Si vous croisez la route d’un chapiteau dans un lieu insolite, il pourrait bien s’agir de celui des ArTpenteurs, une troupe de théâtre itinérante et pleine d’énergie. Dès cette semaine, elle repart en vardouille conter le monde merveilleux de Gulliver.
Texte et propos recueillis par Jeanne Möschler
Photos: © Philippe Pache
Carte blanche en poche, Yvan Richardet, improvisateur, comédien et musicien, devait écrire une comédie musicale jeune public sur le thème du voyage. En se replongeant dans Les Voyages de Gulliver, il a remarqué que beaucoup d’éléments faisaient échos à L’Odyssée d’Ulysse, interprété par sa troupe quelques années auparavant. Adapter la masterpiece de Jonathan Swift se révélait donc être une belle occasion de prolonger le travail avec la même équipe… ou presque. « Nous serons six à jouer sur scène; Laurent Annoni, Chantal Bianchi, Lorin Kopp, Verena Lopes, moi-même et Donatienne Amann, qui rejoint la troupe pour ce spectacle. Elle a un chouette parcours dans l’humour et l’improvisation, et ça nous permet d’avoir un autre point de vue. »
Depuis plus de 20 ans, les ArTpenteurs, sous la direction Chantal Bianchi et Thierry Crozat – metteur en scène des Voyages de Gulliver – présentent leurs créations dans toute la Suisse et à l’étranger. Lors de ces voyages, une « hospitalité réciproque » s’instaure; l’équipe s’installe dans une région qui devient temporairement la sienne et les gens sont chaleureusement reçus chez elle… chez eux. « Le chapiteau permet
de se rendre dans des lieux où il n’y a pas forcément de théâtre. Et aussi, on a une réelle envie de voyager et de rencontrer! »

Photo: Félix Imhof
Du théâtre lisible et jovial
L’oeuvre gullivérienne se compose de plusieurs couches – parodique, satirique et ironique – et propose donc un matériau très riche pour éveiller et stimuler les enfants. « Avec un jeune public, il faut que la pièce soit claire, mais pas simpliste. Elle doit être lisible, et nous, on doit tenir nos promesses, car le jeune public ne pardonne pas », estime Yvan en riant. Celui-ci a pris une liberté généreuse dans l’adaptation de ce fameux texte datant de 1721. En plus de proposer des images esthétiquement belles, il a souhaité réactualiser certaines analogies pour les jeunes générations d’aujourd’hui: « Comment parler de thèmes adultes, tels que l’anthropocentrisme, à des enfants? J’ai remplacé les chevaux parlants de Swift par des souris. C’est à la fois un animal chou, ce qui ménage une porte d’entrée aux enfants, et c’est une bête de laboratoire – ce qui est lié à la question de la place que prend l’humain dans la nature. » Le rire aura aussi une place centrale dans la pièce, car c’est « un outil pour garder l’attention. Et en plus, quand on rit ensemble, on est relié par quelque chose, c’est énergisant. » Avec un théâtre critique et joyeux, la troupe souhaite entamer la réflexion de la multiplicité des points de vue et de la prise de recul sur la réalité.
Un autre à la fois très petit et très grand
L’improvisateur confie être effrayé par l’évolution de notre rapport à l’information: « Une partie des jeunes se fie désormais à des vidéos TikTok et des tutos YouTube pour s’éduquer. Avec des informations très courtes, on ne montre qu’un seul point de vue alors qu’une pensée complexe devrait en faire dialoguer plusieurs entre eux. » C’est par un jeu de perspectives, de miniatures, de vidéos et d’ombres chinoises que les comédien∙ne∙s vont s’amuser à multiplier les points de vue et à questionner notre rapport parfois trompé à la réalité. Le théâtre à vue ou avoué est particulièrement adapté pour explorer ces questions. « On ne cherche pas à créer une illusion du vrai, on montre les coulisses et cela s’inscrit dans notre ligne artistique. » Marionnettes en boîtes de conserves et grimage en direct; objets et corps prennent vie sous les yeux du public. « Pour la scène de l’orage, par exemple, on filme une scène d’objets avec une toile pour faire la mer, et on la projette ensuite en grand écran au ralenti, ce qui donne un côté épique! » se réjouit Yvan.

En musique et avec le public
« Dans la troupe, on aime les personnalités multi-facettes et polyvalentes, certains font à côté du cirque, de la danse contemporaine ou du mime. Ces différents outils donnent des possibilités de création très riches. » L’équipe fera la part belle à la musique avec une ribambelle d’instruments – notamment ukulélé, trompette et synthé – sur des chansons de Joséphine Maillefer. « Les musiques permettent de faire une description d’un lieu de manière dynamique ou d’amplifier une petite émotion… et elles créent un moment mémorable. » Le public sera placé en arc de cercle autour des comédien∙e∙s – et jamais à plus de trois mètres, ce qui crée une belle proximité entre les deux côtés. L’équipe souhaite transmettre et éveiller plusieurs choses chez leur jeune public: « on aimerait qu’ils cherchent à reproduire les effets d’optique et qu’ils puissent mettre en scène la réalité. Par exemple s’amuser à reproduire des miniatures avec leur smartphone ou faire parler leurs doigts comme des marionnettes. Et s’il leur reste un ou deux refrains en tête, c’est encore plus chouette! ».
Informations pratiques:
- Du 31 août au 5 septembre 2024
Place Favre, Chêne-Bourg
www.pointfavre.ch - Du 11 au 16 septembre 2024 à 17h
Jardin Roussy, La Tour-de-Peilz
www.orientalvevey.ch - Les 21 et 22 septembre à 18h
Parc Mon-Séjour, Aigle
www.waouw.ch - Les 28 et 29 septembre à 18h
Théâtre de Grand-Champ, Gland
www.grand-champ.ch
www.lesartpenteurs.ch