Olivia Jacobson

Olivia Vilmart-Jacobson: prédestinée à Chopin par une cassette audio

Vaste est le répertoire pour une musicienne qui se lance dans la musique de chambre, et nombreux sont les ensembles à cordes. Dans ce champ infini des possibles, le Quintette Éphémère, mené par la violoniste Olivia Vilmart-Jacobson, est l’un des très rares à se spécialiser dans l’accompagnement de la musique orchestrale de Chopin en version de chambre, dans des partitions écrites par le compositeur lui-même. Logique et inévitablement naturel, dira-t-on, car Olivia n’est autre que la fille d’Aldona Budrewicz-Jacobson, fondatrice du Festival Chopin Genève dont la 28e édition se tiendra du 2 au 12 octobre 2025. Interview d’une violoniste biberonnée à la musique polonaise.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

L’Agenda: Votre maman a fondé le Festival Chopin en 1997, alors que vous aviez douze ans. Est-ce qu’un∙e compositeur∙ice peut « rivaliser » avec Chopin dans votre cœur de musicienne ?

Olivia Vilmart-Jacobson : Comme j’ai été bercée depuis toujours par la musique polonaise, Chopin et le répertoire pianistique, c’était naturel de m’y intéresser. Mais ma passion première reste le répertoire pour violon, car je suis violoniste avant tout (sourire) ! Pour moi, ces mondes ne sont pas en « rivalité », ils se complètent. J’ai un plaisir fou autant à jouer les accompagnements pour cordes de Chopin que les grands concertos pour violon, la musique de chambre en sonate ou les sonates et partitas de Bach pour violon seul. J’aime aussi m’intéresser à d’autres manières, moins classiques, d’approcher les différents répertoires. C’est pour ça que j’ai fondé Les Archets du Léman en 2019 : on a donné des concerts en collaboration avec des écrivains, des comédiens, des chanteurs d’oiseaux, et même des mathématiciens.

Est-ce que vous vous souvenez de la première édition du Festival Chopin à laquelle vous avez participé ?

Je m’en souviens, car c’était la toute première ! J’étais là depuis le départ. D’abord pour distribuer des programmes, aider dans les coulisses… Au début, on fait ce qu’on peut avec les moyens qu’on a ! Ma maman est partie de très peu. Je suis en admiration devant ce qu’elle a su créer. Le Festival Chopin, c’est son troisième bébé, après ma sœur et moi (rire).

Toute jeune olivia

Une toute jeune Olivia Vilmart-Jacobson (à droite).

Et depuis dix ans, vous y jouez vous aussi en tant qu’artiste, à la tête du Quintette Éphémère.

L’expérience a même commencé en 2012, mais pas encore sous ce nom-là. J’avais monté un quintette pour accompagner les élèves des masterclasses. Au début, ça a été difficile de trouver les bonnes personnes avec qui jouer. J’ai persévéré, et en 2015, j’ai trouvé Elsa Camille Sapin, mon « bras gauche » si je peux dire, et Giuseppe Russo Rossi à l’alto et Florestan Darbellay au violoncelle, qui sont là depuis le début aussi. Les contrebassistes Samuele Sciancalepore et Massimo Pinca s’alternent selon les projets, et l’altiste Sarah Chenaf nous a rejoints il y a peu. Chacun a une carrière bien remplie de son côté, mais on arrive toujours à se retrouver pour ce projet et avec tellement de plaisir à jouer ensemble.

Une belle longévité, comme si le nom du quintette avait conjuré le sort !

Oui, à l’époque, je ne savais pas combien de temps ça allait durer. En choisissant ce nom pour le quintette, j’ai surtout pensé au fait qu’on jouait ensemble à ce moment-là, ici et maintenant, dans l’instant présent – éphémère. Et pourtant, aujourd’hui, nous avons dix ans d’activité!

Dans ce contexte, vous vous êtes spécialisé∙e∙s dans l’accompagnement pour cordes de la musique concertante de Chopin. Quel est votre lien à ce répertoire ?

