Adriano Koch

Vivre de son art – une attente légitime trop souvent impossible

Témoignage : Adriano Koch, pianiste et compositeur

Parcours – De jeune prometteur à artiste

« Je fais des concerts depuis que j’ai 11 ans, j’étais super investi dans la scène locale, j’étais ce jeune prometteur autodidacte. Ça s’est gentiment estompé – et c’est assez déroutant au début, mais c’est normal, et c’est même une bonne chose : quand on dit « un jeune talentueux », on pense à sa virtuosité, son niveau par rapport à une norme. Une fois adulte – une fois artiste – ce n’est plus une question de niveau mais de personnalité artistique. Aujourd’hui je pense beaucoup moins au regard des autres, beaucoup plus au sens de ce que je fais. J’ai moins envie de me mettre en avant, je suis juste heureux que mon art touche. »

Plusieurs années je me suis attaché à l’idée qu’il me fallait des concerts pour vivre, que si je bossais comme un fou, j’allais y arriver. Mais en fait… il y a un truc qui joue pas. 

La précarité ne nourrit pas la créativité

« Juste avant le covid, le moteur prenait : j’avais sorti mon album Lone, il y a eu un concert au Romandie en mars, quelques jours avant le confinement. J’avais une tournée prévue, j’étais programmé à Paléo… qui a été annulé, deux années de suite. L’arrêt des concerts a été difficile sur le plan financier, l’ambiance était précaire. J’ai vécu des sortes de montagnes russes. Jusqu’en 2022, j’ai fait encore quelques concerts, notamment au Reeperbahn Festival à Hambourg, qui a une plateforme dédiée aux professionnels de l’industrie musicale. On a conduit 15 heures aller et 15 heures retour en camionnette avec mon ingé son et mon ingé lumière, c’était un investissement que j’avais pris la décision de faire, mais j’ai regretté car c’était trop d’effort pour ce que c’était. C’est souvent comme ça, la scène : à la fin de la soirée, si tu veux payer convenablement les gens avec qui tu travailles, tu n’es pas rentable. Plusieurs années je me suis attaché à l’idée qu’il me fallait des concerts pour vivre, que si je bossais comme un fou, j’allais y arriver. Mais en fait… il y a un truc qui joue pas. À 24 ans, je commençais à sentir l’impact que cette vie avait sur ma santé. Je ne sais pas si je peux dire que j’étais en burn-out, mais j’avais une espèce de répulsion de la musique. Je n’ai pas été inspiré pendant environ un an, car j’avais assimilé la musique à quelque chose qui devait me faire vivre, et ce n’était pas le cas. Alors j’ai décidé de changer de paradigme. Je ne fais presque plus de concerts. La scène me manque, beaucoup, mais j’y reviendrai quand ma stabilité me permettra d’être sur scène, à perte, pour les premières années.

J’ai découvert le monde de l’image, monté ma boite de production (Roasted Agency) et en ce moment c’est ça qui me fait vivre.  côté, je me suis installé dans mon studio d’enregistrement et de création pour prendre le temps de redessiner mon rapport à l’art. Je n’ai pas fait Wild Blue (son court-métrage documentaire sorti en mai 2025, voir l’article de L’Agenda à ce sujet [ici]) parce que je voulais vivre, je l’ai fait pour moi, pour grandir artistiquement, et pour toucher le public. »

***

Récapitulatif de quelques points que fait ressortir ce témoignage:

  • Les concerts sont souvent mal rémunérés. La rémunération ne doit pas uniquement prendre en compte l’heure de concert, mais aussi les répétitions, le temps de trajets, les coûts de transports, etc.

  • Les musicien·ne·s se retrouvent parfois à perdre de l’argent en exerçant leur travail.

  • Trouver un travail alimentaire (en lien ou non avec leur art) est une solution pour laquelle certain·e·s optent, mais…
    – Elle n’est pas possible dans tous les cas de figure
    – Elle ne laisse pas toujours assez de temps et/ou d’énergie pour créer

  • Artiste est un métier. Comment redéfinir la valeur de l’art et mieux l’intégrer au fonctionnement économique actuel ?

 

Photo de haut de page: © L’Agenda
Adriano Koch lors de son concert au Romandie en mars 2020. 

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