Moira Rosato

« Dans une autre vie… » – Ce n’est pas la fin, mais le début d’une autre histoire

Transmettre des émotions profondes et apporter de la poésie et de la légèreté à des thèmes lourds, c’est l’une des approches de Moira Rosato et de sa compagnie Au-delà des mots… Pour son nouveau spectacle intitulé Dans une autre vie…, c’est la séparation qui sera explorée, comme deuil d’une vie et ouverture sur autre chose. Rencontre avec une artiste multidisciplinaire, sensible et engagée.

Texte et propos recueillis par Jeanne Moeschler

La vie des autres… et la sienne

Raconter la vie des gens qu’elle observait autour d’elle, voici ce qui remplaçait un habituel journal intime entre les mains de Moira Rosato. Elle écrivait depuis déjà des années sur des sujets divers et souvent sombres, tels que le suicide ou le viol, dont on ne parle pas ouvertement dans la société. Le passage du texte à la mise en scène s’est fait par son travail de maturité, en 2020, dans un premier spectacle intitulé Au-delà des mots…, afin de lier ses passions de la danse et de l’écriture dans un spectacle.
« Je souhaitais vraiment faire passer un message, et pour la première fois, mes textes ont été écoutés par un public. Quant à la danse, elle permet d’apporter une légèreté qui contrebalance les thématiques dures », explique l’autrice et danseuse.
Au fil des années, le projet s’est transformé en compagnie. À côté, Moira danse professionnellement et étudie à l’Université de Lausanne. Un emploi du temps chargé, qui s’additionne à celui de la quinzaine d’artistes avec qui elle travaille. Cela représente une grande part de travail, rendue plus légère par le soutien de sa famille et des artistes qui travaillent bénévolement avec elle. En riant, elle admet déléguer certaines tâches, mais en tant que « control freak », elle préfère jeter un œil sur tout : « comme ça si quelque chose se passe mal, je peux en vouloir qu’à moi-même ! »

Des disciplines et des mots : une réconfortante légèreté

Dans Une autre vie…, c’est le thème de la séparation qui est exploré – amoureuse, identitaire ou liée à la disparition d’un être cher. Un thème difficile, qu’elle souhaite aborder dans un espace bienveillant : « Ce genre de sujet peut faire peur, mais c’est un moment tellement beau. On se livre et le public se met en quelque sorte à nu aussi, car il est touché par ce qu’il ressent. »
Dans ce nouveau spectacle, Moira tente une approche encore plus personnelle : raconter un bout de son histoire, en transformant l’intime en universel. « Sur scène, j’ose plus, parce que je sais que ma place est là, et que les gens sont venus pour nous voir », confie Moira.
« Dans les deux premiers spectacles, j’avais écrit seulement sur la vie des autres. Ici, il y a des passages plus intimes, car c’est quelque chose que j’ai vécu, comme presque nous tous sous une certaine forme. »
Le spectacle se déploie entre un fil rouge et des tableaux déstructurés. « Dans la scène d’intro, on a glissé plein de petits détails, qui réapparaissent par clins d’œil, jusqu’au tableau final. » L’univers global oscille entre le hip-hop new style avec un brin de contemporain et de théâtre. Le cerceau, que Moira pratique depuis une quinzaine d’années, vient apporter apaisement et liberté, adoucissant la dureté des textes lus et teignant le sujet d’une certaine poésie : « À la place d’aller sous terre, je m’envole avec le cerceau pour représenter la mort », annonce Moira.

Moira Rosato

Photo: Théo Collet

Pas une fin en soi…

Le titre Dans une autre vie… ouvre la séparation à un après, un au-delà. « On traite de sujets sombres, mais beaucoup de gens m’ont dit : C’est fou, ça respire la vie même si vous parlez du deuil !, explique l’artiste. C’est aussi le fait qu’on soit un groupe de jeunes qui donne de l’espoir : oui, on a vécu des choses dures, mais ensemble on peut les surmonter, et une séparation, ce n’est pas une fin en soi. »
Les points de suspension sont régulièrement utilisés par l’autrice pour donner l’idée qu’un après est toujours possible : « Que même si une histoire est terminée, elle continue de vivre en nous et à travers les souvenirs. Les trois petits points transmettent l’idée que dans une autre vie, une relation aurait pu se passer différemment, ou alors que notre séparation permet de découvrir autre chose et qu’on est mieux pas ensemble. Pour la séparation identitaire, ils montrent que pour certaines personnes trans, elles ont vraiment l’impression d’avoir deux vies séparées, l’une avant et l’autre après la transition. »

Le fait de parler de la disparition d’une personne permet d’en ranimer le souvenir.
« Moi, je trouve qu’on devrait toustes avoir une oreille attentive pour en parler, ça aide de discuter avec quelqu’un plutôt qu’avec un papier qui ne nous répond pas… Mais dans le deuil, il n’y a pas de mode d’emploi : des gens préfèrent vivre ça seuls, d’autres le raconter. Durant la préparation du spectacle, c’était pour beaucoup la première fois qu’ils pouvaient réévoquer des gens disparus, et ça a fait du bien. » Les souvenirs, c’est quelque chose que Moira aime matérialiser à travers des vidéos et des textes, afin de garder les personnes toujours quelque part.

Elle souhaite au public de venir avec un esprit critique et bienveillant, et de vivre pleinement ce moment :« Pour nous, c’est comme une thérapie d’être sur scène et, à la fin du spectacle, on aime parler avec les gens pour voir s’ils ont versé des larmes, ont aimé et se sentent en quelque sorte aussi allégés. »

Dans une autre vie…
Samedi 8 novembre 2025 à 17h30 et 20h
Rubicube, Morges
Lien billetterie

1 réflexion sur “« Dans une autre vie… » – Ce n’est pas la fin, mais le début d’une autre histoire”

  1. Sylvie Mantino

    Très bel article qui résume parfaitement ce que Moira et les 15 autres artistes transmettent comme
    messages dans ce magnifique spectacle.
    bravo Moira

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