Tremplin

La fougue, le mystère et le flegme

Fourmillant Victoria Hall. À l’entrée des artistes, ça bavarde joyeusement entre musicien∙ne∙s de l’OSR, l’instrument sur le dos, tandis qu’à la porte principale fusent des bribes de conversations de toutes parts, en anglais, en français, en japonais. Trois finalistes, en coulisses, sont probablement en pleine concentration avant leur passage sur scène dans un concerto choisi. Hier soir a eu lieu la Finale de violoncelle du Concours de Genève, qui a récompensé le Japonais Michiaki Ueno. Ce soir, cette 75e édition se clôturera par la Finale de hautbois.

Texte : Katia Meylan

Sur les 37 violoncellistes sélectionné∙e∙s parmi les 259 ayant envoyé leur candidature au Concours de Genève par vidéo, onze auraient choisi d’interpréter le concerto d’Elgar. Ils ont été deux à avoir l’occasion de prouver leur talent au travers de cette magnifique œuvre composée en 1919.

Le premier à paraître devant le public, les membres du jury et les caméras pour Medici TV, The Violin Channel et YouTube Live est Jaemin Han, quinze ans seulement et déjà plusieurs grands prix internationaux à son actif. La fougue se fait sentir, son émotion se transmet sur son visage et ses mouvements. Certains passages attirent l’attention, notamment son énergie presque rock dans les cordes pincées du premier mouvement. Est-ce que les mêmes passages attireront l’attention chez Bryan Cheng dans la même œuvre? Le Canadien et son Stradivarius « Bonjour » m’ont conféré un sentiment plus flegmatique, et soulevé quelques frissons dans le 3e mouvement, dans son entente avec l’orchestre.

Comme des grands frères encourageants, les violoncelles de l’Orchestre de la Suisse Romande sont placés au centre, derrière les solistes.

Le gagnant du concours, Michiaki Ueno, 25 ans, a interprété le concerto de Lutosławski. Ils n’auraient été que cinq à avoir choisir cette œuvre contemporaine. L’audace a-t-elle joué en la faveur du candidat? Ou son assurance mystérieuse alors qu’il commence seul sur un ré « indifférent », une corde à vide, sa main libre gracieusement tendue au loin? La profondeur de son interprétation et sa prestance a dans tous les cas convaincu le jury ainsi que le jeune public, qui lui décerne son Prix. Le public lémanique aura une occasion de le réentendre jouer prochainement, lundi 1er novembre dans le cadre des Concerts de Jussy.

Le Concours de Genève, au-delà d’un simple prix monétaire, s’organise en une structure complète, forte de partenariats qui offrent aux candidats de nombreuses possibilités de concerts, rencontres et apprentissages.

Un dernier concert reste à venir pour cette édition 2021: la Finale de hautbois, qui verra concourir Natalie Auli (Venezuela), Louis Baumann (France) et Zhiyu Sandy Xu (Australie).

75e Concours de Genève
Jeudi 28 octobre – Finale de violoncelle
Vendredi 29 octobre à 19h – Finale de hautbois, Victoria Hall
Lundi 1er novembre à 20h – Concert du lauréat du Concours de violoncelle, Temple de Jussy

Du hip-hop en béton

Cela fait maintenant quelques années que la culture hip-hop renaît de ses cendres en Suisse romande. Nombreux·ses sont les artistes qui osent se lancer sur la scène artistique francophone et deviennent de flamboyant·e·s représentant·e·s urbain·e·s made in Switzerland. Le Festival Transforme, qui aura lieu le 27 juin au Centre de Formation Professionnelle de Ternier à Lancy, est un projet alliant une participation active des jeunes apprenti·e·s qui l’organisent et la culture dont ils se rapprochent le plus, le hip-hop new school.

Texte: Giovanna Santangelo

Qui n’a jamais entendu le principe traditionnel et endurci qui disait que les grandes études valaient mieux que tout le reste, sous prétexte qu’elles seules permettaient d’ouvrir les meilleures portes de la vie laborieuse. Transforme constitue la clôture d’un projet plus général de valorisation de l’apprentissage dans le canton de Genève, qui tend  justement à lutter contre ces préceptes archaïques.

L’aspect participatif est ce qui est le plus mis en avant. Les nombreuses créations des apprenti·e·s réalisées tout au long du semestre ont une fonction concrète lors du festival. Le flyer est confectionné par des étudiant·e·s en graphisme et design, l’enseigne “TRANSFORME” est taillée dans le bois par les apprenti·e·s en menuiserie, et le bar en béton est réalisé par celle et ceux en maçonnerie. Cet événement est créé pour eux et géré par eux. L’autre but, c’est d’intéresser les plus jeunes, les 12-15 ans, qui à l’heure du choix pour déterminer leur futur parcours, auront l’occasion d’être plus informé·e·s sur l’amplitude de formations professionnelles existantes et indispensables dans la vie de tous les jours. En mettant en scène l’offre culturelle dans un projet open-air consacré au hip-hop, on attire un public dynamique composé des futur·e·s protagonistes du monde professionnel de demain.

Cette année, un programme paritaire est annoncé. Il y aura autant d’artistes féminines que de rappeurs masculins qui se produiront sur la scène musicale. De plus, la tête d’affiche du festival est une femme, elle aussi. IAMDDB incarne le nouvel espoir  de l’urban jazz anglo-saxon et à seulement 23 ans, elle compte déjà trois albums à son actif. En restant dans le même répertoire de genre mais de manière plus régionale, seront présentes aussi Women At Work, un collectif pluridisciplinaire prônant notamment le rap engagé dans leurs textes, et aussi Ella Soto, la star suisse polyvalente de R’n’B lo-fi.

