Laurent Bortolotti

Laurent Bortolotti, danseur de claquettes

Depuis plus de trente ans, le danseur de claquettes Laurent Bortolotti vole de projets en projets, de villages en capitales au gré de ses envies et des rencontres imprévues, comme si, au détour d’un club de jazz, Hermès lui-même lui avait confié une paire de claquettes ailées.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan
Portrait paru dans L’Agenda 106 (janv-fév. 2024)

La danse est souvent une interprétation de la musique, plus rarement une interprète elle-même!

Atypique dans sa façon d’aborder son art, Laurent Bortolotti se considère autant musicien que danseur. « C’est le jazz qui m’a amené aux claquettes », expliquet- il. Il évoque des 78 tours trouvés un peu par hasard dans une brocante, l’envie de bouger sur ce jazz des années 20 à 40 qui, adolescent, l’a tout de suite saisi. À 13 ans, le jeune Yverdonnois qu’il était, devenu entre-temps admirateur de Fred Astaire, voit une publicité pour un championnat de claquettes à Lausanne. Quelques temps plus tard, il intégrait un cours à l’École de Danse Martin.

Le berceau des claquettes jazz

À la fin des années 90, Laurent Bortolotti part vivre aux États-Unis avec son bagage de jeune danseur. « Là-bas, j’ai retrouvé mon
primus motus animi: le jazz », raconte-t-il. Il mentionne sa professeure Heather Cornell et se remémore les grands maîtres, alors encore vivants: Jimmy Slyde, Buster Brown, les Nicholas Brothers… « À New York, les danseurs de claquettes se retrouvaient pour improviser dans le mythique club Swing 46. Trois jours après être arrivé, je me suis lancé sur scène sans même savoir ce qu’était un standard de jazz! Bien-sûr, je me suis complètement planté ! », rit l’artiste à ce souvenir.

Un artiste consciencieux

L’expérience lui inculque que plus la connaissance de la musique est profonde, plus le jeu est subtil. Laurent Bortolotti ne s’est donc pas contenté d’apprendre les structures des standards de jazz, mais s’est appliqué à développer sa perception de l’harmonie et des variations à l’intérieur de chaque section. « Aujourd’hui, quand j’écoute un morceau, au lieu d’entendre un tapis sonore, j’arrive à en déceler la construction, et je peux décider comment intervenir – de façon musicale ou dansée – en connaissance de cause. Quand je pratique, je pense à la fois cet aspect-là et à l’esthétique des mouvements, que je peux chorégraphier pendant les parties thématiques. Mais lorsque j’improvise, il faut tout oublier, pour être dans le moment présent. »

Laurent Bortolotti

Photos de Grégoire Fillion / Festival de Musique Improvisée de Lausanne 2023. 

L’expression sous toutes ses formes

Depuis 2004, avec sa compagnie jazz é-tap, il développe ce moyen d’expression sous différents formats, du solo au sextet, de la fiction musicale et théâtrale au spectacle didactique pour enfant, du jazz manouche à la musique latine. Il commande parfois des compositions pour claquettes à des amis musiciens, car ces pièces sont plutôt rares. L’une des marques de fabrique de Laurent Bortolotti est d’être également percussionniste accompagnateur. « Même en Amérique, je n’ai pas vu ça souvent! », affirme-t-il. « On a l’habitude de voir le danseur devant et les musiciens derrière. J’aime avoir un grand plancher pour pouvoir danser pendant mes solos, mais aussi une petite planche sur le côté, où je me mets quand j’accompagne les autres avec un groove simple. J’aime que les musiciens et le danseur soient disposés de manière rapprochée sur scène, au plus intime, et si possible le public aussi! ». Ce constat rejoint de fait son souhait de créer des projets qui mettent le partage au premier plan.

Un artiste migrateur
En 2018 et 2019, Laurent Bortolotti traverse l’Amérique centrale en bus avec sa petite planche à la rencontre des artistes locaux·ales.
En 2023, il entreprend une tournée de trois mois au Mexique et au
Guatemala avec des amis rencontrés lors des deux premiers voyages. « Je pourrais vous raconter des centaines d’anecdotes, les meilleures comme celles dont je me serais bien passé! Quand les expériences se présentent, il faut toutes les vivre! », sourit-il. Il revient sur ce festival de jazz au Guatemala, où il avait eu la mauvaise surprise de découvrir que son collègue pianiste allait devoir jouer sur un synthétiseur auquel il manquait quatre octaves… Il raconte aussi l’enthousiasme et la chaleur rencontrée en route, notamment dans une région du Mexique où le zapateado, une danse traditionnelle percussive, avait instantanément créé le lien entre les habitant·e·s et lui: « Je faisais quatre bis et la fête se prolongeait jusqu’au milieu de la nuit! ».

Pierre qui roule amasse tout de même de la mousse

« J’ai joué dans des lieux auxquels ne n’aurais jamais pensé avoir accès, par exemple le club de jazz Sunset-Sunside à Paris, où ont joué toutes mes idoles, et dans des lieux comme le Festival de Musique Improvisée de Lausanne, le festival Marigliano in Jazz ou le Generations Jazz Festival de Frauenfeld. Ça me fait tellement plaisir que des clubs et des festivals considèrent que les claquettes ont leur place dans le milieu de la musique jazz, au même titre que tout autre instrument! C’est une vraie reconnaissance. »

Trio Improv’iste
Depuis sa création, le trio a existé en diverses configurations, au fil des envies. Depuis quelques temps, il s’épanouit dans la formule piano, vibraphone et claquettes.

Où écouter Laurent Bortolotti prochainement?
Trio Improv’iste
Samedi 23 novembre 2024 à 21h
Chorus Jazz Club, Lausanne
Tarif: 25.-
www.chorus.ch

image_pdfTélécharger en PDF