoles ou pour des anniversaires, même à cinq lui compris, afin d’apporter un peu de légèreté et de poésie pour lutter contre la morosité ambiante. Quand on est magicien, rien n’est impossible.

Finalement, l’artiste profite de la baisse de la demande d’animations ou d’événements sur mesure pour se lancer dans un rêve un peu fou qu’il caresse depuis quelques temps: créer de toutes pièces son propre spectacle. Pour ce faire, il collabore avec le metteur en scène Laurent Baier et toute une équipe technique afin de créer un show grandiose à l’américaine qui conserve toutefois la simplicité et la poésie de l’enfance. Le magicien nous invite donc à le rejoindre dans une mystérieuse boite magique qui sera installée au coeur de Morges de fin janvier à début février 2022.

Vendredi 21 et 28 janvier 2022
Vendredi 4 et 11 février 2022
www.redcurtain.ch
www.kubus.swiss