Photo Christian Tandberg. Dansens Hus

The Power (of) the Fragile au far° – danser avec sa mère pour rapprocher les frontières

Le far° (festival et fabrique des arts vivants) de Nyon ouvrait hier soir sa 40e édition avec deux spectacles pour « Brouiller les pistes ». Après un apéro au soleil dans la cour des Marchandises, L’Agenda est allé découvrir The Power (of) the Fragile de Mohamed Toukabri à l’Usine à Gaz.

Texte de Katia Meylan

« Brouiller les pistes » est l’un des idéaux du far° depuis sa genèse, et l’intitulé de l’un des six Parcours proposés par l’équipe organisatrice pour aider à faire son choix parmi la trentaine de projets artistiques au programme du 8 au 18 août. Il rassemble des œuvres dont les récits, à la fois intimes et politiques, imaginent des alternatives.

Dans la pièce The Power (of) The Fragile, ce sont les frontières qu’il s’agit de brouiller. Pour revendiquer le droit de se déplacer dans ce monde comme bon nous semble, surtout si c’est pour être auprès de ceux que l’on aime, le danseur Mohamed Toukabri invite sa mère à le rejoindre sur scène dans un duo qui alterne humour, amertume et douceur.

Entre Tunis et Bruxelles

En tunisien, Latifa raconte son histoire. Son rêve impossible d’être danseuse, son enfance riche de rencontres et heureuse, malgré le fait de n’avoir pas étudié. Son départ à 19 ans pour l’Italie où elle trouve un travail de serveuse en quelques jours, les dix ans passés à vivre comme une locale, ses habitudes qui lui plaisent, sa famille qui lui manque. La rencontre avec l’homme de sa vie, le père de Mohamed, et le retour à Tunis pour vivre avec lui. « Si j’avais su… j’aurais fait des aller-retour pour conserver mes papiers ». 15 ans plus tard, c’est au tour de Mohamed de s’envoler pour l’Europe, avec son bagage hip hop de Bboy. Il se forme à Paris puis à Bruxelles. Mais les frontières se durcissent, les demandes de visa Latifa sont toutes refusées, et mère et fils ne se verront plus pendant de nombreuses années.

Réuni∙e∙s

Aujourd’hui, danser sur scène leur permet de se retrouver. Ou est-ce le fait de se retrouver qui lui permet de danser sur scène ? Cette question en filigrane émeut.

Les longueurs dans la construction de la pièce, la mise en scène aux intensités convenues ne brisent ni même n’altèrent ce lien qui unit mère et fils. Il est ce à quoi on reste suspendu∙e. On imagine leurs rires, leurs discussions, peut-être leurs désaccords alors qu’ils créent et répètent ce spectacle à Bruxelles en 2021 et continuent à le jouer aujourd’hui. Comment un fils et une mère se retrouvent-ils après tant de temps séparé∙e∙s ? Comment se raconte-t-ils ? Comment se laissent-ils chacun∙e l’espace d’exister en arrière ou en avant-scène, en « back stage », sous les projecteurs, en silence ou dans les basses assourdissantes du « sound system » ? Sur le visage du fils, on voit celui de la mère. Dans la puissance contenue des mouvements du danseur, dans la tendresse avec laquelle il entoure et il guide, dans ses yeux à elle… on devine cette fragilité, qui devient leur force.

***

Informations pratiques :
The Power (of) The Fragile
Avec Mohamed Toukabri et Latifa Khamessi
Deuxième représentation ce soir, vendredi 9 août à 21h
Usine à Gaz, Nyon
www.far-nyon.ch/the-power-of-the-fragile  

Le festival se poursuit jusqu’au 18 août !
Toute la programmation sur : www.far-nyon.ch

apéro

far°, Nyon , 8 août 2024

Photo de haut de page: The Power (of) The Fragile.
Christian Tandberg. Dansens Hus

image_pdfTélécharger en PDF