Mariage pluvieux, mariage heureux. Si le célèbre adage s’applique aussi bien aux festivals, il ne fait nul doute que la vie du Festival de théâtre aux jardins sera longue et épanouie. Inaugurée hier soir dans le superbe parc de l’Institut du Rosey à Rolle, cette nouvelle manifestation dirigée par Pascale Méla rend hommage aux grands textes et aux beaux rôles. Shakespeare a ainsi donné la première impulsion, avec « Le Marchand de Venise » dans une mise en scène de Pascal Faber.
Texte: Marie-Sophie Péclard
Une rambarde, quelques caisses de bois, et nous voici transportés à Venise. Avec une scénographie dénudée et un jeu resserré, la mise en scène de Pascal Faber et de la Compagnie 13 insiste sur les interactions entre les différents protagonistes, mettant en lumière leurs ambiguïtés et leurs contradictions.

L’intrigue se déroule en deux espaces, Venise et Belmont. À Venise, Antonio emprunte 3000 ducats à l’usurier juif Shylock pour aider son ami Bassanio à conquérir la belle et riche Portia. Shylock voit là une occasion de se venger d’Antonio qui, non seulement l’empêche de mener sereinement son commerce, mais le méprise pour sa religion. Il accepte donc l’emprunt, exigeant qu’en cas de non-remboursement de la dette, une livre de chair soit prélevée sur le corps d’Antonio. À Belmont, Portia et Bassanio se rencontrent et s’aiment sous le regard de leurs deux serviteurs, Nerissa et Gratiano.
Ces deux univers se confrontent quand Bassanio est rappelé à Venise pour sauver Antonio qui ne peut rembourser Shylock. C’est aussi la rencontre de la comédie romantique et du drame, dont Pascal Faber a su extraire une tension qui dynamise toute la pièce. Au temps de Shakespeare, « Le Marchand de Venise » était considéré comme une comédie. Mais l’Histoire ne permet plus de regarder le sort du juif Shylock avec moquerie. Sans entrer dans un débat sur l’antisémitisme, Pascal Faber a choisi de ne pas minimiser l’impact de Shylock et d’en accentuer la portée dramatique. Michel Papineschi, l’interprète de Shylock, s’engouffre dans toutes les brèches de son personnage, et passe de la flatterie à la terreur, de l’intransigeance à la détresse. « Le Marchand de Venise » déploie ainsi toute sa force, et l’on en viendrait presque à regretter que la pièce continue après la scène du procès entre Antonio et Shylock dans laquelle l’émotion atteint son paroxysme. Mais cela nous aurait privés des délicieuses coquetteries de Portia qui, sous les traits de Séverine Cojannot, s’amuse aux dépens de son mari Bassanio.
Une mise enscène forte et efficace, servie par d’excellents comédiens : « Le Marchand de Venise » dévoile toute sa substance !