Issus de la scène française cette fois-ci, on retrouvera 13 Block, quatuor masculin constituant un phénomène explosif de la trap francophone actuelle et Dosseh, figure immanquable du rap qui enchaîne les collaborations avec des grands noms tels que Booba, Seth Gueko ou encore Youssoupha. La petite touche locale sera amenée par Rouhnaa & Gio Dallas, deux jeunes artistes de la nouvelle génération du rap genevois.

En plus de l’aménagement d’un skatepark et de démonstrations de parkour qui avaient déjà fait fureur l’année passée, d’autres nouveautés sont prévues pour la deuxième édition de Transforme. Il sera possible d’assister à un défilé fusionnant mode streetwear et danse et à un open mic libre rythmé et organisé par le collectif La Ruelle.

Rendez-vous à Transforme pour célébrer le début de l’été dans une atmosphère débordante d’artistes underground prometteur·s·es.

Festival Transforme

Le jeudi 27 juin au centre de formation professionnelle de Ternier de Lancy, Genève

https://festival-transforme.ch

Cinquième réalisation pour The Music Video Contest

The Music Video Contest est un concours pluridisciplinaire imaginé par Mei Fa Tan, réalisatrice free-lance. Depuis 2013, elle propose aux musiciens de soumettre un titre via la plateforme musicale suisse Mx3, avec à la clé la réalisation d’un clip. Le concept tient d’une collaboration de la cinéaste avec des techniciens du cinéma, des musiciens, des chorégraphes, ainsi qu’avec le festival Les Hivernales à Nyon qui propose au vainqueur une place dans sa programmation.

Backstage du tournage. Photo: Anne Gerzat

Cette année, parmi 90 candidats, c’est l’artiste Fabe Gryphin, “songwriter des temps modernes” comme il se décrit lui-même, qui remporte The Music Video Contest. Son nouvel EP “Pain” est un projet hybride aux influences hip hop, soul, rock, electro et du monde jazz des musiciens dont il s’entoure. De là est tiré le titre “PTTFLR” pour lequel Mei Fa Tan a réalisé une vidéo.

Un espace confiné, un contre-jour, des mouvements et un visage expressifs alternant agitation et calme soudain: difficile de ne pas penser à “Chandelier” de Sia devant l’ambiance et la chorégraphie de Pauline Raineri (de la compagnie genevoise Wave) exécutée par la jeune Shayna Vernacchio. La narration est toutefois développée autour des sentiments que le personnage de la petite fille exprime à son grand-père, tous deux dans l’incapacité de sortir. La caméra qui se balade dans l’espace, dynamisant les gestes, permet aussi de voir Fabe Gryphin interpréter le morceau.

Découvrir la vidéo: Fabe Gryphin – PTTFLR (The Music Video Contest)

Découvrir Mei Fa Tan                                                                                             Découvrir Fabe Gryphin

Texte: Katia Meylan

Une soirée étonnante et émouvante, à l’image des artistes de cette 5ème NAG-Night

Samedi dernier au Théâtre de Beausobre, les artistes des gymnases vaudois étaient sous le feu des projecteurs: comme depuis cinq ans, l’événement NAG-Night faisait honneur aux jeunes talents de toute la région.

Texte: Alise Ivan

Bo-M. Photo: Sigfredo Haro (La Côte).

Parmi ces nombreuses découvertes artistiques, le choix a dû être ardu pour les membres du jury. Après délibération, ils sont malgré tout parvenus à sélectionner leurs trois projets favoris, qu’ils ont récompensés avec différents prix: La chanteuse et comédienne Hanna Gorani du gymnase d’Yverdon a reçu le prix de musicalité, remis par la maison Boullard Musique. Hugo Carrard alias Bo-M, du gymnase de Nyon, a été récompensé par le prix de créativité pour saluer sa performance touchante et originale. Le prix de maturité artistique a quant à lui été décerné à une troupe de danseurs-ses de l’établissement Auguste-Piccard, le groupe ReMove.

ReMove. Photo: Alexia Leinhard.

Présentant tour à tour les artistes, l’animateur de Couleur3 et humoriste Yacine Nemra n’a pas manqué de divertir son public durant les intermèdes, en lui faisant, par exemple, prendre part à un «Qui Est-ce» grandeur nature.

The Diva Sensation. Photo: Sigfredo Haro (La Côte).

Le public, touché et impressionné par le niveau très élevé de ces dix-sept performances, a vu défiler des chorégraphies allant de la danse indienne à contemporaine en passant par du hip-hop, mais aussi des compositions originales de musiciens-nes solo ou de groupes, de la gymnastique rythmique ou encore un numéro de monocycle. Derrière tous ces projets, une véritable ingéniosité et une pulsion créative: les artistes voulaient exprimer des idées qui leur tenaient à cœur, le tout dans une atmosphère de partage débordante d’émotions et de sincérité. Par le biais de la musique, certains se sont livrés avec des textes traitant de sujets comme le suicide, l’isolation ou encore l’espoir. D’autres voulaient, au travers de leurs chorégraphies, dénoncer certains problèmes sociétaux tels que l’individualisme ou la perte d’humanité engrangée par notre mode de vie consumériste.

Des performances engagées donc, pour ces jeunes gymnasiens, qui n’avaient pas peur de se donner au maximum et ne semblaient guère impressionnés par leurs spectateurs pourtant nombreux, puisque quelque 700 personnes avaient fait le déplacement. Créativité, maturité, dévouement, et par-dessus tout talent étaient au rendez-vous. Une chose est certaine, la relève artistique est assurée!

Yann Le Marginal. Photo: Sigfredo Haro (La Côte).