Jeune Public

Quête

Quête

Une compagnie d’Impolies, épée en bois et langage de notre siècle en bandoulière, se met en route pour trouver le Graal. Du Moyen-Âge à nos jours, le propos de la quête est resté le même: entrevoir la beauté de notre condition humaine.

Texte et propos recueillis par Katia Meylan

Toutes les versions accessibles de la quête du Graal sont passées entre les mains de Juliette Verneray en vue de l’écriture de Quête. Deux en particulier retiennent l’attention de la metteuse en scène et du musicien Lionel Aebischer, avec qui elle co-signe la pièce: celle d’Albert Béguin et Yves Bonnefoy (1965), et celle de Barjavel (1984) qui accrochait déjà quelques ressorts comiques à ces légendes du 7e siècle. « Toutes les versions ne sont pas d’accord sur qui trouve le Graal, souvent l’action commence après quatre chapitre car il faut attendre que tout le monde soit arrivé… », s’amuse Juliette Vernerey. Autant de « détails ennuyeux » dont l’équipe s’empare pour appuyer le côté bancal de sa propre quête et aborder avec humour des sujets aussi brûlants que l’adultère, le rapport à la violence, la virilité et le féminisme.

C’est tout naturellement que la Cie de L’Impolie, dont les membres se connaissent depuis leur études à l’Institut Supérieur des Arts à Bruxelles il y a une dizaine d’années, a adopté une écriture collective à huit. Après avoir écrit les bases de la pièce, Juliette Vernerey et Lionel Aebischer avaient rassemblé les comédien∙ne∙s sur scène, leur avaient donné pour consigne de recréer en live tableaux du Moyen-Âge puis, partir de ces poses, d’improviser les scènes. Juliette avait filmé ces premières répétitions, tout revisionné, puis intégré ce qui fonctionnait au texte. Depuis Google Drive, tout le monde pouvait encore aller modifier des dialogues, pour s’approprier à souhait son personnage.

Artus, Guenevevièvre, Lancelote, Merlijn, Vivianeu ne sont pas des contrefaçons, plutôt des graines de héros et d’héroïnes d’un quotidien un peu absurde. Leurs réflexions contemporaines et leurs survêtements Adidas se frottent aux casques, armures et autres chapeaux pointus, costumes pensés par Célien Favre et Noémie Lagger. 100% seconde main, 100% tout terrains, adaptés au rythme qu’implique une quête du Graal.

Dans les moments de frénésie, dans les citations de René Barjavel ou encore dans les choeurs composés par Lionel Aebischer, Juliette Vernerey parle du sujet qui lui tient le plus à coeur: l’être humain, ses fragilités, ses contradictions, « savoir qu’on va crever mais continuer avec joie! »

Informations pratiques:

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Your Fault portrait ©MarySmith_Marie Taillefer

Culture estivale à Lausanne

La plateforme CultureDebout! recense toutes les actions et initiatives mises en place en un temps record par la scène culturelle lausannoise. Rivalisant de créativité, elle vous propose cet été un programme inédit et majoritairement gratuit dans des conditions respectueuses des normes sanitaires.

Texte: Sandrine Spycher

Un des rendez-vous phares de l’été lausannois est, depuis de nombreuses années, Le Festival de la Cité. Annulé à cause de la pandémie de coronavirus, il vous donne rendez-vous pour sa version revisitée, Aux confins de la Cité, qui se tiendra du 7 au 12 juillet 2020. Les différents lieux, choisis avec attention afin de respecter les normes sanitaires tout en garantissant une expérience de spectacle enrichissante, ne sont dévoilés qu’aux participant·e·s. En effet, les projets, in situ ou sur des scènes légères, ne sont accessibles que sur inscription. C’est donc après tirage au sort que les chanceux et chanceuses pourront profiter de spectacles de danse, théâtre, musique et bien plus encore Aux confins de la Cité!

Pour ce qui est des arts de la scène, L’Agenda conseille, au cœur de cette riche sélection, la pièce Sans effort de Joël Maillard et Marie Ripoll. Déjà présenté à l’Arsenic en octobre 2019, ce spectacle est un joyau de texte et de créativité, qui explore les questions de la mémoire humaine et de la transmission entre générations. Côté musique, vous retiendrez notamment la pop velours de Your Fault, projet de Julie Hugo (ancienne chanteuse de Solange la Frange). Cette musique aux notes envoûtantes ne manquera pas de rafraîchir la soirée à l’heure où le soleil se couche. Enfin, pour apporter une touche grandiose dans ce festival, Jean-Christophe Geiser jouera sur les Grands Orgues de la cathédrale de Lausanne. Ce monument symbolique de la Cité où se déroulent les festivités contient le plus grand instrument de Suisse, que l’organiste fera sonner. Bien d’autres projets et spectacles seront présentés au public inscrit. En prenant soin de respecter les consignes sanitaires, on n’imaginait tout de même pas une année sans fête à la Cité !

Your Fault portrait ©MarySmith_Marie Taillefer
Your Fault, © MarySmith : Marie Taillefer

Les cinéphiles ne seront pas en reste cet été grâce aux différentes projections, par exemple dans les parcs de la ville. Les Toiles de Milan et les Bobines de Valency ont repensé leur organisation afin de pouvoir offrir un programme de films alléchant malgré les restrictions sanitaires. Les Rencontres du 7e Art, ainsi que le Festival Cinémas d’Afrique – Lausanne se réinventent également et vous invitent à profiter de l’écran en toute sécurité. La danse sera également à l’honneur avec la Fête de la Danse ou les Jeudis de l’Arsenic, rendez-vous hebdomadaires au format décontracté, qui accueillent aussi de la performance, du théâtre ou encore de la musique.

