Eli Waltz – Un air folk venu des USA

Dans la voix d’Eli Waltz vibrent toutes les jams des bars de Washington D.C, écumées lors de ses années universitaires. Mais aussi l’amour de l’harmonica, des rencontres et des voyages. On a découvert sur Spotify son nostalgique et bel album October Juleps… et on a pu dérouiller notre anglais en sa compagnie autour d’un café, puisqu’il se trouve que cet auteur-compositeur-interprète s’est récemment établi à Genève !  

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Un Américain à Genève

Le bout du lac Léman n’était pas le point de chute initial d’Eli Waltz, born dans le Massachussetts and raised dans la capitale, lorsqu’il imaginait se rapprocher de ses racines germaniques. Petit-fils d’un émigré juif, il reçoit sa double nationalité il y a quelques années, suite à la politique du gouvernement allemand visant à faciliter la naturalisation pour les descendant·e·s de victimes du nazisme. Un voyage à Wertheim, la ville natale de son grand-père, pique sa curiosité. Depuis Washington, il développe alors ses liens avec le pays de ses ancêtres, jouant notamment plusieurs concerts à l’ambassade allemande. « Avec ma femme, on envisageait de déménager en Europe, on parlait de l’Allemagne, de l’Autriche, éventuellement de la Suisse-allemande. Mais en réalité, je peux faire de la musique partout, alors quand elle a trouvé un travail à Genève, on s’est dit… sautons le pas ! », raconte-t-il volubile, comme téléporté là tout droit des USA.

Un parcours atypique

Les voyages ont leur part d’importance dans le parcours musical du jeune homme, qui nous dit avoir toujours abordé la musique de façon plus immersive que formelle, au fil de ses amours adolescentes pour le rock, des rencontres et des instincts. Ses études universitaires en relations internationales le mènent notamment à passer quelques années en Chine. « La musique chinoise est entrée en moi. Je ne l’avais pas prévu, mais le guqin – une cithare à sept cordes – a affecté la façon dont je joue sur ma guitare slide, par exemple ».

Contre toute attente, Eli, une fois son diplôme en poche, ouvre un bar à cocktail à Washington avec un ami peintre et s’y dédie plusieurs années, dans un esprit très créatif, mélomane et loin des attentes sociétales… mais en ne jouant plus du tout lui-même. Ce n’est que sept ans plus tard que l’arrivée du covid le pousse à reprendre sa guitare. « Quelque chose avait changé. J’avais l’impression que mes compétences s’étaient améliorées, que j’avais une nouvelle inspiration, et je sentais plus que jamais l’envie de composer. J’ai décidé de vendre mes parts de la société et de revenir à la musique. Pas comme je l’avais déjà fait en tant qu’étudiant, à jouer dans la rue ou dans les bars occasionnellement, mais d’en faire mon métier ».

Eli Waltz

Photo: Katie Schei
Photo de haut de page: Jon Kim

Folk troubadour

Depuis, Eli et ses airs folks vibrants d’émotion, tantôt sombres tantôt gais, suivent leur bonhomme de chemin, des studios d’enregistrements aux concerts live, en solo ou en groupe. Parmi les musicien∙ne∙s avec qui il collabore, le jeune homme mentionne Hannah Wyatt, une violoniste à la formation classique, qu’il admire beaucoup pour son univers poignant, et avec qui il compose parfois. Leur titre Blood Mountain notamment, leur a valu une belle surprise en étant sélectionné dans la bande-son de la série Fifteen-Love sur Amazon Prime. Toujours prompt à voyager, Eli continue de faire partie de deux groupes aux États-Unis, l’un plutôt rock, sur la Côte Est, l’autre sur la Côte Ouest dans lequel s’exprime son « côté plus indie ». Et bien sûr, l’une des grandes étapes de l’année dernière a été la sortie de son album acoustique October Juleps sur les plateformes.

