Le rêve éveillé

Isabelle Matter et Domenico Carli signe une adaptation de « La vie est un songe » de Calderón de La Barca. « Si je rêve », fable sociale aux résonances actuelles se joue au Théâtre des Marionettes de Genève jusqu’au 24 avril. 

Accueilli par des bruits d’eau, le public est, avant le lever de rideau, transporté dans les égouts où débutera l’action de « Si je rêve ». D’emblée, la frontière entre réalité et fiction est atténuée et l’on ne cessera de basculer d’un côté et de l’autre.

Dans cette cave remplie de rats est enfermé Sigismond, fils du roi Basile. Son père, scientifique tout-puissant, a prédit que le Prince ne gouvernerait qu’en tyran. Pour le bien de la société, il le tient éloigné dans une prison pendant dix-sept ans. Devenu vieux, le roi est pris de remords et décide de laisser une chance à son fils: il le laisse régner une journée pendant laquelle Sigismond navigue entre rêve et réalité. Son destin est alors lié à celui de Rosaure, jeune femme à la recherche de son père qui l’a abandonnée.

Photo: Carole Parodi
Photo: Carole Parodi

Les rapports de forces sont illustrés par le choix des marionnettes: marionnettes à fil pour Sigismond et Rosaure qui cherchent à se libérer de leurs chaînes, des masques pour les pères avides de puissance. Car la quête du pouvoir et de la légitimité est finalement ce qui anime chacun des personnages. Contrôler les autres, mais à quel prix? Quelle est la responsabilité des puissants? Si le gouvernement semble inébranlable, le peuple et ses réclamations ne grondent jamais loin…

Heureusement, le sérieux des thèmes de cette fable sociale est transfiguré par une mise en scène inventive et surprenante. Les décors industriels ou futuristes, mêlés à un jeu de lumière impeccable, sont visuellement saisissants. La virtuosité des trois interprètes est aussi à noter, car Hélène Hudovernik, Liviu Berehoï et David Gobet se partagent les huit personnages, dans un ballet parfaitement orchestré. L’ambiance musicale est aussi parfaitement soignée: tout est fait pour transporter le spectateur dans un rêve théâtral. Et d’ailleurs, quand le rideau se baisse, nous réveillons-nous vraiment?

Texte: Marie-Sophie Péclard

Photo: Carole Parodi
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