Vendredi 30 septembre en fin d’après-midi, le train me dépose à Vevey. Mon objectif : le festival Images, qui paraît-il, s’affiche sur les murs de bâtiments fameux, telle la façade du bien connu géant de l’agro-alimentaire. Dès la sortie de la gare, un petit cabanon d’information se tient sur le trottoir. On nous remet un plan avec une trentaine de points bleus numérotés : les photographies que l’on peut trouver en plein air, ainsi qu’une vingtaine de points roses : les galeries d’art et autres surfaces fermées abritant également des expositions.
De l’autre côté du passage piéton qui descend vers le lac, une première grande image murale sur la façade de la BCV met tout de suite dans l’ambiance. J’apprendrai que cette œuvre est de l’Anglais Martin Parr, qui aime dénoncer les méfaits du tourisme de masse. La subtilité est d’observer l’image depuis un point en hauteur, afin de faire le lien avec le paysage alpin qui se cache derrière les hauts bâtiments du centre-ville. Tout cela paraît bien pensé… Mes pas me poussent ensuite au Jardin du Rivage, où je découvre les œuvres de Jojakim Cortis et Adrian Sonderegger, présentant d’intrigants trompe-l’œil. Plus que cela, ces artistes ont reproduit des scènes très connues (ex : l’attentat du 11 septembre 2001) avec des maquettes. La représentation célèbre, de loin, nous fait dire « Ah oui, je l’ai déjà vue cent fois celle-là ! », mais lorsque notre œil est attiré par un trépied, un crayon ou une bobine de fil au premier plan, on se rend compte du jeu des artistes. L’occasion de questionner le pouvoir de l’image photographique, à l’heure où le numérique permet la réalisation de trucages de toutes sortes. Cette série de clichés, Icons, a d’ailleurs reçu la mention Lumière lors du Grand Prix Images 2015.
Juste en dessous de cette intéressante trouvaille, autour de la fontaine, des œuvres de Stephen Gill demandent à être arrosées d’eau pour se révéler complètement. Les enfants apprécient… On suit ensuite le quai Perdonnet et se laisse surprendre par des images de gens sautant dans le lac au-dessus… de ce même lac (de l’italien Edoardo Delille), des toiles en noir et blanc accrochées dans un arbre (de la mexicaine Graciela Iturbide) ou encore les réalisations de l’artiste japonaise Asako Narahashi, qui propose des clichés de paysages montagneux flottant sur l’eau. On trouve de nombreux styles de photos différents, et dans leur disposition, beaucoup d’esthétisme et de poésie.
Une installation éphémère proposée par la Summit Foundation permet également de contribuer à un projet de photographie participatif nommé TimeAlps, proposant de créer un panorama de la Riviera avec les contributions de chacun… Ou comment visiter un festival sans être complètement passif !
Après toutes ces expositions en plein air, on entre dans une première galerie. On y trouve une épicerie familiale du Mississipi reconstituée par Christian Patterson dans le cadre de son projet GongCo, avec des représentations qui interrogent le consumérisme, l’immigration et le changement social dans les sociétés capitalistes. (Il s’agit d’ailleurs du lauréat du Grand Prix 2015 !)
Les œuvres du bord du lac tendent à diminuer, et même si on aimerait rester à admirer le soleil couchant se reflétant sur le Léman, on remonte dans les petites ruelles de la Vieille-Ville. Dans une autre galerie, des clichés très colorés réalisés par par Lei Lei et Thomas Sauvin, mettent en scène des anonymes à partir de photos en noir et blanc trouvées dans un marché chinois. Avant que la nuit tombe, on est encore attiré par une installation étonnante de l’artiste Matjaž Tancic sur la place Scanavin : un rectangle muré de palissades de bois avec des trous pour les yeux, permettant d’apercevoir des Coréens du Nord en 3D. L’artiste slovène a connu le communisme et souhaitait apporter un regard nouveau sur le pays considéré comme le plus fermé du monde, en immortalisant des habitants dans leur vie de tous les jours. On arrive malheureusement trop tard pour découvrir la petite dizaine d’artistes exposés dans la salle du Castillo, qui se veut le lieu central du festival. À 19h00, les portes sont closes !
Le temps d’une soirée, les clichés nous ont fait voyager, traduisant le caractère très international de ce festival : les artistes viennent d’Espagne, du Brésil, de Chine,… Quinze pays au total sont représentés.
De jolies découvertes dans un cadre enchanteur, un sympathique et intriguant musée à ciel ouvert se déployant pendant trois semaines… Ce qui est décrit ici n’est d’ailleurs qu’une infime partie du tout ! On se réjouit d’y retourner dans deux ans ! Le festival n’a effectivement lieu que les années paires, en alternance, les années impaires, avec le concours international « Grand Prix Images Vevey », mettant en compétition six cent projets d’artistes issus de soixante pays (chiffres pour l’année 2015). Les lauréats de ce Prix ont naturellement une place de choix en étant exposés lors de l’édition du festival qui suit.
Texte et photos : Stéphanie de Roguin