La plupart de ces événements sont rendus possibles grâce au programme RIPOSTE !. Selon leurs propres mots, RIPOSTE !, « c’est la réponse d’un collectif d’acteurs culturels lausannois pour proclamer la vitalité artistique du terreau créatif local ». L’Esplanade de Montbenon et son cadre idyllique avec vue sur le lac Léman a été choisie pour accueillir, chaque vendredi et samedi en soirée, une sélection de concerts, films en plein air et performances de rue. L’accès y sera limité afin de respecter les mesures sanitaires.

L’Agenda vous souhaite un bel été culturel !

Informations sur culturedebout.ch


 

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Cirqu’Mania

“Année exceptionnelle, soirées exceptionnelles!” tels sont les mots utilisés par le Président de l’Harmonie de Terre Sainte, Fabien Romanens pour décrire les deux spectacles qui auront lieu ce weekend dans la région.

Texte: Sumiko Chablaix

À l’occasion de ses deux concerts annuels, l’harmonie s’est lancé un nouveau défi: collaborer avec l’école de cirque Le Salto de l’Escargot composée de pas moins d’une trentaine d’élèves dans une création originale intitulée “Cirqu’Mania”.  Cette association délectera l’ouïe des auditeurs et les yeux des passionnés d’arts du manège.

Au programme des soirées? Des rires, du lyrisme et un clin d’œil à notre nation, la Suisse, grâce à la participation de deux musiciens connus dans la région romande: Jean-Claude Bloch et Joël Musy, qui sauront en surprendre plus d’un·e.

Un pré-spectacle interprété par les élèves de l’École de Musique de Terre Sainte emplira les couloirs et la salle avec des petits échos musicaux en guise d’amuse-bouche, avant de rejoindre l’harmonie pour interpréter deux morceaux.

Ce n’est véritablement qu’au son du xylophone de “Circus Knie Galopp” interprété par Kaori Chablaix, jeune percussionniste, que les spectateur·trices seront propulsé·e·s dans l’univers fascinant du cirque et du spectacle grandeur nature.

Pour clore le concert, quoi de mieux qu’un Opera Rock des années 80? C’est avec un arrangement de “Starmania” que l’Harmonie de Terre Sainte terminera son voyage à travers l’univers magique des clowns, trapézistes, danseurs de claquette…

Samedi 16 février à 20h
Dimanche 17 février à 17h
Salle communale de Founex.

Ouverture des portes et animation offerte 1 heure avant les spectacles.

www.harmonieterresainte.ch

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L’Hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains

Au Petit Théâtre de Lausanne, d’une scène en planches de bois renait à chaque représentation un décor poétique et absurde pour un morceau de vie qui l’est tout autant, comme nous le souffle son titre: “L’Hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains”. À voir dès 7 ans.

Texte: Katia Meylan

Photo: Philippe Pache

Parce que dans les histoires les personnages apparaissent toujours en premier, un homme et une femme déposés là attendent qu’un écrivain leur donne quelque chose à dire, à faire… Le problème est que ce dernier ne semble pas très inspiré. L’homme, bavard et impatient, comprend rapidement qu’ils devront se débrouiller seuls. À coup de réflexions entrecoupées d’injonctions de la femme, faisant littéralement avec ce qu’il a sous la main (ou les pieds), il commence par construire deux chaises, puis une table qui leur tiendra lieu de toit.

Si l’on n’a pas à manger, il suffit de faire les gestes. Si l’on se sent seul, on peut faire signe au voisin… (“Il va construire un voisin aussi!?” s’exclame un enfant dans le public en voyant l’homme s’emparer d’une nouvelle planche). Mais est-ce un voisin ou un arbre? Est-ce qu’ “il y a toujours un moment où il faut envisager la guitare”, même si notre chère et tendre est contre l’idée? Et ces enfants qui sont apparus dans le grenier, comment sont-ils arrivés ici? Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire avec eux maintenant qu’ils sont là… une dictée?

Selvi Pürro et Matthias Urban. Photo: Philippe Pache

Le texte de Philippe Dorin, Molière du meilleur spectacle jeune public 2008, est “du vrai Beckett pour enfants”, nous dit le metteur en scène et comédien Matthias Urban. Et ce qui était pour nous une impression floue jusqu’alors nous paraît comme une évidence.

Il fait le choix de rester près du texte, qu’il rythme par une mise en scène dynamique: les personnages restent sur scène tout au long de la pièce et se débrouillent avec ce qu’ils y trouvent (contrairement aux indications didascaliques). Une contrainte qui va modifier l’espace peu à peu. Les moments plus explosifs d’inspiration constructrice ou musicale  en compagnie de Johnny Cash contrastent joliment avec la poésie cyclique quand tombe la neige, quand le soleil se couche d’un  mouvement du plat de la main.

Dans la pièce, les personnages qui ont des enfants sortent de scène pour vivre leur rêve. À L’Agenda, on n’a pas d’enfants, mais on est tout de même entré avec délice au Petit Théâtre pour rêver un autre univers.

L’Hiver quatre chiens mordent mes pieds et mes mains
Dès 7 ans
Au Petit Théâtre de Lausanne jusqu’au 18 novembre 2018

www.lepetittheatre.ch

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Antigone, des grands plats pour les petits

“Un os à la noce” est un regard sur la tragédie grecque “Antigone”, proposé aux enfants dès 8 ans. Créée en 2008, la pièce est remise sur le devant de la scène du Théâtre des Marionnettes de Genève par la compagnie des Hélices, qui voyait dans ses thèmes une résonnance avec des problématiques actuelles.

