Deux expériences sensorielles aux Swiss Dance Days

La semaine dernière a été riche en danse à Lausanne. Cantonnée à mon bureau pour cause de relectures et de bouclage du numéro 78, mon grand regret est de ne pas avoir pu me rendre au Prix de Lausanne durant les journées ouvertes au public – et je dois avouer qu’une certaine page de streaming Arte Concert me faisait de l’œil depuis ma barre d’onglets. J’ai eu l’occasion par contre de me rendre aux Swiss Dance Days lors de deux soirées, la première mercredi dernier au Théâtre Sévelin 36 pour “Actéon” de Philippe Saire, et samedi à l’Arsenic pour “VR_I” de Gilles Jobin.

Texte: Katia Meylan

Drapeaux “Swiss Dance Days” @Pont Chauderon

Les Swiss Dance Days battaient leur plein, difficile de réserver une place pour “VR_I” qui affichait complet pour la plupart des sessions, et Sévelin 36 était en effervescence pour “Actéon”. De nombreux·ses professionnel·le·s et programmateur·trice·s étaient au rendez-vous de cette biennale qui promeut depuis 1996 la scène chorégraphique actuelle. Le public lausannois, accoutumé à une offre culturelle variée, n’était pas en reste et a accueilli chaleureusement les 15 pièces de danse contemporaine qui faisaient partie de la sélection 2019.

L’événement a pris place dans des lieux réputés pour une programmation tournée vers les artistes de demain et pour proposer des résidences d’artistes, soit le Théâtre de Vidy, Arsenic, Sévelin 36 et La Manufacture, ainsi que l’Octogone, qui a régulièrement à son affiche de grands ballets internationaux.

Nos impressions sur deux pièces, “Actéon” et “VR_I”.

Tableaux de chasse

Photo: Philippe Weissbrodt

Dans “Actéon”, Philippe Saire se réapproprie le mythe grec du chasseur transformé en cerf par une déesse. Ici, explique-t-il, la métamorphose est “le choix d’un chasseur qui ne supporte plus la violence inhérente à la chasse”.

Les tableaux, forts, font plusieurs fois appel à une réaction animale. Quatre danseurs arrivent chacun leur tour sur scène, le regard droit sur le public, le sourire heureux et fier. On sent en eux une fraternité, une mentalité partagée, une soif d’aventure. Les mouvements des uns découlent de ceux des autres.
Actéon fait mine de courir contre le public, durant une demi seconde notre instinct de fuite prend le dessus. Plus tard, il se fait traquer dans la lumière. Un corps qui représente une enveloppe sans vie est soulevé, examiné, la musique est sourde, les chiens aboient. Inquiétude, les poils se dressent sur les sièges des spectateur·trice·s. Puis le chasseur prend la décision de rejoindre le camp des traqués, en “héros défendant ses convictions”.

Certains passages sont chantés par les protagonistes sur une mélodie monocorde. Ils ajoutent une dimension à la trame narrative, mais les artistes sont bien des danseurs et non des chanteurs: qu’ils soient alliés ou ennemis, fusionnels ou opposés, on préfère les voir l’exprimer par le mouvement que par la voix.

Figée d’admiration

Pour cette virée dans une réalité virtuelle, cinq participant·e·s sont admis·es toutes les vingt minutes. Peu d’explications, dès notre arrivée dans le Labo de l’Arsenic on nous équipe d’un sac à dos, de capteurs aux membres, de casques visuel et audio.
Tout à coup, je suis dans une grotte. Je regarde mes mains, ma peau est noire. À mes pieds, des chaussures de sport. En voyant les personnages autour de moi, pas moyen de lier les avatars aux participan·te·s que j’ai rapidement aperçu avant de commencer la VR. Qui est cette fille au pantalon de cow-boy ou cet homme qui commence tout de suite à nous serrer la main et à explorer les lieux?

Sélection finale Gilles Jobin “VR_I” @Arsenic

Le décor est superbement réalisé, les échelles déstabilisantes. Tantôt, des géants nous observent et décident de quel sera notre décor, tantôt nous devenons nous-même des géants, qui voient de petits êtres se mouvoir sur une plateforme. On oublie totalement le décor nu du Labo pour explorer la grotte, qui devient appartement, qui devient parc.

La partie observation est vite acquise. Mais nous sommes dans un festival de danse, et les personnages virtuels, par leurs mouvements, semblent nous donner des indices… Notre groupe est-il trop timide? Quelques gestes s’effectuent dans la retenue.

La réalité virtuelle crée par Gilles Jobin est une expérience unique, intrinsèquement impressionnante. L’expérience peut tout de même dépendre beaucoup des participant·e·s. Faite pour ne pas “forcer” à s’exprimer, elle propose, on dispose. Les contemplatif·ve·s contempleront, les audacieux·ses pirouetteront ou s’aventureront à être tactiles. Je tente une arabesque et suis rattrapée par mon équilibre, et ma timidité. Mais le côté passionnant de l’immersion, rapidement addictif a agi: on n’a qu’une envie, retenter l’expérience et imaginer tous ses possibles!

www.swissdancedays.ch

www.philippesaire.ch

www.vr-i.space

VR_I sera à la Comédie de Genève du 28 mars au 14 avril 2019

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