CAMPER PierreDaendliker

Camping dystopien à St Gervais

Du 17 au 20 janvier, Le Théâtre St Gervais Genève accueille la compagnie You should meet my cousins from Tchernobyl avec leur nouvelle pièce Camper. Un spectacle particulier qui mêle science-fiction et camping dans une ambiance brumeuse et quelque peu absurde.

Texte de Catherine Rohrbach

La salle est dans le noir. On aperçoit sur scène de grands sapins et une tente illuminée par un télétexte. Une lampe plasma vient faiblement éclairer cette forêt et des bruits de radio se font entendre dans le théâtre. Tout à coup, une lumière rouge déclenche des stroboscopes et des lasers. On pourrait croire à un atterrissage extraterrestre, mais ce n’est pas ce genre de pièce – ou serait-ce? Les premières notes d’une chanson post-punk retentissent et deux danseuses venues d’un autre monde en habits de cowgirls roses délivrent une performance avant de disparaître. Cette introduction se termine quand une voix off vient placer l’action: après la disparition des ondes courtes de radio, elles commencent à se diffuser à nouveau depuis la forêt d’Aokigahara –  tristement surnommée “la forêt des pendus” – au Japon. Le Bureau des affaires spatiales prend alors la mission d’identifier et analyser ces ondes.

Nous découvrons alors nos deux protagonistes en pleine analyse d’une aiguille de sapin. Theler, radio-physicien (Christian Cordonnier) et Hara, chimio-botaniste (Isumi Grichting) ont déjà passé un certain temps dans cette mystérieuse forêt car même le sel, censé les protéger et les champignons, censés ne pas les laisser tomber dans la déprime, ne semblent plus faire effet. L’atmosphère qui règne sur scène est étrange. On entend le croassement des grenouilles, des grillons, de la forêt qui vit, pourtant nos personnages semblent déjà morts. On apprend que dans leur univers, la joie n’a pas fait partie de leur vie depuis longtemps; le peu de fois qu’elle a été ressentie, elle a effrayé. C’est une dystopie où le bonheur n’existe plus. À la place, il y a le travail: Analyser l’aiguille, écrire le rapport, aller chercher de l’eau, recommencer. Quand Theler réalise que le sel n’est pas salé, pris dans un élan de vie, les deux scientifiques décident de partir, mais préfèrent finalement remplir la destinée de la forêt et se suicider. En fin de compte, ce Bureau n’observerait-il pas plutôt ses équipes dans le contexte énigmatique de la forêt?

Camper traite de suicide certes, mais la pièce n’est pas sérieuse ou sombre. Le jeu des comédien, décalé et apathique rend la brume plus légère et les sujets de conversation des protagonistes, que ce soit l’intrigue d’un film de samouraï, des cours d’espéranto ou les règles du tchoukball, prouvent qu’il s’agit plutôt d’une comédie absurde que d’une tragédie.

Camper
Du 17 au 21 janvier 2023
Théâtre Saint-Gervais, Genève
saintgervais.ch

Photo de haut de page © Pierre Daendliker