Texte: Katia Meylan

Photo: Carole Parodi

Presque aucun changement dans la mise en scène ni dans le texte de la création qui avait été jouée il y a dix ans. La compagnie avoue s’être demandé si la recette  de 2008 marcherait toujours aujourd’hui. Mais “la pièce est basée sur une histoire qui a plus de 2400 ans, on n’était pas à 10 ans près”,  nous fait remarquer Isabelle Matter, qui met en scène la pièce avec Domenico Carli. Leur souhait, en adaptant cette tragédie, a été de donner aux enfants une première approche de la structure type des pièces classiques qui, touchant à des thèmes universels, traversent les âges et les frontières.

L’histoire en quelques mots:
Polynice et Étéocle, les frères d’Antigone, prétendent tous deux au trône et pour calmer leur dispute, s’accordent sur une solution supposée équitable: alterner les années de règne. Pourtant, une fois son année écoulée, Étéocle refuse de passer la main à son frère. Ce dernier lui déclare la guerre et attaque la cité. Ils finissent par s’entre-tuer, laissant la couronne à leur oncle Créon. Ce nouveau roi va alors interdire à quiconque d’enterrer ni même de pleurer le “traître” Polynice, sous peine de se faire couper la tête. Antigone, par amour et fidélité des liens de sang, va s’opposer à cette loi pour offrir à son frère un rituel de passage dans l’au-delà.


S’attaquant au récit de Sophocle, les metteurs en scènes expliquent avoir souhaité mettre en exergue le choix d’Antigone qui, faisant fi d’une loi injustement édictée, décide d’agir selon ses propres valeurs morales.
En rejouant cette pièce, la compagnie souligne le caractère actuel de cette problématique avec des situations qui pourront sembler familières au spectateur de 2018. Par des indices dans l’adaptation du texte est évoquée la situation des migrants et des citoyens des pays d’accueil, et comment certains individus passent outre les barrières que dressent des lois désincarnées.

La tragédie originale, comme son genre l’indique, mène à la mort d’Antigone. “Un os à la noce”, destiné aux enfants, finit toutefois sur une note plus positive, pour ne pas leur laisser la terrible impression que lorsqu’on décide de privilégier les valeurs humaines par rapport aux lois, on finit forcément zigouillé·e!

Photo: Carole Parodi

Pour ce faire, la mise en scène met les petits plats dans les grands; elle joue tout au long de l’histoire sur la métaphore culinaire, et sur différents niveaux de narration. Les quatre comédien·ne·s sont des garçons de café – qui n’en finissent plus de jeter les morts dans la poubelle de table, et dont l’étrangeté prend des airs burtonien. Ils représentent le chœur de Thèbes, faisant avancer l’histoire sans pouvoir l’influencer, tout en ajoutant à la sauce un ingrédient comique. D’autres fois, ils s’effacent au profit des marionnettes à crosses qu’ils manipulent. Ils content ainsi l’histoire des citoyens de Thèbes… vue d’en dessus, par une bande de vautours, qui ne manque pas de commenter les travers et qualités des humains.
Nekbeth, la fille du chef vautour, peu intéressée par les cadavres et encore moins par son futur mariage avec un capitaine, s’envole vers un autre destin… et pour elle, l’histoire se terminera bien.

Mais les représentations n’étant pas finies, arrêtons-nous là pour vous laisser aller découvrir le spectacle!

Un os à la noce
Les 22, 23, 25, 26, 29 et 30 septembre.

www.marionnettes.ch

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Une porte ouverte sur une saison d’espoir

Mercredi soir, le Petit Théâtre annonçait sa saison dans une atmosphère conviviale et gourmande comme à son habitude, attirant petit∙e∙s et grand∙e∙s curieux∙ses. Plusieurs artistes étaient présent∙e∙s pour donner un aperçu – certain∙e∙s déjà à moitié ou pleinement en représentation – de la création qu’ils∙elles présenteront dans cette petite institution lausannoise. Ainsi, on a eu le plaisir de croiser Matthias Urban accompagné d’une marionnette timide, Alain Borek et Odile Cantero parés à imaginer toutes les histoires impromptues que leur inspireront les enfants, ou encore Les Petits Chanteurs à la Gueule de Bois se jeter à l’eau avec une chanson inédite. Il y en avait encore d’autres, Ana Popek, Michel Voïta, Philippe Sireuil et son imaginatif “Anacoluthe”… nous ne pouvons que vivement vous conseiller de regarder de plus près ce programme varié qui ose toutes les audaces, comme le dit sa directrice Sophie Gardaz d’un air malicieux.

Texte: Katia Meylan

Pour ouvrir cette belle saison, le Petit Théâtre a commencé tout de suite avec son premier accueil, “à2pas2laporte”, un spectacle accessible dès 5 ans imaginé par le collectif Label Brut.

 “à2pas2laporte” © Pierre Grobois

Imaginée et interprétée par Laurent Fraunié, la pièce s’ouvre sur des témoignages récoltés auprès de personnes de tous âges. De petits ou de grands témoignages sur la vie. J’aimerais être un joueur de foot… Je ne sais pas à quel moment je suis devenu grand… je ne le suis toujours pas, en fait… Mon premier amour portait une robe rouge… quand je l’ai revu avec son costume d’écolier, mon amour a disparu…
Autant de témoignages qui sont le départ de ce conte qui se poursuit sans mots.

