Pour les amateurs de comédie musicale, la troupe londonienne est au Théâtre de Beaulieu jusqu’au 7 mai. Une production efficace et de haut niveau.
Texte: Cécile Python
Photos: Alessandro Pinna
Dans la pénombre, des paires d’yeux jaunes s’illuminent les unes après les autres. Alors qu’éclate la musique d’Andrew Lloyd Webber, des créatures hirsutes déboulent dans les allées pour nous entraîner au bal des chats: “Cats” vient de débuter au Théâtre de Beaulieu et ça commence fort. Dans un décor fantastique de terrain vague géant signé John Napier, la célèbre comédie musicale créée en 1981 à Londres va pouvoir se dérouler pour le plus grand plaisir d’une salle comble. Jouée dans le monde entier et récompensée de nombreux prix, la mise en scène originale de Trevor Nunn, longtemps directeur de la Royal Shakespeare Company, a été reprise en 2014 à Londres pour partir ensuite en tournée mondiale.
C’est donc en version originale surtitrée que le public de Beaulieu a pu assister au spectacle, contrairement à la production de Paris en 2015, où la même mise en scène avait été jouée en traduction française. Il faut avouer qu’entendre les acteurs dans leur langue maternelle a son charme, même s’il faut lever les yeux vers le surtitrage de temps en temps.
De toute façon, ce n’est pas vraiment l’action – minime – qui importe dans cette comédie musicale. En effet, celle-ci est vite résumée: une fois par an, les Jellicle Cats se réunissent autour de leur chef, le Vieux Deuteronomy, qui choisit parmi eux celui qui rejoindra la Felinosphère pour pouvoir renaître. Pas de quoi fouetter un chat et on peut se demander ce qui fait tenir le spectacle pendant 2h30. Basée sur des poèmes de T.S. Eliot, la pièce se constitue d’une suite de scènes au cours desquelles on nous présente chaque chat. Si elle ne contient pas tant de rebondissements, on y trouve une certaine poésie et des personnages attachants, tels que Gus, ancien chat de théâtre qui raconte ses gloires passées ou Macavity, le maître du crime, qui donne lieu à un superbe duo de chanteuses.
Malgré quelques longueurs, le spectacle séduit car il est en grande partie basé sur la danse, qui prend le relais de l’action. Pas de dialogue étonnamment, seulement du chant et du mouvement ce qui se révèle très exigeant pour les interprètes qui assurent 2h30 de show. La chorégraphe Gillian Lynne a dansé dans de grandes compagnies de ballet avant de réaliser – entre autres – “Cats”. Sa chorégraphie qui recourt à plusieurs styles pour s’accorder aux divers personnages (classique, jazz ou encore claquettes) est sensuelle et joueuse. Elle se sert de mouvements vifs et précis pour figurer les chats. En dehors des danses de groupes, il y a tout au long de la pièce une gestuelle travaillée: souplesse, passages au sol, cambrures, yeux grands ouverts, gestes vifs de la tête, des mains et des pieds ainsi que des sauts, le tout stylisé évidemment. Seul bémol: elle a tendance à abuser des grands battements de jambe à une hauteur indécente. Cela demande des excellents danseurs capables encore de chanter malgré ce rythme haletant, ce que la troupe relève avec brio. La plupart des interprètes ont des parcours de haut niveau et ils nous servent la pièce avec énergie et précision. On sent en effet que la mise en scène est réglée au millimètre. Les effets spéciaux sont heureusement bien dosés et utilisés à bon escient. Enfin, on apprécie que la pièce déborde le 4ème mur et on profite que les chats viennent chanter nez à nez avec les spectateurs pour les admirer de près. Ainsi, toute la salle devient leur terrain de jeu et le public se laisse entraîner par la magie du spectacle.