Valentin Rossier et Nathalie Sarraute brillent au jeu des apparences

Belle réussite pour Valentin Rossier qui signe une mise en scène élégante du diptyque « Le Mensonge » et « Le Silence » de Nathalie Sarraute. Au Théâtre du Grütli jusqu’au 20 mars.

Au milieu des babils mondains et superficiels, le « mensonge » et le « silence » s’apparentent à des bombes à retardement. Dans la première pièce, un groupe d’amis se moque de Madeleine (absente) qui s’invente une origine modeste, mais aucun d’entre eux ne songerait à le lui faire remarquer. Mensonge collectif, arrangé, nécessaire… mais complètement intolérable pour Pierre qui aimerait que la vérité éclate de toute part et en tout temps. Comme Alceste, il « [voudrait] qu’on soit sincère, et qu’en homme d’honneur, on ne lâche un mot qui ne parte du coeur ». Dans « Le silence », c’est un autre aspect de cette éternelle comédie humaine qui est décortiqué sous le scalpel de Nathalie Sarraute. En imposant son silence au groupe, Jean-Pierre refuse de se donner et de se soumettre au jugement des autres, tout en les narguant de son jugement irrévocable. Car Jean-Pierre ne parle que lorsqu’il juge utile de contribuer à la discussion… Son silence renvoie ainsi chacun à sa propre condition, avec plus ou moins de douleur.

Photo: Marc Vanappelghem
Photo: Marc Vanappelghem

Chez Nathalie Sarraute, c’est le texte qui est le personnage principal. À l’image de ses deux détracteurs fictifs, elle se méfie des effets et des ornements du langage. « Le Mensonge » et « Le Silence » remettent en question tant le jeu théâtral que la comédie que chacun se joue quotidiennement. Un vertige parfaitement maîtrisé par Valentin Rossier qui mesure ainsi sa scénographie en limitant les mouvements des comédiens à la simple évocation et jouant subtilement avec la lumière et la musique. Les acteurs se partagent deux podiums où trônent d’une part un canapé et de l’autre un fauteuil afin de montrer l’écart entre le groupe et « l’indésirable ». L’ensemble est charmant et dynamisé par la finesse de tous les comédiens (Anthony Mettler, Caroline Cons, Bastien Semenzato, Céline Bolomey, Pascale Vachoux, Céline Nidegger, Frédéric Polier et Valentin Rossier) qui se délectent de cette tension entre vérité et hypocrisie, honnêteté et ironie. Et entraînent le public.

Texte: Marie-Sophie Péclard

Photo: Marc Vanappelghem
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