Assis derrière une fenêtre avec son chien-marionnette en besoin constant d’attention, un personnage observe la vie se dérouler au dehors, tranquille, moins tranquille. Puis soudain, une porte apparait. Une porte… qu’il va falloir ouvrir?? L’inquiétude, milles hésitation, un peu de préparation physique comique pour se donner contenance,  un peu de préparation mentale attendrissante où l’on se reconnait… vient alors la volonté d’ouvrir la porte…

De belles idées de mise en scène, très différentes les unes des autres, se succèdent, marquant les différentes étapes par lesquelles passe le personnage.

 “à2pas2laporte” © Pierre Grobois

Le comédien joue sur des trucages de tous âges; une boîte sans fond d’où il tire – quand ils ne lui sautent pas au visage – des objets farfelus, et dans laquelle il se finit par se fourrer… mais aussi un Ipad qu’il se ficelle devant le visage et qui, par un geste de swipe très 21e siècle, l’aide à devenir Michael Jackson ou Shakira.

Ça marche, les enfants rient beaucoup de ce personnage expressif et de son côté “poule mouillée”. On est aussi pris dans cette poésie, on se voit à deux pas de cette porte, on a peut-être déjà un jour pu passer au-delà. À l’intérieur, qui est-on? Tous les possibles sont bien au chaud. À l’extérieur, que sera-t-on? Que trouvera-t-on?

à2pas2laporte”
Samedi 8 septembre à 14h et 17h
Dimanche 9 septembre 11h et 15h
Tout public, dès 5 ans

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Nostal’geek – un air de nostalgie sur une mélodie éducative

Un magnifique concert qui m’a permis de revivre des souvenirs d’enfance et de constater, une fois encore, la magie insoupçonnée qui se cache au sein de la musique classique. “Mais, jeux vidéo et musique classique? Ce sont deux mondes complètement différents!” Diront certain·e·s. Eh bien qu’ils se détrompent, car nombreux·ses sont les grand·e·s compositeur·trice·s qui se cachent derrière les créations musicales du domaine vidéoludique, tels que Nobuo Uematsu (Final Fantasy) ou Jeremy Soule (The Elder Scrolls IV et V).

Texte: Christelle Bujard

En arrivant au BCV Concert Hall, que je découvre pour la première fois, je suis accueillie par une équipe chaleureuse et sympathique. Je vais prendre place dans cette petite salle assez cosy, où les spectateurs·trices sont installé·e·s à plein pieds et situé·e·s assez proche de l’orchestre, ce qui rajoute une dimension intimiste au spectacle et développe l’idée que la musique classique est à la portée de toutes et tous. C’est avec une petite surprise que j’observe la salle se remplir de “très jeunes” spectateurs. Mon interrogation reçoit très vite une réponse, il s’agit d’un concert organisé dans le cadre de “Musique entre les lignes”, programme de l’HEMU.

Musique entre les lignes. BCV Concert Hall – Flon. Conservatoire de Lausanne. Photo d’Olivier Wavre.

“Musique entre les lignes” est un projet qui vise à faire découvrir la musique classique et actuelle au public, et en particulier au jeune public, pour qui ce domaine n’est que peu, voire pas du tout familier. Chaque année depuis 2014, l’HEMU met en place cinq cycles de concerts. Pour la saison 2017-2018, elle a prévu pour la première fois des représentations dans les cantons de Fribourg et du Valais.

Je me suis donc rendue à la dernière représentation de cette saison 2018, qui avait pour thème la musique de jeux vidéo. Encouragé·e·s par le chef d’orchestre, M. Thierry Weber, les musicien·ne·s ont profité de l’installation de chacun·e pour mettre un peu d’ambiance, en nous faisant patienter avec une musique d’ascenseur très connue.

Puis, le spectacle commence sur un air de Super Mario Galaxy, que plusieurs enfants reconnaissent sans soucis. Le spectacle prend un tournant éducatif et le chef d’orchestre présente le concept du show, en commençant par nous parler des premiers jeux vidéo, avec l’emblématique Pong. S’en suit une musique de Candy Crush, pour nous illustrer l’une des utilisations de la musique dans les jeux: mettre une certaine ambiance sans perturber le joueur, concept qui se retrouve, par exemple, dans les jeux de sports.

Musique entre les lignes. BCV Concert Hall – Flon. Conservatoire de Lausanne. Photo d’Olivier Wavre.

Tout au long du spectacle très vite devenu interactif, M. Weber fait participer les enfants, éveillant leur intérêt à la musique classique par le biais de leur loisir. Ils/elles sont ravi·e·s de répondre aux questions, de deviner de quel jeu vient quelle musique ou s’il s’agit du thème d’un personnage. Tout y passe, Zelda, Sonic, Final Fantasy, Tetris et nous terminons le spectacle sur Mario Kart, où quelques enfants ont la possibilité de jouer le temps d’une course, pendant qu’un·e musicien·ne les accompagne, installé·e auprès d’eux, afin de leur faire vivre l’expérience des bruitages au plus près.

Au final, la dimension découverte de ce spectacle m’a totalement convaincue. J’ai trouvé le projet fabuleux et j’admire M. Weber et Mme Schmidt, la responsable de production pour qui cette saison était la dernière, d’avoir mis en place ce programme qui permet de transmettre la culture et de faire découvrir dès le plus jeune âge ces domaines souvent jugés inaccessible à tort.

www.hemu.ch

 

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Chasseurs de mystères

Cover de Remi Larroque

Aujourd’hui 8 mars 2018, l’auteure franco-suisse Clara Le Corre annonce la sortie du tome III de “Hunters High Rule”, trilogie fantastique dans la veine des romans pour ados. Avant de découvrir les nouveaux mystères que devra résoudre le Club des Chasseurs durant cette dernière année de lycée, L’Agenda a rencontré Clara Le Corre à Lausanne pour quelques questions en tout en simplicité.

