Hier soir au Casino de Montbenon, la violoniste Isabelle Meyer et son ensemble Art-en-Ciel ont retrouvé un compagnon de scène, le philosophe Luc Ferry, avec qui ils ont créé Le violon de Cupidon il y a de cela dix ans. Le sujet ne sera jamais clos, on se laisse donc bien volontiers parler de mythes, d’amour et de mort.
Texte de Katia Meylan
Créé en 2013, adapté en 2017 et repris à ce jour dans une version encore un peu différente, Le violon de Cupidon porte la signature d’Isabelle Meyer par le fait de se trouver à la croisée de deux disciplines. En effet, dans les spectacles imaginés par l’artiste, le tango, le hip-hop et la magie, mais aussi la biologie et la philosophie côtoient tour à tour son violon. Ici, le programme est composé de courtes pièces musicales inspirées d’œuvres littéraires ayant pour thème central l’amour.
Luc Ferry, dont la tâche est de mettre en évidence les liens entre idées et musique, s’excuse d’emblée de sa grande bavardise, à l’amusement du public. Il a passé des dizaines de milliers d’heures à étudier certains de ces sujets, à écrire des livres sur d’autres, et confie qu’il pourrait en parler des heures. À chaque fois que la digression pointe le bout de son nez, l’orateur lui fait prendre un passage secret qui rejoint le chemin principal, afin de s’adapter au format des quelques minutes de parole entre chaque pièce.

Isabelle Meyer joue la bouleversante Méditation de Thaïs de Massenet, Luc Ferry prend le relais pour en raconter comment Eros et Agapé se mêlent à son histoire. Il se fera aussi médiateur de la compétition entre l’art cartésien d’Apollon et celui, plus instinctif, de Dionysos. Il narrera la mort irréversible que Gluck exprime dans Orphée et Eurydice… mais aussi l’amour plus fort que la mort de Tristan et Iseult. Il semblera aussi s’amuser de narrer la mort dont la bohème française se moque, dont les os cliquètent au rythme de la Danse macabre de Saint-Saëns. Pour cette dernière pièce qui remporte un bravo! du public enthousiaste, violon, piano, alto, violoncelle, xylophone et timbale semblent prendre eux aussi la parole, ayant chacun leur mot à dire.
Brassant ses notes, Luc Ferry s’adresse au public avec l’aisance évidente du professeur de philosophie, de l’ancien Ministre de l’Éducation nationale, du chroniqueur invité chaque semaine sur Radio Classique. Il nous entretien aussi bien de romantisme allemand que de mythologie grecque, sans oublier un petit clin d’œil à l’actualité ou au présent du spectacle. La liberté prise par rapport au texte préparé et son enthousiasme communicatif, à tout trouver « génial » et à nous recommander tel ou tel texte, rendent la causerie accessible – même si peu auront ouvert toutes les lectures dont il fait mention. Le programme musical tend lui aussi à une accessibilité, puisqu’Isabelle Meyer l’a composé de grands œuvres du répertoire.
L’espace scénique est divisé en deux; Luc Ferry est assis à un bureau en bois d’un côté, et lorsqu’il se tait, il écoute d’un air rêveur les musicien·ne·s de l’autre. La lumière alterne une teinte naturelle sur l’orateur et des couleurs plus mystérieuse sur la musique. Cette mise en scène déplace l’écoute habituelle, qui place le musicien comme passeur de la musique. Dans Le violon de Cupidon, Isabelle Meyer et son ensemble semblent faire eux-mêmes partie de l’œuvre qui nous est contée, comme sortis d’un mythe.
Prochaine date de l’ensemble Art-en-Ciel:
Danse avec le violon!
Break, hip-hop et krump
Samedi 1er avril à 20h
Salle des Morettes, Prangins
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