καθαρη πολη / Clean City

« C’est ça. C’est ça la Grèce », convient un spectateur à mes côtés, s’essuyant les yeux alors que les lumières se rallument.  La pièce a touché juste. « C’est ça », prononcé avec une pointe d’accent qui ne saurait cacher son hellénisme, c’est tous les moments de la pièce où les spectateurs ont ri. Dose d’autodérision pour certain·e·s, et pour les autres, la justesse comique d’une considération, la fraîcheur des personnages. Mais « c’est ça », c’est aussi la crise, les difficultés auxquelles grecs·ques et immigré·e·s se cognent. Avec « Clean City », les metteurs en scène Anestis Azas et Prodromos Tsinikoris observent une vingtaine d’années d’histoire de la situation économique et politique en Grèce à travers l’expérience personnelle de cinq femmes de ménage immigrées. 

Texte: Katia Meylan

Le point de départ de ces deux habitués du théâtre-documentaire a été de prendre au sens littéral les propos du parti d’extrême droite Aube Dorée, qui comptait « nettoyer la Grèce » de tous les immigrés. Alors ils ont rencontré celles et ceux qui nettoient la Grèce. Ils ont choisi plus précisément les témoignages de cinq femmes, architecte, professeure ou encore chanteuse, venues en Grèce depuis les Philippines, l’Albanie, l’Afrique du Sud, la Moldavie et la Bulgarie pour tenter leur chance, et devenues femmes de ménage.
Avec la collaboration de ces femmes, devenues comédiennes pour l’occasion, ils écrivent et mettent en scène « Clean City ».

Sur scène, chacune récite son texte, en rang ou disposée dans l’espace. Si leurs répliques rebondissent sur les mêmes thématiques (leur famille, la raison de leur venue en Grèce, leurs employeurs), elles ne semblent pas vraiment se répondre. Le paysage grec se constitue par pièces de puzzle. Le système défaillant de cotisation, le racisme, la connivence de la police avec l’extrême droite. Plus on en apprend sur ces femmes, plus le puzzle se complète. Plus la mise en scène semble les rapprocher, aussi. Enfin elles interagissent, singeant les personnages de l’histoire de l’une, corroborant les dires de l’autre. Au final, on retrouve cinq amies, soudées, dont les chemins se croisent ici, sur cette scène, dans la concrétisation de cette pièce.

Un petit manque  de punch – non pas dans les propos, bien au contraire! Mais parfois dans leur énonciation – et certains choix de mise en scène surprenants (pourquoi nous faire lire la définition de « pureté » défilant sur l’écran tel le générique de La Guerre des Étoiles?) sont aisément mis de côté, minimes par rapport aux différentes émotions que nous transmettent la sincérité et les récits de ces cinq femmes aux caractères bien trempés, et à la justesse du portrait d’un pays que l’on nous a brossé en 1 heure.

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« Clean City » s’inscrit dans le cadre de Lausanne Méditerranées, cycle d’événements culturels et de discussions initié par la ville de Lausanne en collaboration avec le Théâtre de Vidy et la Cinémathèque. Mettant en valeur la richesse culturelle d’une région,  les concerts et créations théâtrales programmés sont aussi des points de départ pour des débats autour de sujets politiques et sociaux actuels.

L’entreprise se démontre nécessaire puisque le public s’y presse, plus encore que lors de la première édition en 2017, dédiée au Maghreb: hier, les derniers spectateurs à entrer dans la salle pour « Clean City » devaient activement chercher les éventuelles places disponibles éparses. La représentation de ce soir annoncée complet également… avec toutefois une possibilité de guetter l’ « alerte places disponibles » sur le site du théâtre.

Pour cette dernière soirée du programme, le Théâtre de Vidy accueille également une lecture de l’auteure, chanteuse et metteuse en scène Lena Kitsopoulou sur le thème d’Antigone, suivie d’un concert de rébétiko en entrée libre dans le foyer.

www.vidy.ch/clean-city

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