 

Texte: Katia Meylan

Clara Le Corre

 

 

 

C’est en effet une simplicité pleine de fraîcheur qui frappe en rencontrant la jeune femme. “Je ne cherche pas à paraître, je réponds comme ça me vient!” nous dit-elle.
Pourquoi l’envie d’écrire pour les jeunes? Parce qu’elle se sent proche de son public adulescent. “Vieille ado”, “jeune adulte”? Elle se ravise ensuite sur ces termes trop clichés. Ce qu’elle sait, c’est qu’elle écrit le roman qu’elle-même voudrait tenir entre ses mains.

En effet, en découvrant les deux premiers tomes de “Hunters High Rule”, on retombe à la fin de l’enfance, lorsqu’ on s’asseyait sur son lit pour retrouver nos héros du moment, leurs péripéties et leurs histoires de cœur.

Pendant une bonne première moitié du tome I, c’est bien d’histoires de cœur, d’amitié et d’aléas de la vie de lycée dont il s’agit. On rencontre Dawne, la timide rebelle, entourée de ses meilleurs amis du Club des Chasseurs; Roman, le beau gosse râleur au sang chaud mais toujours prêt à voler au secours des opprimés; Mortimer, “le roux le plus chanceux de la ville”, organisé et ultramotivé; et bien sûr la nouvelle recrue, Leotta, si belle et si mystérieuse que le cœur de Dawne ne met pas bien long avant de chavirer. Enfin, le Club ne serait pas complet sans Cacho, chat de gouttière tenant lieu de conscience sur patte, et Linus, chauve-souris geek doté de pas mal de tocs.

Oui, dans “Hunters High Rule”, les animaux parlent, en tant que membres à part entière de la société, et à cela on nous habitue dès le départ. “Je voulais poser les bases, que l’on comprenne les personnages, que comme eux, on trouve tout à fait normal que les animaux parlent”, nous dit l’auteure.

D’autres éléments fantastiques mettent plus de temps à se dévoiler. Pourtant, on suit un Club dont le but est de résoudre les mystères. Il nous faut donc du mystère! Et il n’y a pas que le lecteur qui se demande quand est-ce qu’il pointera le bout son nez, au milieu des cours de maths, des fêtes d’Halloween et des articles à rédiger. Comiquement, les personnages aussi désespèrent devant le manque d’action…  C’est peu à peu, au fil du roman, que l’on se rend compte qu’ils affronteront bien plus que la fille populaire qui leur lance des pics, et que pour cela chacun devra faire bon usage de son pouvoir.

Sur le terme “pouvoir”, l’auteur nous reprend: “Je préfère parler de faculté, de force”. En effet, dès le départ elle tenait à ce que les “pouvoirs” des personnages restent proches de la réalité. Dawne a une force qui dépasse largement la moyenne, Mortimer a une chance sur laquelle il peut compter à 100%. Quant à Roman, sa capacité à récupérer rapidement et à ne pas sentir la douleur pourrait s’apparenter à l’analgésie. “Pour Leotta, mon imagination n’a pas été d’accord, elle voulait se faire plaisir!”, sourit l’auteure. En effet, on découvrira que la jeune fille a d’autre talents que celui de faire craquer Dawne.

Au-delà de l’intrigue, Clara Le Corre voulait surtout raconter une histoire d’amitié forte avec des personnages vrais. Dans son processus d’écriture elle s’inspire des gens qu’elle connait, et de ses expériences personnelles. Elle démarre le tome I en 2013. “Quand j’écris, cela devient une obsession”! affirme-elle. Au travail, aux études, elle prend des notes d’une main et écrit son roman de l’autre. Pas une page de cahiers sans un petit mot sur Dawne ou Cacho. Les tocs de Linus, elle les a observés dans son entourage, Roman est presque trait pour trait un ancien camarade, l’histoire de Dawne et Leotta ne lui est pas non plus pas inconnue.

Elle voulait que les lecteurs ressentent authentiquement ces liens entre les personnages, et admet que les pouvoirs et les dangers sont surtout les vecteurs qui font que les personnages évoluent, apprennent peu à peu à se connaître eux-mêmes, à connaître les autres, à se rapprocher et à faire avec les forces et les faiblesses de chacun.

On imagine que le tome III réserve encore à leurs pouvoirs et à leurs cœurs quelques épreuves. Jeune lecteur – ou lecteur de tout âge, si vous êtes resté un peu adolescent –, vous pouvez découvrir depuis aujourd’hui la trilogie complète des “Hunters High Rule” ici:

www.facebook.com/lecorredencre

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“Hocus Pocus”: une formule magique pour convoquer les apparitions

C’est au théâtre Am Stram Gram de Genève que le chorégraphe Philippe Saire s’arrête pour présenter son spectacle mêlant danse contemporaine, jeux de clair-obscur et musique envoûtante.

Texte: Nastassja Haidinger

Photo: Philippe Pache

La scène, plongée dans la pénombre, nous accueille avec une boîte noire encadrée par deux tubes lumineux. C’est dans ce cadre que surgissent soudain des bouts de corps, d’abord protubérances incertaines puis membres aux gestes souples: des mains, des pieds, des bras se lient et se délient, au rythme de la musique de “Peer Gynt” d’Edvard Grieg qui accompagne savamment l’histoire en train de se ficeler sous nos yeux. Les personnages se révèlent sous peu, sortent des ténèbres pour se parler, se chercher, se chamailler. Ils disparaissent et reparaissent, tandis que formes et textures sont révélées par la lumière.

