La pièce Le Consentement met en scène le livre du même nom de Vanessa Springora. Cette autobiographie raconte la prédation sexuelle dont l’autrice a été victime lorsqu’elle était mineure par l’écrivain Gabriel Matzneff. Une situation d’emprise qui s’est faite progressivement et contre laquelle personne ne s’est dressé. Proposée par l’association Du Droit À l’Art et le Laboratoire Droit & Littérature de l’Université de Lausanne, elle s’est déroulée samedi dernier au théâtre de l’Octogone à Pully.
Texte de Marie Butty
La pièce débute sur un gigantesque papier calque qui traverse tout l’arrière de la scène et derrière lequel nous percevons, grâce à la lumière, une silhouette, celle de Ludivine Sagnier. Un enregistrement de voix résonne sans que l’on puisse réellement comprendre ce qui est dit accompagné d’un rythme de batterie, joué par Pierre Belleville. Puis la narration du texte de Vanessa Springora commence avec la voix modifiée de l’actrice qui donne une impression de voix-machine. Cette première scène est en réalité la fin du roman, celle où la jeune V. a perdu jusqu’au sentiment même d’exister physiquement. Elle se termine par un crescendo du son de la batterie puis la disparition de la silhouette. L’alliage du brouillage visuel et auditif nous fait brillamment ressentir physiquement la dépossession de soi et la désorientation que ressent V., complètement détruite par les abus de G.
L’actrice apparait ensuite en pleine lumière pour incarner l’histoire de la jeune V.. Les passages du livre choisis par le metteur en scène, Sébastien Davis, racontent l’enfance de la petite V., son rapport au père, à la mère, puis sa rencontre avec G.. Grâce à la batterie, nous ressentons intensément les sentiments qui ont traversé l’adolescente pendant cette période allant de l’excitation à la panique. Tour à tour l’actrice incarne G., la mère qui cautionne finalement cette relation ou encore un psychiatre rencontré lors d’un épisode de paralysie. La pièce alterne des passages sous la lumière au-devant de la scène et derrière le papier calque de l’ouverture, comme pour passer de l’intériorité à l’extériorité de V.. Le procédé est particulièrement réussi. Le récit se finit en revenant à la situation initiale présentée au début où la jeune femme est désorientée.

Photos: © Christophe Raynaud de Lage
L’actrice change ensuite de vêtements pour incarner la femme devenue adulte qui s’est progressivement retrouvée, a réussi à redonner sa confiance, 30 ans après les faits. Puis, elle évoque son enfant devenu adolescent et l’ambiance angoissante reprend, accompagnée de la batterie, comme une boucle qui est amenée à se répéter, avec un même scénario, sur les adolescents d’aujourd’hui. Le message est passé, c’est une histoire finalement courante, où un∙e adulte abuse d’un∙e enfant, lorsque ce dernier n’en comprend pas les enjeux. C’est l’histoire d’un piège immémorial qui détruit la vie de l’enfant, mais également de l’adulte à venir.
La prestation magistrale de Ludivine Sagnier rend honneur à ce texte si fort et prenant. Les moments de tensions sont exacerbés par l’interprétation de l’actrice ainsi que par l’accompagnement sonore de Pierre Belleville qui donne une expérience encore différente du texte.