Le 24 novembre dernier, le théâtre Forum Meyrin proposait une pièce intitulée « Depuis l’aube (Ode aux clitoris) ». Dans ce spectacle, Pauline Ribat et ses deux compagnons se penchent ainsi sur le sujet difficile du sexisme.
Les mots sont crus, les paroles acerbes. La metteuse en scène et comédienne Pauline Ribat, ainsi que ses deux acolytes, ne nous ont pas épargnés. Sans détour ni faux semblant, ils appelleront un chat un chat et une chatte une chatte. La troupe nous interpelle ainsi sur les violences dont les femmes sont victimes tous les jours, et ceci partout dans le monde.
Pauline Ribat ne propose pas une histoire suivie, mais plutôt un ensemble de tableaux traitant de sujets hétéroclites de manières variées. De la chanson au monologue, avec quelques pas de danse, des instruments… Les moyens de s’exprimer sont divers. Lorsque les mots ne suffisent plus, la musique prend le relai. Dans cet imbroglio de procédés théâtraux, les comédiens n’ont pas un rôle fixe. Ils incarneront de multiples personnages, parfois même dans une seule scène. D’autres fois, ils seront simplement eux-mêmes, discutant avec les spectateurs comme avec de vieux amis.
Des situations diverses sont mises en scène, de l’épilation à l’excision en passant par le viol et le
harcèlement de rue. Sans tabou, les trois comédiens parlent d’orgasme et interpellent le public « et vous, vous décririez comment la masturbation ? ». La salle se tasse, d’abord silencieuse et mal à l’aise. Puis une réponse fuse depuis un groupe de jeunes femmes : « autosuffisance ! ». Le public se détend, on rit, puis d’autres spectateurs ajoutent leur pierre à l’édifice. Pendant toute la durée du spectacle, Pauline Ribat s’applique ainsi à mettre chacun face à ses propres limites, à aller au-delà de ses frontières et à briser ses tabous. Du côté spectateurs, la salle passe du rire au dégoût ou à la colère en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Par exemple, lors d’une simulation de coït, quelques rires se font entendre dans la salle. La situation n’est pas vraiment amusante, mais la gêne de certains se fait sentir. Le tableau devient de plus en plus drôle avec la mise en avant de doubles standards concernant les insultes.
Pourquoi les hommes pourraient utiliser des mots crus pendant l’acte sexuel, alors que le même comportement de la part de femmes paraît incongru ? On rit de ce paradoxe. Puis l’atmosphère change et les sourires disparaissent. L’heure n’est plus à la rigolade, le sujet devient grave. Sans honte et sans victimisation, le sujet du viol est à présent traité. Les situations se suivent ainsi les unes les autres, parfois de manière un peu trop artificielle.
Avec « demain dès l’aube (ode au clitoris) », Pauline Ribat souhaitait en effet « interroger les discriminations faites aux femmes, questionner le rapport de force quotidien entre hommes et femmes. Et la question était : comment faire du théâtre de ces situations si crues et dérangeantes ?».
A la sortie du théâtre, les discussions allaient de bon train, interprétant les propos, parlant des discriminations. Parfois enthousiastes, parfois choqués, personne n’est resté indifférent. C’est donc un pari réussi pour la jeune metteuse en scène.
Texte: Maud Marchal Dombrat
Photos: Victor Tonelli – ArtComArt