Au pied levé
Tout en sirotant un thé à la menthe, elle raconte les coulisses de la fameuse soirée au BFM, où elle a été appelée à remplacer au pied levé l’un des ténors de la production, terrassé par une extinction de voix. « Jeudi à 23h, Ylan [Assefy-Waterdrinker, directeur artistique de LYMPA, ndlr] me demande si je peux reprendre le rôle. Je ne connaissais aucun des morceaux. J’ai dit oui, immédiatement, pour ne pas me laisser le temps de tergiverser. »
Comment accomplit-on un tel tour de force? « Oh, c’était très ambitieux! reconnaît Virginia, l’oeil brillant. Mais c’est ça, la scène: l’appel du vide, et le saut à exécuter. C’est normal d’avoir le vertige. Mais dans ce métier, j’ai appris à ne pas redouter l’inconfort: c’est une étape transitoire, qui a pour but de nous faire mûrir. »
Du ballet à la comédie musicale
Des mots qui surprennent dans une bouche aussi jeune, mais Virginia Sirolli n’est pas à un contraste près. C’est avec une gaieté philosophe qu’elle revient sur les surprises et les déceptions qui jalonnent la vie d’artiste du spectacle. La sienne commence comme tant d’autres, enfant de la balle née de deux parents chanteurs d’opéra, minois mutin et esprit généreux qui se destine très tôt à la scène. Aux vocalises, elle préfère toutefois les pointes: la danse classique est son premier, et restera longtemps, son seul amour. À 11 ans, sitôt finie l’école primaire, elle intègre la filière pré-professionnelle du Conservatoire populaire de Genève, et s’entraîne à raison de 20 heures par semaine.
Quatre ans plus tard, c’est le drame: ses genoux lâchent, son corps épuisé par les entraînements lui fait comprendre que la carrière de ballerine n’est pas pour elle. À l’amertume de la désillusion s’ajoute un profond sentiment d’aliénation qui entraînera la jeune fille jusque dans les gouffres de l’anorexie. « Ça a été si dur, en pleine adolescence, de devoir faire ce travail de deuil et de renaissance. De réapprendre à aimer ce corps qui m’empêchait de faire ce que j’aimais le plus au monde. »
En 2017, un séjour à Londres lui fait découvrir les spectacles de West End et lui fournit l’occasion d’un premier cours de chant, pour lequel elle se révèle douée. La comédie musicale lui apparaît alors comme une planche de survie, un moyen de se donner à la scène sans épuiser son corps. « J’ai déplacé sur le chant tout le bagage que j’avais durement acquis pendant mes années de danse. Toute la rigueur, la discipline, le sens de la beauté, l’amour de l’excellence. J’ai compris que ce que j’aimais dans la danse, ce n’était pas tant le mouvement du corps, mais l’expression qu’il permet. Et cette expression, cette narration, je pouvais aussi la capturer par le chant et par le théâtre. »