Photo: Philippe Pache

On ne comprend pas tout ce qui se raconte sur scène, si ce n’est la relation qui est en train de se tisser entre les deux personnages. Ceux-ci évoluent dans un monde à la fois étrange et poétique, tantôt piégés par une toile d’araignée, tantôt pourchassés par des monstres et avalés tous crus par une curieuse bête marine! Il suffit parfois d’une musique évocatrice et d’un éclairage expressif pour immerger le spectateur dans les profondeurs de l’océan et laisser l’imagination faire le reste. Des événements inattendus, au caractère fantastique, qui ont eu l’air de ravir les enfants, attentifs et vite au fait du dispositif lumineux. “Hocus Pocus” se construit autour d’une suite de rebondissements surprenants, oscillant entre des séquences contemplatives et des épisodes plus rapides. Et au-delà de l’histoire contée, on se laisser porter par la force des images et des jeux de lumière, par ces apparitions qui en deviennent des formes abstraites, mouvantes, ondulantes. Bienvenue dans le monde de l’illusion et de la magie, pour petits et grands!

Le spectacle affiche déjà complet au théâtre Am Stram Gram, mais il poursuivra sa tournée à l’Echandole à Yverdon et à l’Oriental Vevey en décembre, et dans différentes villes suisses jusqu’en mars 2018.

www.philippesaire.ch/hocus-pocus

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Oh boy, quelle saison!

Pour présenter sa nouvelle saison, le Petit Théâtre ne pouvait pas plus nous ravir: un spectacle en avant-première, un goûter sucré en présence du chocolatier Olivier Fuchs, un atelier dans la cour extérieure avec Haydé pour les enfants, et un apéro salé après que Sophie Gardaz nous ait parlé de sa programmation avec l’aide des metteurs en scène de la saison à venir.

Texte: Katia Meylan

Dans ce théâtre, on sent des liens forts, de famille ou d’amitié, on sent le plaisir de créer ensemble, l’envie de faire rêver, sans prétention. On s’y sent bien, en somme.
Et c’est parfait, car L’Agenda compte bien y retourner durant l’année, après cet aperçu de ce qu’ils nous préparaient!

Hier soir, 6 septembre, la saison a commencé avec “Oh boy!”, mis en scène par Olivier Letellier d’après le texte de Marie-Aude Murail. La petite fille en moi qui avait lu et relu le roman dans les années 2000 a été émue de voir la pièce, 17 ans plus tard, et de retrouver ces personnages  qui nous font passer du rire aux larmes et surtout l’inverse.

“Oh boy!” c’est l’histoire de Barthélémy Morlevent, beau gosse de 26 ans, qui habite seul, qui a un petit copain, qui n’a pas de responsabilités et pas vraiment de famille. Jusqu’au jour où il se voit confier la tutelle d’un frère de 14 ans, Siméon, et de deux sœurs de 8 et 5 ans, Morgane et Venise. Les quatre Morlevent vont rapidement s’apprivoiser, s’attacher et se retrouver à devoir tout faire pour ne pas être séparés, par la juge des tutelles ou… par la maladie de Siméon.

Bart, interprété par le comédien Guillaume Fafiotte. Photo: Christophe Raynaud Delage

Le roman aborde une foule de sujets graves: le suicide, la famille recomposée, les enfants délaissés, la maladie, la mort. Mais il le fait avec un ton qui va droit au cœur. Il lance des petites balles d’humour, d’amour. Guillaume Fafiotte, seul sur scène, interprète l’histoire du point de vue de Bart. Un Bart désinvolte, qui place un petit rire entre chaque phrase avec sa voix de grand ado, il agacerait presque… mais il devient un grand frère tellement attachant!

Dans le roman, le thème de l’homosexualité n’est pas mis en évidence, il est juste là comme un fait. Fait que tous les personnages – sauf la belle-sœur Josiane – prennent pour acquis, que le lecteur prend pour acquis. Il est à peine plus accentué dans la pièce, par certains regards séducteurs que Bart lance aux garçons dont il parle. Le plus irrésistible tient dans la réplique de la petite Venise, qui demande un mari pour sa poupée Ken.

Après avoir tourné depuis 2009, un peu partout et même aux États-Unis, le spectacle était là, au Petit Théâtre de Lausanne. Il y sera encore jusqu’à dimanche 10 septembre.

www.lepetittheatre.ch

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Peut-on raconter en musique?

Le Grand Théâtre de Genève propose deux contes musicaux de Sergueï Prokofiev menés tambour battant par le récitant Joan Mompart, l’Orchestre du Collège de Genève et le Grand Théâtre, pour le plus grand bonheur des enfants et des plus grands!

Texte et photo: Nastassja Haidinger

“Le bûcher d’hiver”, dont la musique a été écrite sur un texte de Samouil Marchak, nous raconte l’histoire de jeunes enfants moscovites partis découvrir la campagne enneigée: le son des pistons et la fumée d’un train à vapeur, incarné par les allers-retours de Mompart sur scène, nous plongent très vite dans l’ambiance de leur départ. C’est le premier mouvement de la suite orchestrale, qui en comptera sept autres. L’aventure des citadins est narrée avant chaque mouvement par la voix et les déplacements du récitant (dont les mimiques éloquentes semblent faire leur effet auprès des jeunes spectateurs), au rythme des actions dont on se forme très vite en esprit des images caractéristiques – la neige qui tombe, les patins sur le lac gelé, le feu de camp qui crépite. Citons le passage agréable du chœur d’enfants (chœur de l’École des Pâquis) au moment où le groupe entonne un chant patriotique.

