Je me rends aux Docks à Lausanne, à quelques minutes de chez moi, comme si je me rendais en terre inconnue. Mais pas seule, j’ai des guides qui connaissent les codes de ce monde. La salle est bondée, on est arrivé juste à l’heure, à peine entrée et les basses me font vibrer des chevilles aux cheveux. Est-ce que ce sera la seule chose qui me fera vibrer? je me demande.
Texte: Katia Meylan
« Ça va Lausanne? On l’attend depuis longtemps, ce concert! ». À la voix puissante qui sourit, le public, malgré les masques, répond enflammé sous la pluie. Il a envie de rendre au rappeur ce que celui-ci lui a donné, dans ses singles, depuis la sortie de ses deux derniers albums en 2019. Deux ans que le public suisse attendait ce concert de Scylla.
Depuis le fond de la salle je le vois, veste rembourrée, entouré de trois artistes qui gèrent le son et les voix de backup, parapluies à la main. Derrière moi, mon guide. À gauche, un fan qui connait les textes et à droite, deux potes qui de temps en temps se disent « quelle voix de ouf ». L’ambiance me surprend, à la fois calme et grondante. L’insurrection est palpable mais pas si visible car chacun∙e écoute. Juste devant moi, un gars immense, il fait un cœur avec ses mains, il s’exprime, il connait les textes lui aussi. Moi pas encore. En concert, généralement j’aime bien danser… mais là, puisque je ne connais pas, je décide de déléguer mes mouvements à ce grand gars. Il ne le sait pas mais je disparais derrière lui, je reste immobile à découvrir les textes.
L’ogre de Bruxelles, le poète, de sa plume a gratté la couche de vernis de nos vies.