Francis Baudevin

Bourses et Prix Leenaards 2024 – Singularité et collectif

Hier soir a eu lieu, sur la scène de la Comédie de Genève, la remise du Prix et des huit Bourses culturelles de la Fondations Leenaards. Un rendez-vous avec autant d’univers, témoins de la vivacité, de la pluridisciplinarité et du besoin viscéral de collaboration de la culture romande.

Ce sont des voix contemporaines qui rythment la soirée : d’abord celle de la compositrice américaine Eve Beglarian, jouée pour la première fois en Suisse par des élèves de l’HEMU puis celle de Steve Reich dans son œuvre 1+1, interprétée par le saxophoniste Laurent Estoppey et la flûtiste Anne Gillot. Un programme musical choisi – en collaboration avec Laurent Estoppey – par Francis Baudevin, Prix culturel Leenaards 2024.

Le plasticien raconte sa découverte adolescente des grands noms de la musique contemporaine, durant son apprentissage de graphiste. Immédiatement, il avait apprécié cette musique qui répondait à son art, qui lui en donnait même parfois la clé, se souvient-il. Francis Baudevin a passé sa vie à réaliser un art bien à lui sur lequel ni la mode, ni l’inspiration n’a de prise. Il l’a simplement fait ainsi, « car c’est ce qu’on sait faire », avec pour bande-son les titres de son impressionnante collection lausannoise de 10’000 disques.

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Sur scène, ému et d’une modestie confondante, il nous convainc sans peine lorsqu’il dit en souriant qu’il avait choisi la peinture car ça, on peut le faire « tout seul dans son coin ». Un aveu qui vient en réponse contrastée aux discours des jeunes lauréat∙e∙s des Bourses culturelles 2024, qui soulignent que se frotter à d’autres regards et collaborer avec d’autres savoir-faire est indispensable à leur pratique.

L’équilibre collectif est dosé et abordé différemment dans chacun des projets ; l’altiste Noémie Bialobroda apprécie le rôle indispensable de « liant » de son instrument au sein d’un ensemble, mais désire également valoriser la voix unique de l’alto au travers d’arrangements personnels de lieder de Schubert ; La plasticienne Anjesa Dellova peint ce qui la dérange chez l’autre, pour à son tour mettre le ou la spectateur∙ice dans une position parfois inconfortable ; La costumière Dora Gomez Rosay voit ses créations prendre vie grâce aux comédien∙ne∙s qui les portent ; L’autrice Alice Bottarelli s’entoure de scientifiques dans son projet d’écriture…

Ainsi la singularité, chez ces huit artistes, n’est pas une fin en soi mais une qualité qui tantôt fait naître des inspirations, tantôt nait ou s’épanouit du rapport à l’autre – que ce rapport soit synonyme de doute, de perte de repères, d’amitié, de connivence artistique.

Katia Meylan

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