Utopolis©Ana Lukenda

Utopolis – La ville et ses alternatives en partage

Si l’on considère que le théâtre permet d’observer notre réalité au travers du prisme de l’art, par son format inhabituel, le théâtre ambulatoire et participatif du collectif Rimini Protokoll ajoute à cela une dimension: celle qui nous implique, vous, nous, “professionnel·le·s du quotidien”,  dans le processus de création et de réflexion. Leur pièce, intitulée Utopolis, débutera le 13 mai prochain et propose d’envisager des alternatives à nos fonctionnements actuels le temps d’un cheminement dans Lausanne avec des compagnons inconnu·e·s. Stefan Kaegi, co-fondateur du collectif, nous parle de ce projet, cadeau éphémère à vivre dans le présent.

Texte de Katia Meylan
Propos recueillis auprès de Stefan Kaegi

Pour l’homme de théâtre maintes fois récompensé, l’occasion est spéciale, car s’il a monté plusieurs projets personnels à Lausanne ces dernières années, c’est la première fois depuis 2013 à Vidy que les trois membres fondateurs de Rimini Protokoll, Helgard Haug, Stefan Kaegi et Daniel Wetzel, y sont à nouveau réunis dans un projet commun. 

Parmi les créations de Stefan Kaegi, on se souviendra notamment de Boîte noire, théâtre-fantôme pour personne seule à Vidy pendant la période 2020… ou encore Remote Lausanne au Festival de la Cité en 2014. Se réunir au cimetière de Prilly avec un groupe de personnes, se munir d’écouteurs, monter dans le LEB et en perturber très légèrement l’environnement, marcher, passer devant ce que l’on voit tous les jours en se le faisant raconter par une voix informatisée, hésiter puis ne pas adresser un doigt d’honneur à l’autre moitié du groupe même si ladite voix nous le demandait, s’asseoir par terre dans le CHUV… sans aucun doute, les souvenirs de Remote Lausanne il y a huit ans sont encore bien présents dans mon esprit.

Retrouvera-t-on en Utopolis un dérivé de Remote Lausanne? Pas exactement, nous répond Stefan Kaegi. Dans Remote, une voix dématérialisée nous chuchotait comme un secret, dans des écouteurs individuels, ses réflexions sur une société telle qu’elle existe déjà. Alors qu’Utopolis, pour imaginer des alternatives à cette société, donne la parole aux voix et aux dialectes d’ici, aux intonations diverses, qui parlent d’utopie à travers un haut parleur à partager avec toute la ville. “L’histoire commune se crée par petites parts personnelles”, explique Stefan Kaegi.

Utopolis2©Ana Lukenda

Photo: Ana Lukenda

Ainsi, guidé par un “orchestre de hauts-parleurs qui synchronise et sonorise la ville”, le public déambule dans Lausanne par petits groupes de 5-6 personnes, avec pour point de départ l’un des 48 endroits participants. En effet, pour planifier cette déambulation d’environ 3 heures, Rimini Protokoll s’est adressé à 48 interlocuteur·ice·s, leur a posé des questions sur leur fonctionnement, sur leur idée de possibles utopies. Ce sont leurs réflexions que l’on entendra durant notre voyage. Parmi ces “agents d’accueil décentralisés”, on trouve des magasins, des bars, des associations, des kiosk, des bureaux d’architecte, des gymnases, parfois même des lieux auxquels on n’a habituellement pas accès… 

Lausanne, sur l’initiative du Théâtre de Vidy et de Plateforme 10, est la quatrième hôtesse de l’expérience Utopolis, après Manchester, Köln et Saint-Pétersbourg. “Vous imaginez que c’est tout autre chose de jouer dans un endroit où ils disent que l’utopie est quelque chose qu’ils ont déjà connu”, mentionne Stefan Kaegi à propos d’une expérience vécue en Russie. Ainsi, du point de vue du contenu et des réflexions, les visions diffèrent, tout comme les problématiques plus “techniques”: le metteur en scène nous raconte une ancienne billetterie de train ou un tribunal, lieux fascinants investis dans les autres villes, qui n’existaient pas à Lausanne ou auxquels ils n’ont pas eu accès. “Il faut réinventer d’autres histoires, d’autres points de départ à chaque fois. On continue à écrire notre grand livre de l’Utopie!”.

Il ajoute, reconnaissant envers le Théâtre de Vidy avec qui il collabore régulièrement: “C’est un défi pour les théâtres de nous programmer. Ce n’est pas juste un accueil, mais cela témoigne d’une envie de participer à l’invention d’une vision du monde”. 

Comme Rimini Protokoll et les 48 interlocuteur·ice·s avant lui, le groupe qui déambule aura lui-aussi la possibilité de se faire co-auteur de l’histoire. Pour ce faire, le collectif a imaginé un système d’écriture collective de l’Utopie… mais Stefan Kaegi n’en dévoile pas plus, nous laissant la découverte pour la semaine prochaine. Plus que des résultats ou des archives, nous dit-il, l’esprit qui anime Utopolis est l’éphémère, le partage, et l’envie d’attester de réalités sociales ou politiques, mais de réaliser que ces réalités pourraient aussi être différentes, et que ce qui nous entoure est ouvert à des modifications. 

Utopolis Lausanne
Du 13 mai au 4 juin 2022
Divers points de départ seront annoncés aux participant·e·s 12h à l’avance par email

vidy.ch/utopolis-lausanne