En quête de liberté

Une bande de corsaires nous embarque pour quelques jours dans la ville de « Libertalia » au Casino Théâtre de Rolle, où depuis un mois ils ont trouvé refuge pour créer leur « utopie pirate ».

Texte: Katia Meylan

Photo: Mathilda Olmi

La metteuse en scène Heidi Kipfer s’inspire de L’Histoire générale des plus fameux pirates, un ouvrage du 18e siècle attribué à Daniel Defoe, pour imaginer, entourée de huit autres comédien∙ne∙s/musicien∙ne∙s/chanteur∙euse∙s, sa propre Libertalia. « L’idée m’est venue  à Amsterdam, au musée la marine. La visite m’a donné envie d’aller relire mes romans de jeunesse, Robinson Crusoë, L’île au Trésor… J’ai lu L’Histoire générale des plus fameux pirates, et j’y ai découvert l’histoire de Libertalia », nous confie-t-elle.

Ce roman qui inspire la metteuse en scène, documenté, est composé de biographies de pirates. Il brode des histoires de jambes de bois, d’yeux de verre, de drapeaux et de camaraderie en se basant sur des sources historiques. Sauf pour la partie concernant Libertalia, sur laquelle il est impossible de retrouver une seule source… Cette ville fondée au large de Madagascar par des hommes et des femmes qui souhaitaient vivre dans une société libre de toute domination a-t-elle vraiment existé un jour?

Heidi Kipfer n’en a cure, et nous non plus. Ce qui compte c’est l’instant que l’on passe à rêver, à imaginer qu’un monde d’aventures où l’on vit comme des frères et des sœurs est encore possible.

« J’ai cherché tout ce que je pouvais trouver autour de ce récit, car il y a eu beaucoup d’écrits à ce sujet. Ce monde m’a passionnée. Vous savez, quand on commence à chercher, c’est comme quand on ouvre les tiroirs; un moment donné j’avais beaucoup trop d’informations, beaucoup trop d’histoires, et j’ai demandé à Marie Perny, avec qui j’ai travaillé par le passé, de venir m’aider à trouver une ligne dramaturgique. On a aussi écrit certains textes nous-mêmes ».

Photo: Mathilda Olmi

Dans la pièce Libertalia, une utopie pirate, la troupe nous emmènent voir le large, depuis le port où se rencontrent le capitaine Misson et le prêtre défroqué Caraccioli, jusqu’au jour où c’est leur destin qui les rencontre. Au fil du texte de Defoe, des textes d’Heidi Kipfer, des poèmes, des acrobaties, des chansons traditionnelles ou des compositions originales, on vogue sur les pensées, les manière de voir le monde, les utopies de ces neuf corsaires.
Dans cet équipage hétéroclite, chacun∙e chante, danse et joue à sa façon. La talentueuse violoncelliste Jocelyne Rudisagwa sait manier le ukulele, Daniel Perrin est tantôt à la guitare avec son compère Pascal Schopfer, tantôt à l’accordéon et fait même résonner des instruments improvisés comme la planche du pont du navire. Lee Maddeford entonne la chanson traditionnelle irlandaise Rye Whiskey d’une voix puissante en enrouée qui semble venir tout droit du pont d’un navire, rejoint en chœur par les autres.

Photo: Mathilda Olmi

Les narrateur∙trice∙s deviennent chanteur∙euse∙s, les musicien∙ne∙s deviennent acteur∙trice∙s, selon ce qu’il y a à raconter. Chacun∙e peut tout faire, « sauf peut-être du mât chinois », plaisante Daniel Perrin, se référant à la scène finale où le jeune circassien Léon Volet s’élève en haut du mat.
Tissant un parallèle avec un spectacle de théâtre, le compositeur nous fait part d’un fait historique qu’il a lu récemment: À l’époque de la guerre anglo-espagnole, le corsaire Drake avait convaincu la couronne d’Angleterre que pour vaincre l’armada, chacun devrait être capable de faire tous les boulots sur le navire.
Pour Heidi Kipfer aussi, derrière tout cela, il y a l’histoire du spectacle. « Le spectacle est la plus belle des utopies, quelque part. On a une certaine période de temps pour créer une histoire, quelque chose se joue ensemble, quelque chose qui a une petite ou une longue vie, et un jour c’est terminé. Il y a un parallèle entre l’histoire de Libertalia, de ces gens qui espèrent trouver un endroit pour vivre différemment, et celle du théâtre. Pour moi, c’est un peu mon rêve! Je sais bien que c’est un rêve, mais on continue à essayer de créer des bouts d’îles pour faire résistance à ce bordel qui nous entoure ».

Les pirates devront lever l’ancre et quitter Rolle à la fin de la semaine, mais après quelques jours sur la mer ils feront escale dans d’autres théâtres de la région:

Casino Théâtre de Rolle (lieu de création)
Du 1 au 3 novembre

Théâtre Benno Besson – Yverdon
Le 8 novembre à 20h

Oriental – Vevey
Du 13 au 17 novembre

Belle Usine – Fully
Du 29 au 30 mai 2020

Théâtre du Jorat – Mézières
Le 7 juin 2020

Libertalia, une utopie pirate
www.theatre-rolle.ch

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