La Cuisine saupoudre Dickens de neige et de burlesque

Jusqu’au dimanche 22 décembre, le théâtre éphémère La Cuisine (qui remplace provisoirement le Théâtre de Carouge, en rénovation) présente Un conte de Noël de Charles Dickens. Ce grand classique de la prose victorienne est adapté au théâtre par Claude-Inga Barbey, comédienne et metteuse en scène réputée dans la sphère culturelle francophone.

Texte: Athéna Dubois-Pèlerin

Photo: Carole Parodi

L’histoire est bien connue: Ebenezer Scrooge, vieil avare au cœur de pierre, n’aime rien ni personne. Il méprise tout contact amical, rudoie son employé et refuse de venir en aide aux pauvres gens qu’il croise quotidiennement, malgré tous ses moyens. Sa vie bascule lorsque, dans la nuit de Noël, il reçoit la visite de trois fantômes, l’Esprit des Noëls passés, l’Esprit du Noël Présent et l’Esprit des Noëls à venir, qui lui ouvrent les yeux sur ses choix de vie et l’incitent à devenir un homme meilleur.

Fable émouvante sur le thème de la rédemption, l’œuvre se prête également très bien à une adaptation scénique, et Claude-Inga Barbey ne s’y trompe pas. Optant pour une approche ouvertement festive et familiale, la metteuse en scène monte un spectacle à mi-chemin entre la farce et la comédie musicale. Si la pièce accuse un certain manque de rythme et souffre d’un humour un peu répétitif, on retiendra la très bonne performance de Claude Vuillemin en Scrooge bougon et misanthrope, ainsi que le charme facétieux de Pierric Tenthorey, qui campe un jeune clerc débordant de jovialité (en distillant par-ci par-là quelques habiles tours de passe-passe dont le comédien et magicien a le secret).

Photo: Carole Parodi

Là où la version de Claude-Inga Barbey se démarque particulièrement, comparée à des adaptations plus traditionnelles du conte, c’est dans l’ajout d’un personnage qui, bien qu’il ne figure pas dans l’œuvre originale, paraît si « dickensien » dans son essence qu’on n’y voit que du feu. Il s’agit de la vieille Arabella, tante de Scrooge, interprétée par la metteuse en scène elle-même avec un délicieux accent britannique tout en subtilité. Acariâtre jusqu’à l’archétype, le personnage d’Arabella est inspiré par une longue lignée de figures dickensiennes irrésistiblement antipathiques, et son influence la plus probable est sans doute à chercher du côté de la sadique Miss Havisham des Grandes Espérances.

Arabella aurait élevé son neveu orphelin avec tant de dureté qu’elle lui aurait transmis son amertume et sa haine de l’humain: tel est le parti pris de cette adaptation-ci, qui cherche, sinon à excuser Scrooge, du moins à offrir une explication à sa légendaire insensibilité. « Je reste persuadée que tout le mal commis par des individus sur cette terre, vient en grande partie du mal subi par ces mêmes individus auparavant » affirme ainsi avec chaleur Claude-Inga Barbey. Une thèse puissante, qui permet d’offrir au méchant Scrooge la plus belle des rédemptions, celle qui passe par le pardon envers celles et ceux qui nous ont fait du tort.

Un conte de Noël
Jusqu’au 22 décembre

Théâtre de Carouge – La Cuisine

www.theatredecarouge.ch

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