Sorcière – le musical, dans la douceur de sa musique, la violence des injustices historiques relatées, l’intensité des voix et des instrumentistes, avait résonnée longtemps après avoir quitté le temple Saint-Vincent. Son écho toujours vibrant, le spectacle musical joué à guichet fermé l’année dernière à Montreux entamera une tournée qui débutera par le Théâtre du Jorat les 23 et 24 août 2025.
Texte de Katia Meylan
La nouvelle saison du Théâtre du Jorat affiche douze spectacles, un peu moins qu’à son habitude. En effet, les rénovations – qui permettront d’accueillir des spectacles de plus grande envergure et de recevoir le public dans un pavillon remplaçant la tente-cantine – seront tout juste terminées pour ouvrir le théâtre avec la première pièce, le 11 juin. Une programmation réduite donc, mais quelle programmation ! Ariane Moret, directrice du lieu, la dévoilait le 27 février dernier.
Alors qu’elle présentait les premiers spectacles, Alizé Oswald et Xavier Michel du groupe Aliose se glissent dans la salle. Se pourrait-il que… ? On tourne rapidement les pages du programme pour lever le suspense. Oui ! Sorcière – le musical viendra conter son histoire au cœur boisé du Jorat. Quel bonheur de savoir que l’aventure de cette création romande se poursuit !
Nathan Pannatier, Mané, Alizé Oswald, Tristan Giovanoli et Xavier Michel lors de la présentation de saison du Théâtre du Jorat.
Photo: ©Antoine Genoud
Photo de haut de page: ©Julie Massion
Un procès pour sorcellerie
Sorcière, c’est l’histoire du procès de Louise, une femme accusée de sorcellerie au début du 17e siècle. Une femme ordinaire qui, comme tant d’autres à cette époque, se voit aliénée par les rouages d’une justice s’en remettant prétendument à Dieu, avec sa sœur pour seule alliée dans un paysage de protagonistes qui la condamnent par jalousie, par couardise ou par souhait de préserver sa position.
L’essence du projet
En visite au Château de Chillon il y a plusieurs années de cela, le compositeur romand Christophe Farin est saisi d’apprendre que des milliers de personnes – principalement des femmes – avaient été brûlées sur des bûchers pour sorcellerie dans le canton de Vaud entre le 15e et le 17e siècle. Alors qu’il se disait qu’il y avait là matière à créer un spectacle, il tombe sur la chanson Je n’suis pas folle d’Aliose, dont l’univers résonne avec ses projets. Ils se rencontrent et ensemble, composent une première chanson, Nos vies pendules. Elle leur portera bonheur, devant le conseil de fondation de la Saison Culturelle de Montreux qui, touché, décide pour la première fois de produire un spectacle.
La musique et la trame de l’histoire se tissent au fur et à mesure, s’adaptant en fonction des besoins l’une de l’autre. Les 14 chansons, empreintes d’une douceur magique, semblent contenir toute l’humanité qui déserte les périodes sombres de délation, aujourd’hui comme il y a des siècles. On reconnait tant la patte d’Aliose dans ces titres que, tout logiquement, Alizé (qui devait à l’origine n’être « que » compositrice et auteure) tient le rôle de Louise dans le spectacle. Une première en tant que comédienne pour la musicienne qui, guidée par la metteuse en scène Sophie Pasquet-Racine, livre une interprétation touchante. « J’ai accepté ce défi, car en fait, ce rôle, ce n’est pas une projection de l’esprit. Je suis née à une autre époque, mais j’aurais pu être Louise ».
Xavier, que sa formation d’historien avait tout désigné pour l’écriture du livret, raconte avoir tenu à respecter scrupuleusement les sources. « À chaque fois qu’on s’éloignait de ce qui était historique – lorsqu’on a tenté d’imaginer une histoire d’amour entre deux personnages, par exemple – on se rendait compte qu’on diluait l’essentiel ». Un choix artistique qui a probablement contribué à rendre l’histoire à la fois si juste, si injuste, si entêtante.
Le couple précise également avoir voulu se détacher de l’utilisation romancée de la figure de la sorcière, souvent dépeinte aujourd’hui comme une femme spéciale, libre, avec des pouvoirs propres à son essence. « Les sorcières, dans la plupart des cas, n’avaient rien de tout ça. C’était des simples histoires de voisinage, de jalousies, de bruits qui courent ».
Sorcière – le musical. Photo ©Julie Masson
Les artistes
L’une des grandes forces de ce spectacle est sa distribution. Pour donner la réplique à Alizé, on retrouve la magnifique Mané en petite sœur, Pascal Rinaldi en juge, Tristan Giovanoli en seigneur propriétaire de terres et Dominique Tille en médecin. Autour de Xavier Michel aux guitares, le batteur Félix Bergeron est un concentré d’intensité, et la violoncelliste Fanny Balestro est bouleversante lorsqu’elle interprète la douleur de Louise dans une danse torturée. Le chœur, frissons de la pièce tant les harmonies et les voix sont belles, est composé de huit solistes fort∙e∙s d’une belle renommée internationale, principalement venu∙e∙s du monde de la comédie musicale. C’est également le chœur, sous l’impulsion de Sophie Pasquet Racine, qui imprime une dimension contemporaine à la narration historique.
Sorcière – le musical. Photo ©Julie Masson
Ce spectacle immersif, qui réunit des artistes de la chanson francophone, du classique et de la comédie musicale, dont le sujet semble avoir touché une corde sensible, est l’évidence même que la scène romande n’a rien à envier ailleurs… et qui sait, Sorcière fera même peut-être son petit bout de chemin jusqu’à Broadway un jour ?
Sorcière – Le Musical
Les 23 et 24 août 2025
Théâtre du Jorat
Toute la programmation de saison du Théâtre du Jorat : www.theatredujorat.ch
Les dates de la tournée de Sorcière (à venir) : www.sorciere-lemusical.ch