15 minutes de leur vision du monde

Du 15 au 17 février au Théâtre Sévelin 36, sept projets chorégraphiques sont présentés dans le cadre des Quarts d’Heure.

 On ne sait jamais très bien à quoi s’attendre en allant voir les Quarts d’Heure de Sévelin. Et pour cause, le principe de la soirée est de faire découvrir la relève chorégraphique en présentant les premiers pas ou les nouvelles expérimentations d’artistes locaux en format court de 15 minutes. Ce projet mené par le Théâtre Sévelin 36 depuis 2006 est devenu incontournable pour les amateurs de création contemporaine. C’est aussi l’occasion pour les spectateurs de voir quels artistes sont formés dans les écoles professionnelles de la région, qui se sont multipliées ces dernières années. Pour cette édition, ils viennent de la Manufacture (dont les premiers danseurs diplômés sortent en juin), du Marchepied ou encore du Ballet Junior de Genève.

Les Quarts d’Heure donnent aussi un aperçu des thèmes qui occupent les jeunes chorégraphes d’aujourd’hui. Cette année, on remarque que les pièces traitaient de la danse elle-même, mais aussi de sujets plus universels et très actuels. Par exemple, ‟We, Undecidable” se base sur la mémoire du corps: les interprètes partent en exploration en elles-mêmes par l’improvisation, alors que ‟#Jamais après le premier soir” réfléchit autant sur le fait d’être sur scène que sur la façon dont les codes sociaux et ceux d’internet nous influencent, pour leur opposer une énergie vitale frénétique et impertinente. L’image de soi occupe aussi Trân Tran dans une pièce proche du théâtre d’improvisation où le public lit à haute voix des consignes distribuées sur des cartes. L’artiste les performe ensuite au pied de la lettre, montrant ainsi le décalage possible entre les demandes du public et la façon dont elle va les interpréter. Pauline Raineri livre une pièce sombre, violente et très maîtrisée sur l’ambivalence du personnage féminin des films noirs des années 1950 et les relations de pouvoir entre hommes et femmes. Plus surprenant dans une soirée dédiée à la relève chorégraphique, le thème de la figure vieillissante du danseur et du vieillissement en général choisi par Pierre-Emmanuel Sorignet, par ailleurs sociologue. Avec le trio ‟Shake your body (down to the ground)”, il aborde avec finesse cette étape de l’existence en tant que processus, entre humour, révolte et tendresse.

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“Just another really good Spanish song”  Photo: Philippe Weissbrodt

L’humour était d’ailleurs assez présent, ce qui n’est pas le cas chaque année. Le public a beaucoup ri aux interventions de Trân Tran, aux apparitions absurdes contenues dans ‟#Jamais après le premier soir”, à la maladresse extrêmement bien feinte des interprètes de ‟Just another really good spanish song”, où d’autre part les accessoires quittent la scène tout seuls et où Spiderman fait une apparition qui passe presque inaperçue. De manière générale, ces traits d’humour sont présents dans les détails, ce qui les rend encore plus savoureux, à l’image de ce danseur de ‟Shake your body”, qui enfile ses lunettes pour mieux voir la console de sons qu’il doit manipuler.

La qualité des pièces présentées laisse présager une belle vingtième édition des Printemps de Sévelin, ce festival dont les Quarts d’Heure sont le prélude. Du 8 au 26 mars à Lausanne, ce sont cette fois non seulement des compagnies locales émergentes qui seront présentées, mais aussi des œuvres d’artistes confirmés, suisses et internationaux.

Texte: Cécile Python

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