L’attrait particulier de ce concert réside toutefois dans la seconde partie, consacrée à “Pierre et le Loup”. L’idée est simple, et pourtant très efficace et originale: chaque personnage du conte est incarné par un instrument de l’orchestre. Si l’oiseau se réserve le son cristallin de la flûte traversière, le loup quant à lui préfère les accents plus ténébreux de trois cors, tandis que le grand-père de Pierre prête sa voix à un basson. Joan Mompart nous les énumère l’un après l’autre, pour familiariser les spectateurs aux sons qui s’apprêtent à tisser la trame du récit. Cette approche didactique permet d’initier les enfants à certains instruments de musique, mais elle est aussi un moyen pour nous, spectateurs un peu plus âgés, de nous laisser porter par chaque intermède musical, et d’imaginer à travers les thèmes propres à chaque personnage, le canard pris au piège par le loup ou la marche hasardeuse des chasseurs dans la forêt (comiquement mimée par Mompart). Un récit musical qui fait un parfait usage des spécificités de chaque instrument pour saisir le tempérament des personnages – une façon de raconter en musique –  dont le succès semble toujours au rendez-vous.

“Pierre et le Loup” et “Le bûcher d’hiver” à L’Opéra des Nations

Mardi 27 juin à 19h30
Mercredi 28 à 19h30

www.geneveopera.ch

 

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“Münchhausen?” ou l’éloge de la folie

“Ce qui est imaginé aujourd’hui sera prouvé demain”: spectacle d’ouverture, “Münchhausen?” clame avec force le ton de la nouvelle saison du théâtre Am Stram Gram, la quatrième aux commandes de Fabrice Melchiot. En adaptant les miraculeuses péripéties de Karl Friedrich Hieronymus, Baron de Münchhausen, ce dernier ouvre un dialogue vertigineux qui célèbre le pouvoir de l’imagination entre mensonges et vérités, enfance et deuil.

Figure mythique née sous la plume de Rudolph Erich Raspe, le Baron de Münchhausen devient, dans la version de Fabrice Melchiot, un vieillard givré et malade, ressassant ad libitum ses anciennes aventures dans une chambre d’hôpital. Il les raconte à son fils, Moi, qui commence à se lasser des prouesses fantasques de son Baron de père. Münchhausen meurt le jour des trente ans de Moi. Et le jeune homme doit faire face à l’absence de son père. Quoique…

La première partie de la pièce se plonge dans les rapports père-fils. La confrontation entre Münchhausen (Jacques Michel) et Moi (Bastien Semenzato), bien équilibrée, séduit par la drôlerie des dialogues et la tendresse qui émane des acteurs. Puis, avec l’aide de Elle (Mélanie Bauer), du Seul pote (Baptiste Gilliéron) et de l’Inconnu au bataillon (Christian Scheidt), la pièce décolle vers de folles aventures au pays de l’imaginaire et de tous les possibles. Personnage à part entière, le décor a été imaginé par le metteur en scène Joan Mompart: des panneaux modulables et des projections vidéo de Brian Torney qui se plient aux folies de la fine équipe.

Situations rocambolesques, personnages étonnants et chansons entraînantes: l’humour est toujours présent dans cette adaptation de Fabrice Melquiot qui pose également les thèmes essentiels à la construction de soi, le premier étant peut-être de retrouver l’enfance cachée… C’est tout le charme de ce “Münchhausen ?”, à découvrir au théâtre Am Stram Gram du 29 septembre au 18 octobre.

Texte: Marie-Sophie Péclard

Photo: Elisabeth Carecchio
Photo: Elisabeth Carecchio

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Les trois petits cochons

“On est les trois petits enfants

Plus malins que les trois p’tits cochons,

Même sans queue en tire-bouchon,

Même sans queue en tire-bouchon ! “

Photo : Pénélope Henriod
Photo : Pénélope Henriod

Le public du Petit Théâtre se tait progressivement en entendant les premiers quatre vers de la chanson, et toutes les têtes se tournent pour voir d’où proviennent les voix. Nous sommes encore en train d’attendre dans le hall, et le spectacle commence déjà. Lorsque le niveau sonore est suffisamment descendu pour laisser entendre les paroles, certains s’interrogent. Trois petits enfants ? Ce ne sont pas des cochons ? Les quatre acteurs traversent le hall et nous ouvrent les portes. L’une dans une charmante robe, les trois autres habillés en culotte courte.

On apprend vite que les héros de notre histoire seront ces trois-là ; l’aîné plus raisonnable, la fillette un peu garçon manqué et le petit peureux. “Les trois petits cochons“ est leur histoire favorite et ils rêvent de partir en vacances sur l’île du Lard pour rencontrer le loup. Ils sont sûrs d’être plus malin que lui, puisqu’ils ont déjà lu la fin ! Leur maman les laisse partir seul, et ils deviennent ainsi acteurs et narrateurs de leur propre voyage.

Dans un décor mobile qui fait son petit effet, les enfants partent en avion, montent leur maison de paille, rencontrent un vieux loup tout décati qui ne semble pas très motivé à les manger. Ils construisent ensuite leur maison de bois en clouant et transportant des planches au rythme de la bande sonore. Puis le loup, en pétant très fort –oui, de nombreuses choses nous rappellent que c’est un spectacle destiné aux enfants, qui sont d’ailleurs morts de rire- mincit d’un coup, rajeunit et… redevient méchant ! Les enfants commencent à avoir peur, et construisent la maison de brique, qui est en fait le décor initial, leur maison. Ils réalisent peu à peu que le loup, même s’il leur fait très peur, a les mêmes pantoufles que leur maman… le même parfum que leur maman…

En tant que spectateur, on ne sait pas quoi penser de cette dernière. Elle semble superficielle, beaucoup plus femme que mère et presque inquiétante, avec une voix et une robe séductrices. Pourtant, tout en disant qu’elle n’a pas de temps pour partir en vacances avec ses enfants, elle a su les faire voyager au pays de leur histoire préférée…

Vous pouvez encore aller voir la compagnie Champs d’action les 18, 21 ou 22 février à Lausanne, ou alors lors de leur tournée jusqu’en avril à Monthey, Yverdon, Gland ou Thonon.

