Marilyn, Madness and Me

Marilyn, l’ange sacrifié

Marilyn Monroe a été filmée, photographiée et interviewée à maintes reprises, et pourtant sa personne et sa vie demeurent, à certains égards, encore opaques aujourd’hui. La pièce Marilyn, Madness and Me, jouée en ce moment à Onex, se centre sur les derniers mois de son existence.

Texte et propos recueillis par Frida

Cette pièce est imaginée par Didier Bloch, qui l’écrit à l’origine en français puis demande au producteur et scénariste Frank Furino de la retravailler afin qu’elle puisse être présentée au public. Celui qui compte à son actif des séries télévisées telles que Dallas et Dynasty relève le défi. Marilyn, Madness and Me est alors jouée à Hollywood en 2013 et très bien reçue par les spectateur·ice·s.

Lors d’une interview avec un journaliste qui lui demande s’il s’agit de la réalité ou d’une fiction, Frank Furino répond simplement « oui ».

Dans cette pièce, deux personnages se partagent la scène, Marilyn Monroe alias Norma Jean et Tim Garrettson. Celui-ci rencontre la vedette quelque temps avant son décès, il devient son chauffeur et s’occupe également de son chien Maf – diminutif de Mafia – qui lui a été offert par Frank Sinatra. Un lien se crée entre eux : lui, est obsédé par Norma Jean et veut devenir son héros, elle, trouve en cet homme quelque peu immature un soutien et même un ami. Tim récupère le journal intime de l’actrice à sa mort, y lit ses souffrances, ses pensées secrètes et y découvre ses poèmes. Ce petit carnet constitue le fil conducteur de la pièce.

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Photos: Ariadne Kypriadi

À Onex, la mise en scène d’Annelies Breman est très belle, elle reste sobre tout en étant dynamique. Cela crée une atmosphère intimiste grâce à laquelle le public perçoit toute la sensibilité des personnages. Ils n’interagissent jamais entre eux et cependant les deux récits s’entrecroisent parfaitement. Tim raconte ses moments privilégiés avec Norma Jean et sa vie après la mort de la star. À chaque fois, les mots du chauffeur trouvent un écho dans le journal de la diva. Les quelques interventions de la radio ancrent les personnages dans la réalité, eux qui semblent perdre pieds avec le réel. Ce média rappelle que l’Histoire poursuit son cours inéluctable et embarque progressivement avec elle les protagonistes: des frères Kennedy et leurs troubles rapports avec Marilyn jusqu’à la guerre du Vietnam à laquelle Tim participe volontairement après le décès de son idole. L’histoire de ces deux êtres apparaît comme un havre de paix au milieu de grands tourments.

Tout au long de la représentation, les deux comédien·ne·s de la Geneva English Drama Society (GEDS) captivent le public et lui font ressentir toute la détresse de leur personnage. Masha Neznansky interprète subtilement Marilyn, que les spectateur·ice·s reconnaissent aisément. La posture, la voix sont similaires. La figure de la femme-enfant, quelque peu perdue et naïve, se dessine à travers les mots de Marilyn. Entourée et adulée, elle paraît pourtant si seule.

Tim, très finement joué par Charles Slovenski, partage cette solitude. Il dédie sa vie à Norma Jean qui lui montre la véritable personne derrière l’image du sex-symbol. Sa rencontre avec cette femme bouleverse son existence. Il se montre attentionné et respectueux envers elle. Il souhaite lui redonner un peu d’espoir, lui montrer que tous les hommes n’en veulent pas qu’à son corps. Charles Slovenski vit tous les états de son personnage, dévasté par la douleur de vivre de celle-ci et son suicide.

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Marilyn, Madness and Me évoque la profonde tristesse de l’actrice, elle qui pensait ne pas avoir droit au bonheur. La pièce revient sur son enfance douloureuse. Élevée par des familles d’accueil, elle n’a aucun repère, aucune stabilité. Elle désire être vue, être aimée, elle attend presque un sauveur qui saurait lui apporter tout l’amour et la sécurité dont elle a tant besoin. Pourtant, elle enchaîne les débâcles amoureuses avec des hommes qui se montrent parfois violents, qui disent l’aimer alors qu’ils veulent simplement la posséder quelques instants. Au cinéma, tout ne se déroule pas sans difficulté non plus. Elle arrive en retard, ne parvient pas à jouer certaines scènes. Les journalistes disent que sa carrière est finie. Finalement, elle réalise que ce milieu n’a rien d’humain et que, comme les hommes, il se sert d’elle, de ses cheveux blond platine, ses yeux de chat et ses lèvres rouges. Tous semblent davantage intéressés par l’image de femme fatale qu’elle renvoie que par la femme qui réfléchit, l’être humain dissimulé dans ce corps trop fantasmé.

Les œuvres sur Marilyn Monroe sont nombreuses et tombent parfois dans la psychanalyse ou les clichés. Marilyn, Madness and Me évite ces écueils et, que les spectateur·ice·s soient ou non des fans inconditionnel·le·s de la vedette, cette pièce touche tout le monde. Masha Neznansky et Charles Slovenski donnent vie à deux personnages à fleur de peau, légèrement enfantins, qui semblent n’être pas faits pour ce monde.

Marilyn, Madness and Me
Du 14 au 17 septembre 2023
Ce soir à 19h
Demain à 16h
Le Manège, Onex
www.geds.ch