Florian Colombo, 2025

Bach et Schubert pour Bresslau et Schweitzer : le concert épistolaire

La compagnie ad’Opera fait le pari d’adapter pour la scène la correspondance d’Albert Schweitzer et Hélène Bresslau. Pour juger de la réussite de cette audacieuse transposition, rendez-vous à Genève le 12 novembre et à Lausanne les 14 et 16 novembre. 

Texte et propos recueillis par Athéna Dubois-Pèlerin

Vous n’avez jamais entendu parler d’Albert Schweitzer ? Nous non plus. Le destin de cet Alsacien n’est pourtant pas de ceux qui se laissent facilement oublier : non content d’être médecin, théologien, musicien et philosophe, Schweitzer est surtout connu pour son rôle pionner dans l’activisme humanitaire : son engagement au Gabon, où il passera la majeure partie de son existence, lui vaut en 1952 le Prix Nobel de la paix.

Curieux sujet pour un spectacle musical ? Christian Baur, directeur musical de la production et porteur du projet, en convient volontiers, lui qui a le don de délaisser les sentiers battus pour « toucher à ce que personne n’a encore fait ». C’est à l’occasion d’un colloque à Mülhouse que Christian Baur découvre les lettres de Schweitzer, et avec elles l’homme derrière le mythe, riche de toutes les fêlures de son histoire. Dans la correspondance-fleuve que le théologien entretient avec l’infirmière Hélène Bresslau (qui s’étendra sur plusieurs décennies), on peut lire les questionnements de deux individus tiraillés entre l’amour mutuel qu’ils se portent et la vocation humanitaire d’Albert, à première vue irréconciliable avec une vie conjugale. Au fil des années, pourtant, Hélène s’approprie peu à peu son projet, jusqu’à le suivre au Gabon et devenir son épouse.

Albert et Hélène (Colmar, 1912) © Maison Albert Schweitzer Musée Günsbach.

« Tout au long des dix années d’échanges que nous avons choisi d’adapter, Schweizer apparaît profondément émouvant dans son humanité, relève Christian Baur. Son cheminement fait écho à des questionnements modernes, et à vrai dire intemporels : la valeur de l’engagement, la quête de sens, la notion de sacrifice. »

Tristan Pannatier, en plus d’endosser le rôle de Schweizer, signe également la mise en scène : un défi qui lui a permis d’affûter ses outils dramaturgiques. « Adapter une correspondance permet de jouer sur la multiplicité des points de vue. Ainsi, lorsqu’on cherche à incarner une lettre d’Hélène par exemple, on peut lui donner vie au travers de la voix d’Hélène elle-même, qui la rédige, mais aussi au travers de la voix d’Albert, qui la découvre. Ce jeu d’angles enrichit l’expérience théâtrale. »

Une performance du contrepoint, en définitive, qui appelle comme naturellement une épaisseur musicale. Ambivalente, la partition souligne admirablement la tension entre désir et devoir qui hante le cœur des échanges épistolaires. Interprété à l’accordéon, Schubert prête son romantisme aux épanchements des amants séparé·e·s. Bach de son côté illustre la rigueur du devoir, martelée par un talentueux quatuor vocal. « En organiste doué, Schweizer était un fin connaisseur de Bach. Cette musique résonne profondément avec son parcours d’homme », relève Christian Baur. Ou quand les arts s’allient pour rendre justice à l’histoire.

Photos: Florian Colombo, 2025

Hélène et Albert, en toutes lettres

– Mercredi 12 novembre 2025 à 20h
Musée international de la Réforme, Genève

– Vendredi 14 novembre 2025 à 19h
Abbaye de Montheron, Cugy-Lausanne

– Dimanche 16 novembre 2025 à 17h
Église Saint-Jean de Cour, Lausanne

www.adopera.ch

1 réflexion sur “Bach et Schubert pour Bresslau et Schweitzer : le concert épistolaire”

  1. Nous nous réjouissons de ces représentations. Venez découvrir un Albert Schweitzer, figure tutélaire au 20e siècle, dans son intimité, sa fragilité, ses doutes et la certitude de suivre une voie humanitaire et humaniste en outrepassant les frontières des différences.

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