Beau succès pour “La Route du Levant” au Théâtre du Grütli: avec un sujet brûlant d’actualité, le metteur en scène genevois Dominique Ziegler ramène la fable politique à l’échelle de l’individu, et frappe juste.
Deux chaises, une table, des panneaux lumineux, un ordinateur reflétant une pâle lueur: voilà les quelques éléments qui composent la salle d’interrogatoire d’un commissariat. Le vrai décor de “La Route du Levant”, c’est le texte. Un modèle de rhétorique dans lequel se rencontrent et s’affrontent un jeune et un flic. L’un est soupçonné d’accointances avec un groupe terroriste, l’autre doit lui faire cracher la vérité.
Ludovic Payet, dans une djellaba et des baskets de marque, prend les traits d’un jeune Français converti à l’Islam et rêvant de la terre de Cham où il pourra trouver ce que la France n’a pas su lui offrir: un sens à sa vie. Entre colère, résignation et désespoir, le comédien parvient à nous faire réentendre ces arguments, ressassés dans les médias depuis Charlie, à la lumière de l’être humain et du cheminement personnel.
Face à l’Islam, la République. Face à Ludovic Payet, Olivier Lafrance, qui a remplacé Jean-Philippe Ecoffey au pied levé. Il faut saluer le travail des deux comédiens, tant leurs partitions ambigües sont maîtrisées, tant chaque retournement de leur affrontement sonne juste. Car dans le creux de leur dialogue, dont la noirceur recèle de jolies pépites d’humour et quelques éclairs de tendresse, se dessine un portrait de l’extrémisme, qu’il soit de gauche ou de droite, religieux ou politique. La fin, surprenante, laisse un sentiment inégal parmi les spectateurs et se garde bien de prendre parti. C’est là la force et l’intelligence de Dominique Zeigler qui, grâce à une fiction parfaitement huilée, pose les questions nécessaires dans un monde marqué par la menace terroriste.
Au Théâtre du Grütli jusqu’au 4 février.
Texte: Marie-Sophie Péclard