Pour son dernier roman, le premier à paraître aux Éditions Encre Fraîche, l’auteur Olivier Chapuis nous plonge dans le journal intime d’un jeune homme. Âgé d’une trentaine d’année, il est atteint d’une maladie probablement incurable, le syndrome de Balthasar, ou la transformation progressive et intérieure du malade en animal. C’est-à-dire que même si le sujet présente une apparence inchangée, son esprit fonctionne comme celui d’un animal dont il adopte les comportements, plus précisément un chien pour le protagoniste de « Nage libre ». Confronté aux incertitudes de la médecine – les symptômes de cette maladie orpheline sont peu connus, seuls quelques cas ont été recensés – et le refus de finir sa vie comme un chien, le narrateur planifie son suicide.
Il décide de passer le dernier mois de sa vie à la piscine de P*, près du Léman. La chaleur de l’été et la proximité des corps lui permettront sûrement, il l’espère du moins, de rencontrer une femme et, sait-on jamais, de lui faire un enfant. Une dernière pulsion de vie ou peut-être une ultime tentative de réaliser sa destinée d’homme. Car, plus que de transformer son humanité en animalité, c’est surtout le fait de se faire surprendre en plein délit de comportement canin qui effraie le protagoniste. Laper le sol, lever la jambe pour se soulager, respirer l’arrière-train des demoiselles… Cela ne se fait pas quand on est un jeune homme poli dans une société raisonnable. En cela, la piscine se révèle un refuge rassurant, un microcosme où les règles coulent de source, qu’elles soient sécuritaires ou sociales.
L’observation quotidienne par le narrateur est ainsi prétexte à la critique sociale mais aussi aux rencontres décalées. Ces personnages loufoques et réchappés des clichés pourront peut-être aider le narrateur à sortir des sentiers battus, à s’affranchir des codes et trouver sa « nage libre ». Ces rencontres, souvent caustiques, insufflent un ton surréaliste rafraîchissant qui s’associe très bien au suspens qui plane sur la lecture de ce journal: le narrateur va-t-il finalement mettre à exécution son projet morbide?
À lire au bord d’une piscine, certes, mais si ce mois de mai capricieux ne vous donne pas confiance dans la météo, votre canapé fera très bien l’affaire…
Texte: Marie-Sophie Péclard