De ce côté du monde, Eli espère planter ses racines et se concentrer sur sa musique. « L’un de mes objectifs est de trouver des artistes ici avec qui créer et jouer. Ce n’est pas urgent, parce que j’adore aussi me produire en solo, me sentir proche du public et de mes « héros folk », dans cette tradition d’être seul sur scène… mais jouer avec d’autres musiciens est aussi une sensation extraordinaire. L’instrument avec lequel j’aime jouer le plus, c’est le violon. Je suis donc à la recherche d’un ou une violoniste !»

Après une petite série de concerts en France, en Allemagne et en Suisse en novembre dernier, Eli espère pouvoir reprendre une tournée en ce début 2025. Le Bleu Lézard à Lausanne lui a déjà confié une date en avril… On lui en souhaite beaucoup d’autres, afin qu’il puisse emmener, pour quelques heures, tout un bar lémanique avec lui aux États-Unis !

Petit questionnaire de Proust

Katia : Y a-t-il un concert que tu n’as jamais oublié ?
Eli: Oui. Même si ce n’était pas vraiment un concert, en réalité. J’étais allé un peu par hasard sur une petite île au milieu d’un lac, dans l’immense campus de l’Université de Pékin. Une toute petite île, on peut en faire le tour à pied. J’ai entendu une musique qui provenait d’entre les arbres. Je suis silencieusement allé voir, et là se tenait un vieux monsieur qui jouait du arhu, un instrument chinois traditionnel. Il jouait là, tout simplement, tout seul. Comme je n’ai pas de repères culturels avec ce genre de musique, la mélodie n’était reliée pour moi à aucune émotion spécifique. C’était juste… du ressenti pur. Je suis resté là un bon moment à l’écouter, ému aux larmes. Quand il m’a remarqué, il a simplement hoché la tête en souriant et continué à jouer. J’ai profité de chaque seconde. Je crois que dans toute expérience musicale, je tends à retrouver ce moment.

Un musicien qui t’a fait changer de point de vue sur la musique ?
Quand j’ai découvert le blues, ça a été le coup de foudre ; je jouais de l’harmonica tous les jours, j’étais obsessionnel. Après une année, je ne me débrouillais pas si mal! C’est la période où j’ai commencé à vivre avec ce mec, Jake Martin. Un grand amateur de blues et de rock psychédélique, de guitare à la Jimi Hendrix. C’est un de ces musiciens incroyables qui n’a jamais voulu jouer le jeu de l’industrie de la musique. On jouait ensemble plusieurs fois par semaine, on allait faire des jams dans des bars. Il a été une étape importante dans mon apprentissage de l’harmonica, mais aussi dans ma prise de confiance en moi en tant que musicien. Vivre avec lui m’a aussi fait connaitre d’autres expériences, le LSD, les champignons… bon, ça, tu n’as pas besoin de l’écrire (sourire). Enfin, tu peux en fait ! Pourquoi pas ?

Un mot que tu te surprends à trop utiliser dans tes chanson ?
Fee-fi-fo-fum. C’est ce que dit le géant dans Jack et le haricot magique. Je le dis dans trois de mes morceaux.

Ah! C’est inattendu…
… et j’aime bien cette question ! Parce qu’effectivement, quand je compose, avant de me mettre à écrire, j’ai des mots qui me viennent comme ça, qui tournent dans ma tête. Je répète sans arrêt « oh my god » et « down by the river » quand j’ai une mélodie coincée dans la tête !

Et pour terminer: qu’est-ce que tu aimes à Genève ?
Plainpalais et le quartier près de la rivière, là où il y a Urgence Disc, Le Zoo, La Turbine et Bongo Joe Records. C’est le « cool spot » de Genève.

Pour aller l’écouter prochainement:

Eli Waltz, Tom MacNeill et Vincent Schmidt
Jeudi 24 avril 2025 à 19h
Bleu Lézard, Lausanne
www.bleu-lezard.ch

www.eliwaltz.com

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