Texte : Katia Meylan

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Le dératiseur de Hamelin

” L’art doit toujours un peu faire rire et un peu faire peur.” Jean Dubuffet, devise de la Compagnie Pied de Biche.

Enfoui dans toutes les mémoires d’enfants, le conte du “Joueur de flûte de Hamelin” met en scène la déchéance de Hamelin, dont les habitants sont corrompus par l’appât du gain et ne semblent jamais repus de leur opulence. Clin d’œil aux sociétés modernes et à l’indifférence du capitalisme, “Le dératiseur de Hamelin” qui se joue actuellement au Théâtre des Marionnettes de Genève ne met pas seulement en évidence la pertinence actuelle de la fable. La version de la Compagnie Pied de Biche réactualise aussi le conte en lui offrant un beau dépoussiérage.

Photo: Sylvain Chabloz
Photo: Sylvain Chabloz

Le plus frappant est bien entendu la présence de chansons qui rythment la pièce. Sur des airs de comédie musicale, les cinq comédiens-marionnettistes-chanteurs donnent un coup de fouet énergique, avec un son résolument rock et électrique. Ce qui fascine, cependant, c’est le déséquilibre et l’ambiguïté constamment interrogés par la mise en scène de Frédéric Ozier. Loin des archétypes et des caricatures, le conte se dévoile dans toute sa complexité et ses zones d’ombre.

Les différents niveaux de jeu mettent parfaitement en scène cette ambivalence. Alors que ceux qui détiennent le pouvoir (le maire, ses proches, le prêtre) sont interprétés par des comédiens, les marionnettes se partagent les différentes couches de la population “manipulée”, de la marionnette à gaine faisant encore corps avec le comédien à la marionnette de table qui représente les plus faibles, les enfants. D’ailleurs, les parents pleurent les enfants enlevés par le dératiseur. Mais ont-ils oublié qu’ils les exploitaient au travail ? “Ce qui est bien pour vous est bien pour moi” déclare, en substance, le bourgmestre devant ses concitoyens en songeant aux prochaines réélections. À partir de quand le bien (le profit) devient-il un mal pour les habitants?

Et que dire de l’énigmatique joueur de flûte? Figure fantasque entre Peter Pan et le Capitaine Crochet, inspiré par le Chapelier fou de Tim Burton, le héros est représenté par une marionnette et interprété par un comédien. Est-il du côté des floués de Hamelin ou le génie maléfique condamnant la cité à sa perte?

Photo: Sylvain Chabloz
Photo: Sylvain Chabloz

Chacun est libre de trouver sa propre interprétation, jusqu’au 8 février au Théâtre des Marionnettes de Genève.

Texte: Marie-Sophie Péclard

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Le dératiseur de Hamelin

” L’art doit toujours un peu faire rire et un peu faire peur.” Jean Dubuffet, devise de la Compagnie Pied de Biche.

Enfoui dans toutes les mémoires d’enfants, le conte du “Joueur de flûte de Hamelin” met en scène la déchéance de Hamelin, dont les habitants sont corrompus par l’appât du gain et ne semblent jamais repus de leur opulence. Clin d’œil aux sociétés modernes et à l’indifférence du capitalisme, “Le dératiseur de Hamelin” qui se joue actuellement au Théâtre des Marionnettes de Genève ne met pas seulement en évidence la pertinence actuelle de la fable. La version de la Compagnie Pied de Biche réactualise aussi le conte en lui offrant un beau dépoussiérage.

Photo: Sylvain Chabloz
Photo: Sylvain Chabloz

Le plus frappant est bien entendu la présence de chansons qui rythment la pièce. Sur des airs de comédie musicale, les cinq comédiens-marionnettistes-chanteurs donnent un coup de fouet énergique, avec un son résolument rock et électrique. Ce qui fascine, cependant, c’est le déséquilibre et l’ambiguïté constamment interrogés par la mise en scène de Frédéric Ozier. Loin des archétypes et des caricatures, le conte se dévoile dans toute sa complexité et ses zones d’ombre.

Les différents niveaux de jeu mettent parfaitement en scène cette ambivalence. Alors que ceux qui détiennent le pouvoir (le maire, ses proches, le prêtre) sont interprétés par des comédiens, les marionnettes se partagent les différentes couches de la population “manipulée”, de la marionnette à gaine faisant encore corps avec le comédien à la marionnette de table qui représente les plus faibles, les enfants. D’ailleurs, les parents pleurent les enfants enlevés par le dératiseur. Mais ont-ils oublié qu’ils les exploitaient au travail ? “Ce qui est bien pour vous est bien pour moi” déclare, en substance, le bourgmestre devant ses concitoyens en songeant aux prochaines réélections. À partir de quand le bien (le profit) devient-il un mal pour les habitants?

Et que dire de l’énigmatique joueur de flûte? Figure fantasque entre Peter Pan et le Capitaine Crochet, inspiré par le Chapelier fou de Tim Burton, le héros est représenté par une marionnette et interprété par un comédien. Est-il du côté des floués de Hamelin ou le génie maléfique condamnant la cité à sa perte?

Photo: Sylvain Chabloz
Photo: Sylvain Chabloz

Chacun est libre de trouver sa propre interprétation, jusqu’au 8 février au Théâtre des Marionnettes de Genève.

Texte: Marie-Sophie Péclard

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