Nicolas Bouvier, Corinna Bille, Aude Seigne, Elisa Shua Dusapin… En 50 ans et près de 400 auteurs et autrices publié∙e∙s, les éditions Zoé font désormais partie des valeurs sûres du paysage littéraire romand. Mais le pari était-il gagné d’avance, lorsqu’en 1975, Marlyse Pietri achète une machine offset d’occasion ? La très jolie exposition de la Bibliothèque de Genève (BGE) – où sont gardées les archives de Zoé – retrace les débuts et les succès de cette grande aventure. À voir jusqu’au 4 octobre 2025.
Texte de Marie-Sophie Péclard
Un conseil, ne prenez pas peur devant les barricades qui enserrent l’université du parc des Bastions et montez au premier étage de la BGE qui a ouvert son couloir à l’exposition Zoé ou l’aventure. Vous pouvez l’arpenter seul∙e, ou profiter de l’une des trois visites encore proposées d’ici la fin de l’événement. C’est le parti que j’ai pris et profite ainsi des explications de Paule Hochuli Dubuis et Nicolas Schaetti, commissaires d’exposition.
Les archives des éditions Zoé
Dans un premier temps, il est intéressant de se rappeler que la préservation d’archives des maisons d’édition n’est pas habituelle, la plupart des documents légués à la bibliothèque provenant plutôt de collections privées. Mais, dans le sillage du dépôt légal et du récit de l’histoire de la littérature suisse (deux missions essentielles de la BGE), la conservation des éditions Zoé fait tout son sens. Entre 2014 et 2024, ce sont plus de 30 mètres linéaires qui sont ainsi versés à la Bibliothèque. Des archives numériques sont même intégrées: une première pour la BGE qui doit ainsi mettre en place un nouveau système d’archivage pour ces nouveaux formats (vidéo, audio, word ou pdf !).
À ce moment l’histoire, la lourde porte de l’étage, devant laquelle le groupe est amassé, s’ouvre en force. Et une petite silhouette apparaît, tout en énergie et en sourire : c’est Marlyse Pietri, la co-fondatrice des éditions avec Xavier Comtesse. Elle suivra de loin notre visite, répondant avec enthousiaste à nos sollicitations.
Marlyse Pietri, editions Zoé, P. Pie:
Photo de haut de page: Jeanne Chevalier, Éditions Zoé
« Dans ce qui reste »
Dans ses débuts, Zoé conjugue le travail d’édition et d’impression. « J’avais un principe, c’est qu’on s’engage physiquement », explique Marlyse Pietri. Xavier Comtesse quitte l’aventure après un an, et Marlyse s’entoure de trois nouvelles partenaires, Sabine Engel, Arlette Avidor et Michèle Zurcher. En 2011, la fondatrice remet les clés de Zoé à Caroline Coutau qui amène une nouvelle génération de plumes au catalogue, comme le jeune collectif de l’AJAR, dont font partie Aude Seigne et Bruno Pellegrino.
L’exposition met en évidence les ouvrages qui ont marqué l’histoire des éditions, à commencer par De la misère en milieu étudiant, une brochure distribuée à la fin de l’année 66 à Strasbourg et largement diffusée en France. Le document est ainsi réimprimé en 1975, sur les presses de leur atelier de l’avenue Peschier. Zoé affiche un ADN militant et engagé, qui s’incarnera de différentes manières au travers de ses publications qui font la part belle aux récits singuliers et aux styles marqués, toujours avec l’idée de défendre les écrivain∙e∙s suisses.
Le couloir du premier étage de la BGE n’était pas extensible, les concepteur∙ice∙s de l’exposition ont dû se limiter à 11 moments de la longue histoire littéraire de Zoé, invitant à s’interroger sur le traitement et le tri des archives d’une manière plus globale. « Quand on édite, on devient public. On pousse les choses dans les bibliothèques et dans l’éternité. On est dans ce qui reste », commente Marlyse Pietri.
Surtout, cette exposition donne furieusement envie de lire. Et si le catalogue de Zoé ne vous suffit pas, un panneau recouvert de post-it pour y laisser ses recommandations ou chiper celles des autres lecteur∙ice∙s…
Vue d’exposition. Photo: Stephane Pecorini
Trois questions à Marlyse Pietri, co-fondatrice des éditions Zoé
Qu’est-ce qui était important pour vous, au moment de fonder les éditions Zoé ?
Je n’avais aucune idée de ce qu’était une maison d’édition, mais je savais qu’être éditeur, c’était choisir des textes et les rendre public. À ce moment-là, je travaillais en Histoire à l’Université, et je voulais quelque chose de vivant, qui ait à faire avec les mots, avec les phrases. Parce que ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les phrases.
Pourquoi Zoé ?
Je ne voulais pas d’un nom de famille, je voulais un prénom de femme. Zoé est arrivé comme une révélation et ça a bien fonctionné parce que ce prénom vient du grec ancien et signifie « La vie ».
Quel livre a marqué votre vie ?
À chaque moment, c’est un autre livre. Mais je vais répondre Le Dehors et le Dedans de Nicolas Bouvier.
Informations pratiques :
Zoé ou l’aventure
Exposition à la Bibliothèque de Genève, Bastions
Du 10 février ou 4 octobre 2025
Lu-ve 9h-18h ; sa 9h-12h
www.bge-geneve.ch/agenda/zoe-ou-laventure