Quand j’étais enfant, je devais avoir 9-10 ans, j’allais à Sion prendre des cours chez Tibor Varga, on faisait le trajet tous les week-ends, soit avec ma mère, soit avec mon papa. Avec ma mère, pendant le trajet, on avait UNE cassette audio, un enregistrement des concertos de Chopin en version de chambre, joué par Marek Drewnowski et son quintette, qu’on écoutait en boucle. Il s’agissait du premier enregistrement au monde de ces concertos en version de chambre, et c’était d’ailleurs l’idée de Marek Drewnowski de les enregistrer. On n’arrivait pas à décider lequel on préférait, le n°1 ou le n°2, d’ailleurs on n’a jamais décidé. En réfléchissant, je crois que j’ai découvert ces concertos en version de chambre avant même d’entendre les versions orchestrales. C’est drôle de penser que par la suite, Marek Drewnowski a été le tout premier pianiste à jouer au Festival Chopin, qu’il est devenu un ami de la famille et que, presque trente ans plus tard, je joue régulièrement avec son fils Michal !

Est-ce qu’un∙e pianiste invité∙e au festival vous a laissé un souvenir particulièrement marquant ?

Plusieurs… Évidemment, certains musiciens nous touchent plus que d’autres. Il y a eu un récital de Krzysztof Jablonski pendant lequel j’ai été submergée, le souffle coupé.

Que faut-il selon vous pour comprendre Chopin ?

Une sensibilité au folklore polonais et – sans même forcément la parler – une sensibilité à la rythmique et à la mélodie de la langue polonaise. Ça aide à faire des phrasés qui ont du sens. Je l’entends, quand quelqu’un est sensible ou non à cette mélodie. 

En concert d’ouverture, votre quintette va interpréter avec Leonora Armellini la Grande fantaisie sur des airs polonais et le Rondo à la Krakowiak , que vous aviez joué avec François Dumont en 2021. J’imagine que le quintette s’adapte aux propositions des solistes ?

Exactement. On a hâte de rejouer pour la deuxième fois ce répertoire, qu’on joue beaucoup moins souvent que les concertos ! François Dumont nous avait proposé sa version qui, à mon sens, était magnifique, et on se réjouit de découvrir celle de Leonora. On se retrouve toujours face à d’autres interprétations, ça demande d’être à l’écoute les uns des autres, à l’écoute du soliste, beaucoup de souplesse de jeu et de réactivité. J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet… (sourire mutin). Lorsqu’on a joué le Concerto en fa mineur l’année dernière avec Michal Drewnowski, il est arrivé à la répétition avec l’envie de proposer une interprétation différente de toutes celles qu’il avait jamais pu faire ou entendre. Il a joué presque sans aucun rubato, alors j’ai laissé de côté ma partition où j’avais noté les rubatos de tous les autres pianistes depuis dix ans et j’en ai repris une nouvelle, totalement vierge. On est arrivés le soir du concert… et là, avec l’adrénaline, le background de son père, le sien, le contexte de la musique polonaise je pense… il a commencé à jouer avec tous les rubatos possibles et imaginables ! On s’est regardés avec mes collègues du quintette, et on a tout de suite compris ce qu’il allait faire et ce qu’il fallait faire, même si cela n’avait rien à voir avec ce que l’on avait répété. À la fin du concert, on en a discuté avec Michal et on en a tellement ri. Ces rencontres, à travers le quintette éphémère et ses expériences musicales singulières, sont avant tout une véritable aventure humaine !

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Festival Chopin Genève
Du 2 au 12 octobre 2025
www.societe-chopin.ch/fr/programme/festival-chopin-geneve

Le Quintette Éphémère jouera avec la pianiste Leonora Armellini lors du concert d’ouverture, le 2 octobre à 20h au Conservatoire de Genève.

Olivia Vilmart-Jacobson jouera avec le violoncelliste Marcin Zdunik et le pianiste Pawel Mazurkiewicz lors du concert de clôture, le 12 octobre à 17h au Conservatoire de Genève.

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