Mané veille sur sa tribu

Sa voix nous a coupé le souffle dans le rôle de la sœur cadette dans le spectacle musical Sorcière créé par Aliose, qui vient de terminer avec succès sa tournée romande. Mané n’en était toutefois pas à son coup d’essai : la musicienne lausannoise trace son chemin artistique depuis une quinzaine d’années déjà. Son style, d’abord inspiré de la pop anglophone, se colore désormais, indomptable, de rouge et de violet lorsqu’elle frappe ou caresse son tambour chamanique.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Mané. Photo: Coralie Malet

Midi sonne à la cloche du collège de Montriond, Mané pointe le bout de son nez en même temps que les rayons du soleil de fin octobre, qui nous permettent de nous assoir dans le parc de Milan. On l’a arrachée pour une heure à son travail administratif, qui prend en ce moment beaucoup de son temps d’artiste. « Mais ça dépend vraiment des semaines. Là j’ai fait deux mois d’admin, mais les semaines qui viennent j’aurai des répétitions, des concerts, et quatre jours de studio ». Un planning réjouissant qui annonce une belle actualité à venir !

Retour sur deux ailes – Londres et Los Angeles

Mané écrit des chansons depuis l’âge de 7 ans et a toujours su qu’elle voudrait faire de la musique son métier. Encouragée par son père à faire une école et n’ayant pas encore cette possibilité en Suisse romande en 2013 (trois ans avant la création du département Jazz & Musiques actuelles de l’HEMU), la Lausannoise s’envole pour un Bachelor à Londres… qu’elle ne poursuivra pas au-delà de la première année, ayant déjà sa petite idée de ce qu’elle attendait d’une formation. « J’ai beaucoup appris, on abordait plein de sujets différents, mais trop en surface. J’avais plutôt besoin d’un accompagnement ciblé. Je suis restée à Londres encore six mois, en coloc avec quatre autres chanteuses, j’ai continué à me former autrement, par des Masterclass ou avec des profs en privé. En Angleterre, quand tu dis que tu es artiste, on ne te demande jamais ce que tu fais à côté ! », sourit Mané au souvenir de cette période de sa vie.

Les années qui suivent, elle se rend plusieurs fois à Los Angeles pour des stages personnalisés ; chant, songwriting, expression scénique, business ou développement artistique. « Là-bas, un de mes rêves était de jouer à l’Hotel Café, où Katie Perry, Adèle et plein d’artistes ont joué à leurs débuts. J’en avais parlé à mes coachs qui m’avaient plutôt conseillé de faire des scènes ouvertes. Mais au fond de moi, c’était quelque chose que j’avais tellement envie de faire… que je me suis dit, bon, je vais leur écrire un mail, au pire ils me disent non. Ils m’ont répondu : ‘On a une place dans dix jours pour 45 minutes de concert sur la scène principale’. Je ne comprends pas ce qui s’est passé, ils ont dû avoir un trou dans le programme, kiffer ce que je faisais… C’était génial ! Ça m’a donné le feu, j’avais la sensation que tout était possible ». Neuf ans plus tard, l’artiste admet ne plus vraiment poursuivre ce ‘rêve américain’ : « Je serais contente d’aller jouer aux États-Unis bien sûr, mais maintenant, je n’ai pas besoin d’aller y vivre. Je me dis que c’est là où je suis que tout est possible ».

S’exprimer

Il semblerait que la sérénité ait trouvé une place où se lover parmi les émotions intérieures de l’artiste – aux côtés de bien d’autres, dont une certaine colère, que Mané dit ressentir en pensant à tout ce que les femmes ont eu à subir depuis des siècles. « Dès 2018, #metoo m’a fait réaliser que c’est cette reprise de pouvoir des femmes qui m’importe et dont j’ai envie de parler. » Le féminisme au sens large, mais aussi la santé mentale et l’identité queer sont également des thématiques qu’elle continue d’explorer dans ses nouveaux titres à venir. « C’est drôle, car avant-hier j’ai donné une masterclass de composition et ça m’a fait réfléchir à l’évolution de mon écriture. Au début, je parlais beaucoup du fait de vouloir réussir dans la musique, du jugement des autres… je parlais de mes histoires d’amour, mais sans mettre de pronom – ou même, je disais he pour ne pas dire she. Le fait d’être ouvertement queer – depuis pas si longtemps, finalement – a aussi libéré quelque chose dans ma musique. »

Une vision

Mané sait où elle va et aborde les étapes pour y arriver les unes après les autres, notamment en s’entourant de musicien∙ne∙s avec qui composer et produire, de coaches en communication et même, tout récemment, d’un label indépendant zurichois, Livana Music. Elle reste aussi consciente de sa propre force. « Je ne vois plus les choses de la même façon. Il y a dix ans, je me focalisais uniquement sur le fait d’atteindre les pros : les radios, les programmateurs… Je voulais qu’on entende ma musique, mais je ne me faisais pas une idée précise de mon public. Maintenant, avec les réseaux sociaux, il y a plus de moyens de toucher les gens. Et c’est ça qui m’importe, en réalité ! », dit celle qui partage régulièrement des encouragements et des petits messages à sa « tribu », n’hésite pas à attirer l’attention d’une star américaine en lui chantant une chanson composée spécialement pour elle, ou à inviter une fan dans son salon pour écouter ensemble un titre en avant-première.

Nul doute que sa tribu grandira sous cette douce aura !

Projet Proxima 2025-2026

Mané est l’une des quatre artistes sélectionné·e·s pour cette saison du Projet Proxima, mis en place par les Docks en soutien à la scène locale.
www.docks.ch/proxima

Concert à L’Amalgame – 7 novembre 2025

Ce vendredi 7 novembre, Mané se produira à L’Amalgame en première partie du duo Marzella. Les trois artistes ont souvent eu l’occasion de partager la scène ces dix dernières années : colocataires à l’époque où elles vivaient à Londres, elles étaient parties en tournées en van en 2017, entre Paris, Berlin et Amsterdam. « Ce concert sera sûrement très émouvant… », prévoit Mané. En effet, cette date à Yverdon marquera le tout dernier concert de Marzella, avant que chacune parte vers de nouvelles aventures artistiques.

Marzella + Mané
Vendredi 7 novembre à 20h
L’Amalgame, Yverdon
www.amalgameclub.ch/evenement/marzella-ch-mane-ch 

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